Inquiétude pour les services de santé aux Franco-Ontariens

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TORONTO – Le gouvernement de Doug Ford envisagerait la disparition des réseaux locaux d’intégration des services de santé (RLISS). Une décision qui pourrait nuire aux services de santé en français à travers la province, s’inquiètent plusieurs intervenants.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

Selon les informations de CBC, le gouvernement progressiste-conservateur étudierait la possibilité de supprimer ou de réduire à cinq les 14 RLISS existants.

« Ce n’est pas une surprise, car on sait que ce gouvernement cherche à faire des économies dans tous les domaines et que certains intervenants en santé sont plus ou moins satisfaits du travail des RLISS. Beaucoup voient ça comme une couche de bureaucratie supplémentaire », explique Martin Normand, politologue à l’Université d’Ottawa et stagiaire postdoctoral à l’Institut de recherche de l’Hôpital Montfort.

Créés dans une Loi de 2006 par le gouvernement libéral de Dalton McGuinty pour assurer un meilleur accès aux services et une meilleure coordination entre les systèmes locaux et la province, les RLISS gèrent 30 milliards $ par année, issus du ministère de la Santé et des Soins de longue durée, qu’ils répartissent dans les hôpitaux, les centres de santé communautaires ou encore, les centres de soins de longue durée.

Mais le gouvernement estime cet intermédiaire peu efficace et trop coûteux, s’appuyant sur des coûts d’opération estimés à 90 millions $ par année, selon les chiffres de la vérificatrice générale, Bonnie Lysyk, et sur les critiques de plusieurs acteurs de la santé, dont l’Association des hôpitaux de l’Ontario.

La décision d’en réduire le nombre ou de les abolir pourrait toutefois avoir des conséquences fâcheuses sur les Franco-Ontariens, prévient M. Normand.

« Chaque RLISS a un coordonnateur des services en français qui garde un œil sur la prestation de services de santé et qui permet d’avoir une lentille francophone dans la planification de ces services. »

Le politologue s’interroge aussi sur la possibilité de réduire les RLISS de 14 à cinq réseaux, ce qui créerait d’immenses territoires et pourrait nuire à l’objectif initial de mieux répondre aux besoins locaux en santé.

Quel avenir pour les entités?

Mais la principale source d’inquiétude pour les francophones, selon lui, concerne l’avenir des six entités de planification des services de santé en français. Créées dans la loi qui a vu naître les RLISS, elles visent à répondre spécifiquement aux besoins des communautés francophones.

« Ces entités sont considérées comme une des principales réussites du Commissariat aux services en français qui en avait recommandé la création pour répondre aux lacunes du système en matière de services de santé en français. Leur travail de consultation auprès des francophones est très important pour identifier les besoins. »


« Ce serait un retour de 10 ans en arrière, quand les francophones n’avaient aucune voix pour faire connaître leurs besoins. » – Jacinthe Desaulniers, RSSFE


Pour Jacinthe Desaulniers, présidente-directrice générale du Réseau des services de santé en français de l’Est de l’Ontario, une disparition des entités signifierait un recul considérable.

« Si on se contente de faire des consultations auprès de toute la population ontarienne, par la force des nombres, les priorités des francophones ne ressortent jamais. »

Ne pas perdre l’expertise

Diane Quintas, directrice générale du Réseau du mieux-être francophone du Nord de l’Ontario, refuse de spéculer sur ce qui n’est actuellement qu’une rumeur. Mais elle souligne l’importance des entités.

« Peu importe la décision qui sera prise, il ne faut pas perdre cette expertise, car elle est essentielle. Les entités de planification ont permis de faire de gros progrès ces dix dernières années dans l’accès aux soins de santé en français, même s’il reste beaucoup à faire. »

Une analyse que partage Estelle Duchon, directrice générale de l’Entité 4, qui dessert les régions du Centre, du Centre Est et de Simcoe Nord-Muskoka.

« Nous avons aujourd’hui des services que nous n’avions pas auparavant, comme des services de soins primaires en français au Centre de santé communautaire Taibu, à Scarborough, des places pour les francophones à la maison de soins de santé de longue durée Bendale Acres, à Toronto. Les francophones ont aussi désormais accès au programme Passage pour les soins de santé mentale. Ce sont des exemples concrets! »

Dans l’Est de la province, Mme Desaulniers insiste sur le travail réalisé avec les fournisseurs de services de santé qui a permis à certains d’entre eux d’être désignés en vertu de la Loi sur les services en français.

« Ils doivent remplir certains critères et nous les aidons à développer leur plan pour obtenir la désignation, ce qui signifie un meilleur accès et des services de qualité. »

Des discussions à avoir

La ministre de la Santé et des Soins de longue durée, Christine Elliott, par la voix de sa porte-parole Hayley Chazan, confirme que des changements sont à venir.

« En 15 ans, le gouvernement libéral a échoué à développer une stratégie globale en matière de santé et nous avons hérité d’un système bureaucratique qui n’est pas fait pour les patients. Notre gouvernement a été élu pour mettre le patient au centre du système et nous sommes dédiés à mener cette transformation. Nous allons continuer à écouter les patients, les familles et les fournisseurs de service de première ligne pour créer un système efficace pour les Ontariens. »

Si elles se disent prêtes à discuter avec le gouvernement, les représentantes des entités interrogées par #ONfr insistent que le rôle et le mandat qu’occupent actuellement les entités ne doivent pas être mis de côté, peu importe la structure choisie.

« Il est important de maintenir un mandat clair, des ressources adéquates et une gouvernance communautaire indépendante, « par et pour les francophones », comme nous l’avons actuellement », souligne Mme Duchon.

Sans se prononcer sur la pertinence d’améliorer le système, Mme Desaulniers, souhaite « que les avancées se poursuivent » en matière de services de santé pour les francophones.