Images à caractère raciste dans une école : les leaders noirs condamnent le geste du directeur

L'École secondaire catholique Monseigneur-Bruyère, à London. Source: www.vibe.cscprovidence.ca

LONDON – Les faits remontent à 2019 : une vidéo dans laquelle on voit le directeur de l’École secondaire catholique Monseigneur-Bruyère porter les cheveux coupés d’un élève noir a été partagée par des militants Black Lives Matter de London, ce vendredi, dénonçant un comportement raciste et réclamant des sanctions. La direction du Conseil scolaire Providence l’a aussitôt relevé de ses fonctions, au cours du week-end, en attendant les conclusions d’une enquête interne. L’attitude du directeur soulève l’indignation.

Les images diffusées sur le compte Instagram de Black Lives Matter London créent le malaise : on voit Luc Chartrand, directeur d’école, mettre sur sa tête les cheveux d’un de ses élèves tondus. La scène s’est produite dans un gymnase et en public, en 2019. Ce qui était à l’origine une action de solidarité, destinée à amasser des fonds pour la lutte contre le cancer, a dérapé avec ce que beaucoup considèrent comme le geste de trop.

La conseillère municipale Arielle Kayabaga a manifesté son écœurement dans un tweet : « C’est un directeur de London qui a ramassé les cheveux d’un élève, les a assemblés pour en faire une perruque et le conseil scolaire a refusé de s’en occuper! », fustige l’unique élue francophone de la ville du Sud-Ouest ontarien. « Nous avons besoin de plus de responsabilité et de réponses sur ce comportement dégoûtant! »

À gauche : la photo en cause, publiée par BLM London sur son compte Instagram. Au centre et à droite : des extraits de la vidéo. Montage ONFR+

« Les étudiants qui se souviennent de la journée rapportent se sentir traumatisés alors que Chartrand paradait devant ce jeune homme », affirme sur les réseaux sociaux les activistes du mouvement Black Lives Matter local.

« Plusieurs étudiants lui ont demandé d’enlever les cheveux, mais Chartrand a refusé. À l’automne 2019, il portait à nouveau les cheveux pour Halloween, avec un uniforme de basket-ball, affirmant qu’il était habillé comme l’élève dont il portait les cheveux ». Et d’exiger « la destitution immédiate de Luc Chartrand de sa position d’influence ».

« Un historique raciste au sein de cette école »

« Je suis très déçue par le comportement de ce directeur », réagit Julie Lutete, présidente de la Coalition des Noirs francophones de l’Ontario. « C’est un exemple parmi d’autres de comportements inacceptables auxquels font face les élèves. Celui-là a été exposé, mais combien d’autres discriminations sont passées sous silence? »

« Ça confirme la perception de la supériorité blanche envers les communautés noires qui sont vues comme des communautés primitives », surenchérit Léonie Tchatat qui déplore « un manque de compréhension culturelle de ce directeur qui aurait dû comprendre qu’il est dans une école multiculturelle qui a des valeurs qui y sont associées ».

« À chaque fois, on nous rejoue la même cassette », lâche Jean-Marie Vianney, activiste antiraciste et cofondateur de la Coalition des Noirs francophones de l’Ontario. « On est toujours en réaction. Ce que nous devons faire dans le futur, c’est prévenir ce genre de comportement dans une optique de vivre ensemble dans la francophonie. »

Jean-Marie Vianney, cofondateur de la Coalition des Noirs francophones de l’Ontario. Archives ONFR+

Mme Tchatat estime, dans le même ordre d’idée, qu’il y a un travail à faire au sein de l’institution en termes d’inclusion et de diversité. « Cette personne a été congédiée (le temps d’une enquête) mais est-ce que les politiques sont en place pour en sorte que ça n’arrive plus? D’autant qu’il y a un historique raciste au sein de cette école où des jeunes se plaignent. Cela démontre à quel point le racisme est accepté au sein de l’institution. »

Julie Lutete pense, de surcroît, que les conseils scolaires devraient mettre en place des tests à l’embauche ou avant toute nomination afin de contrôler la sensibilité du personnel d’éducation aux questions de diversité.

M. Vianney plaide pour la mise en place des formations dans les directions d’école et de mécanismes de vérification avant de publier un geste, une parole.

« Mais on ne sent pas cette porte ouverte au niveau des conseils scolaires », dit-il. « Ils ont par exemple trainé des pieds pour entériner la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine (proclamée par les Nations Unies). Quant aux directions d’école, notre société a tellement évolué, qu’on ne peut plus mettre que des hommes blancs qui appartiennent à une monoculture. On voudrait voir une diversité culturelle et la retrouver autour de la table du dialogue. »

Encore du travail à faire, admet la direction

« Nous condamnons fermement ce type de comportement et maintenons une politique de tolérance zéro à l’égard de tout racisme, de toute discrimination ou de toute apparence de ceux-ci », a tenu à clarifier Lyne Cossette, directrice des communications au Conseil scolaire catholique Providence.

Ce conseil scolaire du Sud-Ouest a embauché récemment une conseillère en droits de la personne et en équité et affirme offrir une formation sur l’antiracisme et l’antidiscrimination à ses conseillers scolaires et son administration. Il soutient également avoir adapté ses pratiques d’embauche de sorte qu’elles reflètent son engagement envers l’équité, la diversité et l’inclusion.

Des pare-feu qui n’ont pas suffi. « Cette situation montre clairement que nous avons encore du travail à faire afin d’établir et de promouvoir le type d’environnement d’apprentissage où chacun se sent en sécurité et respecté », admet Mme Cossette. « Nous prendrons d’autres mesures pour résoudre ce problème à l’échelle de notre conseil dans les semaines et les mois à venir. »