Immigration francophone : « Ce n’est pas tout rose pour les nouveaux immigrants »
VANIER – À Ottawa se trouve une machine bien huilée : le Centre des services communautaires de Vanier. Véritable porte d’entrée pour les nouveaux arrivants francophones, le CSC Vanier offre une multitude de services et programmes à l’heure où être un nouvel arrivant n’est pas chose facile.
« Les gens en ce moment s’inquiètent sur le logement, mais on reçoit aussi beaucoup de demandes sur les services de garde et les écoles de langues », explique Elyse Robertson, directrice des communications au CSC Vanier.
« Ce n’est pas étonnant », renchérit-elle, « c’est même une des premières inquiétudes chez les nouveaux arrivants qui recherchent un emploi. »
« Il leur faut une garderie pour leurs enfants, avant de trouver un emploi, mais il faut aussi qu’ils parlent anglais. »
Une triste réalité, pense-t-elle. « Je suis curieuse de comment on voit ça de l’extérieur. Les gens sont surpris à quel point c’est une barrière à l’emploi. »
D’après Mme Robertson, la langue économique d’Ottawa est l’anglais et d’ailleurs, apprendre l’anglais serait nécessaire pour survivre. « Je peux être la plus grande ambassadrice de la francophonie, mais la vérité, c’est que les personnes ont besoin de mettre de la nourriture sur la table. »
Les nouveaux arrivants sont, là aussi, surpris par la question du logement.
« La crise du logement se fait ressentir et beaucoup de gens viennent vers nous pour demander de l’aide. Pour les résidents de Vanier, les demandes à la banque alimentaire ont énormément augmenté », constate Elyse Robertson.
« Beaucoup de ces familles-là sont des nouveaux arrivants. On a eu une vague d’Ukrainiens, puis des familles nombreuses avec parfois plus de sept enfants. »
Le CSC Vanier a aussi remarqué que plusieurs familles se rassemblent dans un même logement, « souvent trop petit pour toutes ces personnes ».
« On appelle ça du rooming house, c’était vraiment stigmatisé parce qu’habituellement les toxicomanes s’hébergent de la sorte, mais là, on voit ça pour trois familles sous la même adresse ».
Le Centre des services communautaires de Vanier redirige aussi les nouveaux arrivants qui ont des besoins, vers des partenaires adaptés, que ce soit pour de l’ameublement, des vêtements ou vers la banque alimentaire.
Le CSC Vanier offre gratuitement ces services et programmes depuis les années 1980.
Avec une enveloppe budgétaire de près de neuf millions de dollars, l’organisme à but non lucratif s’est muni de plusieurs programmes reconnus par la communauté.
Des programmes qui soutiennent l’immigration francophone
Le CSC Vanier couvre l’accueil et l’intégration des nouveaux immigrants francophones en leur fournissant les connaissances dont ils ont besoin pour s’installer durablement en Ontario français.
- Le Centre des services communautaires de Vanier possède une clinique juridique francophone qui est l’une des deux seules cliniques juridiques communautaires desservant exclusivement les francophones de l’Ontario.
- Il offre aussi un carrefour de pédiatrie sociale où plusieurs professionnels du domaine de la santé, de l’action sociale, de l’éducation, du droit et autres s’impliquent pour aider les enfants vulnérables.
Pour l’intégration des immigrants francophones, l’organisme a mis en place des travailleurs d’établissement pour les familles. Hapsita Abakar est travailleuse d’établissement dans les écoles francophones d’Ottawa. Pour que les enfants nouvellement arrivés s’intègrent plus facilement, la jeune femme est régulièrement invitée sur les comités d’admission.
« Nous faisons une évaluation des besoins de la famille. Ils ont besoin d’un logement, d’un médecin de famille, de la carte santé, d’un permis de conduire et plein d’autres choses… »
En fonction des besoins, Mme Abakar trouve les organismes qui peuvent les aider.
Sahar Hamdach affirme aussi qu’il y a un travail à faire auprès des familles et de l’école. Comme travailleuse d’établissement, elle explique aux familles comment fonctionne le système scolaire canadien qui est souvent très différent de celui de leur pays d’origine. Ces employés sont au nombre de 14 et naviguent entre les trois conseils scolaires de l’Est ontarien que sont le CECCE, le CEPEO et CSDCEO.
Pour aider les nouveaux étudiants dans leurs écoles, les travailleuses d’établissement ont formé des groupes d’alliés composés d’élèves du secondaire et plus récemment de l’élémentaire.
« Ce sont des jeunes qui viennent de l’immigration et qui peuvent guider et soutenir les nouveaux. »
D’après Mme Hamdach, ces groupes créent un « sentiment d’appartenance et un filet de sécurité ».
Couvrir le bien-être des immigrants francophones
Le programme HIPPY (Instruction à domicile pour parents d’enfants d’âge préscolaire) est un programme pour les mères vulnérables et isolées, souvent réfugiées ou immigrantes.
Janvière Iratwibutse, qui travaille sur ce programme, organise des ateliers et activités avec les mères de famille nouvellement arrivées. « On va à la cabane à sucre, on va faire du patinage, pour sortir les femmes de l’isolement. Mais ce sont aussi les activités que les mères peuvent ensuite refaire avec leurs enfants », explique-t-elle.
Ce programme a fait ses preuves, pense Mme Iratwibutse, « une grande partie de ce projet-là, c’est l’empowerment des femmes, donc des mamans ».
Enfin, le CSC Vanier offre un programme qui aide les nouveaux arrivants à avoir une expérience canadienne dans leur domaine d’expertise. Experica 2.0 permet d’occuper un emploi non rémunéré pendant 12 semaines afin d’acquérir de l’expérience.
D’après Elyse Robertson, il y a beaucoup d’activités autour du réseautage, avec des employeurs ou avec personnes qui ont gradué du programme.
« On ne place pas les gens pour les laisser. Notre but, c’est de leur trouver un emploi. On fait du coaching accéléré : on les prépare aux entretiens, on cherche un emploi sur toutes les plateformes. »
L’organisme constate qu’il y a une augmentation du nombre d’inscriptions dans leurs services. Les programmes semblent bien fonctionner et le Centre des services communautaires de Vanier compte aujourd’hui plus d’une centaine d’employés. Cependant, si les programmes fonctionnent si bien, c’est aussi la preuve que l’immigration francophone en Ontario vit toujours des défis, côté perspectives d’avenir en français.