Il est (re)venu le temps des cathédrales : réouverture de Notre-Dame de Paris
Chaque samedi, ONFR propose une chronique sur l’actualité et la culture franco-ontarienne. Cette semaine, l’historien et spécialiste de patrimoine Diego Elizondo.
[CHRONIQUE]
C’est ce dimanche que la cathédrale Notre-Dame de Paris, la mère de toutes les cathédrales, rouvre ses portes au public après le spectaculaire incendie de 2019 qui a failli la raser et qui a ému le monde entier. Des dizaines de chefs d’État, dont le président-élu américain Donald Trump, sont attendus pour une cérémonie ce samedi dans la capitale française. Si le président de la République est présentement ennuyé par les enjeux de politique intérieure, Emmanuel Macron peut se targuer d’avoir réussi son pari sur la colossale reconstruction patrimoniale de Notre-Dame en cinq ans, tel que promis.
L’histoire de Notre-Dame de Paris commence au XIIe siècle. C’est sous l’impulsion de l’évêque catholique de Paris Maurice de Sully que l’idée de bâtir une grande cathédrale en plein cœur de la ville voit le jour, en 1163. L’édifice sera le témoin de l’ascension de la ville de Paris au rang de métropole européenne, mais aussi un lieu de pouvoir spirituel et politique. La construction débute alors sous l’égide du roi Louis VII. La façade occidentale, qui orne encore aujourd’hui Notre-Dame, est terminée vers 1250, avec des ajouts et des modifications jusqu’en 1345.
Notre-Dame a joué un rôle central dans de nombreux événements de l’histoire de France. Le mariage d’Henri de Navarre (futur Henri IV) et de Marguerite de Valois y a lieu en 1572. La cathédrale est saccagée et pillée au moment de la Révolution française mais sera le lieu quelques années plus tard, en 1795, de la réconciliation de la monarchie avec la Révolution, lors de la messe de l’Assomption de 1795. C’est là aussi à Notre-Dame qu’a eu lieu le sacre de Napoléon Bonaparte en 1804.
Malgré cela, au début du XIXe siècle, la cathédrale est vandalisée, abandonnée et en état de décrépitude avancé. S’indignant, l’écrivain Victor Hugo décide d’écrire un roman sur la cathédrale pour attirer l’attention publique. Succès populaire, Notre-Dame de Paris paru en 1831 a l’effet escompté et est devenu depuis lors un classique. L’architecte Eugène Viollet-le-Duc y entreprend une vaste restauration (de 1843 à 1864) et la cathédrale est sauvée.
Un chef-d’œuvre gothique
Notre-Dame de Paris est l’exemple parfait du style d’architecture gothique, caractérisé par des arcs-boutants, des voûtes en ogive et des vitraux qui créent des effets de lumière impressionnants à l’intérieur de la cathédrale. Ces éléments, qui étaient révolutionnaires à l’époque de sa construction, permettaient de construire des murs plus fins et de placer de grandes fenêtres, notamment les fameuses rosaces.
Le plan de la cathédrale est celui d’une croix latine, avec une grande nef centrale, des collatéraux et un transept qui marque l’intersection avec le chœur. La cathédrale mesure 130 mètres de long et 48 mètres de large. Son architecture a été pensée pour élever le regard des fidèles vers le ciel, un symbole de l’élévation spirituelle. La hauteur de la nef atteint 35 mètres, et le chœur est dominé par la grande rosace, l’un des plus beaux exemples de vitrail médiéval.
La façade occidentale de Notre-Dame est sans doute l’une de ses plus grandes merveilles architecturales. Composée de trois portails, elle est décorée de statues représentant les grands moments bibliques, depuis la naissance du Christ jusqu’à son ascension. Les tours jumelles, hautes de 69 mètres, encadrent cette façade imposante et sont surmontées de gargouilles et de statues, qui veillent sur la ville.
L’incendie de 2019 : « Notre-Drame »
Le 15 avril 2019, la France et le monde entier sont plongés dans l’émotion la plus totale lorsqu’un incendie ravage la cathédrale. Les images des flammes dévorant l’édifice, vues en direct à la télévision et sur les réseaux sociaux, font le tour du monde.
Les flammes prennent rapidement de l’ampleur, engloutissant le toit et la flèche qui culminait à 93 mètres. Héroiques, les pompiers de Paris luttent pendant plusieurs heures pour sauver l’édifice, mais la cathédrale subira des dégâts considérables : le toit entièrement détruit, le parquet de la nef endommagé, et plusieurs œuvres précieuses, dont le grand orgue, affectées.
L’incendie a été un choc profond, non seulement pour les Français, mais aussi pour le monde entier. En entrevue à ONFR à l’époque, le militant pour le patrimoine Michel Prévost avait déclaré : « L’incendie de Notre-Dame de Paris devrait nous réveiller et pousser les communautés (en Ontario français) à désigner leur église monument historique pour qu’elles soient reconstruites à l’identique, en cas d’incendie. On imagine trop souvent que ça n’arrive qu’aux autres. »
Le président français Emmanuel Macron avait annoncé le lendemain de l’incendie qu’un vaste chantier de restauration serait lancé avec pour objectif de reconstruire la cathédrale dans un délai de cinq ans, à l’occasion des Jeux olympiques de Paris en 2024.
La restauration patrimoniale : un défi colossal
Le chantier de restauration de Notre-Dame est un projet titanesque. Dès les premières heures après l’incendie, une mobilisation internationale s’est organisée pour recueillir des fonds. Plusieurs milliards d’euros ont été promis par des mécènes, des entreprises et des particuliers.
Au total, la restauration de Notre-Dame a rassemblé 350 000 donateurs, pour un total de 843 millions d’euros collectés (environ 1,2 milliard de dollars canadiens), provenant de plus de 150 pays.
Ce généreux financement a permis de lancer un chantier d’une envergure exceptionnelle. Après avoir un temps hésité à reconstruire Notre-Dame avec une touche d’architecture moderne, le président de la République française, Emmanuel Macron, a décidé de restaurer la cathédrale fidèlement à l’original, en respectant les techniques traditionnelles. Pour ce faire, de nombreux artisans et spécialistes du patrimoine, tels que des sculpteurs, des charpentiers, des tailleurs de pierre et des vitraillistes, ont été mobilisés.
La première phase de la restauration a consisté à sécuriser l’édifice. Des travaux de consolidation ont été nécessaires pour stabiliser les structures restantes, notamment les deux tours et les murs extérieurs, fragilisés par l’incendie. En 2020, les équipes ont commencé à retirer les débris du toit et à restaurer les éléments détruits. Parallèlement, des fouilles archéologiques ont permis de découvrir des objets historiques, des morceaux d’archives et des artéfacts, ajoutant à la richesse du projet et aux connaissances sur l’histoire de Notre-Dame.
Véritable symbole universel, d’histoire, d’architecture et de patrimoine, Notre-Dame de Paris est aussi un lieu de mémoire et de spiritualité. Après avoir survécu à un incendie dévastateur, le monument historique le plus visité d’Europe renaît de ses cendres. Entreprise colossale, l’aboutissement de sa restauration patrimoniale incarne l’espoir et la résilience. Plus belle que jamais, son intérieur est maintenant davantage éclairé. La popularité de ce chef-d’œuvre architectural, patrimoine mondial de l’UNESCO, n’est que renforcée.
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