« J’aimerais que la communauté franco-ontarienne soit plus vocale » – Pierre-Paul Noreau
[ENTREVUE EXPRESS]
QUI :
Pierre-Paul Noreau est le président et éditeur du quotidien Le Droit. Il occupe cette position depuis 2015, année du rachat du journal par le Groupe Capitales Médias (GCM) au groupe Gesca.
LE CONTEXTE :
Le Droit est dans une situation économique très difficile. Ce lundi, l’opération de sauvetage du gouvernement québécois par un prêt de cinq millions de dollars pour les six quotidiens de GCM, le tout dans la foulée de la déclaration de faillite du groupe médiatique, n’a pas dissipé les inquiétudes.
L’ENJEU :
Une solution à moyen ou long terme s’impose pour sauver le journal centenaire désormais sous respirateur artificiel.
« Une première question, M. Noreau : comment va aujourd’hui le moral des employés au journal Le Droit, deux jours après l’annonce.
Cela a créé une situation d’insécurité, on ne fera pas semblant que ça n’existe pas. L’octroi de cinq millions de dollars est venu un peu calmer la nervosité pour les prochaines semaines et les prochains mois. Il va falloir qu’il y ait des signaux rassurants pour que nous ayons un élan de relance fort. Quand on dit qu’il y a une situation de faillite et qu’on se retrouve à l’avoir évitée, cela signifie qu’il y a toujours un risque à la fin. Les journaux sont livrés, les gens continuent à travailler et il y a toujours une belle cohésion.
Quelle est selon vous la meilleure solution pour pérenniser le journal Le Droit?
C’est sûr que si on se compare au Journal de Québec ou au Journal de Montréal, eux vont bien parce qu’ils ont Vidéotron, sinon ils seraient dans la même situation que nous. Si un grand groupe comme Cogeco ou Bell accepte de nous racheter, il pourrait y avoir une synergie, un intérêt dans la communication, ça viendrait comme aider. On a les poches bien profondes pour continuer à être utile et pertinent!
Une aide financière publique peut-elle être une solution?
On a interrogé Caroline Mulroney, la ministre des Affaires francophones de l’Ontario, mais nous n’avons pas eu de réponse positive. Je n’ai pas deux ans devant moi! Il faut une réponse dans le court terme. On comprend que pour le gouvernement Ford, le programme électoral était axé sur la fin des déficits.
Du côté fédéral, il y a aussi une responsabilité vis-à-vis des Franco-Ontariens. On a eu des belles annonces pour les médias dans le budget du ministre des Finances Bill Morneau, mais rien n’a été décidé sur la réglementation. Cela fait que je n’ai pas de garanties pour la suite!
Québecor a fait part de son intérêt. Est-ce une solution selon vous?
Oui, oui! C’est certain! On ne sait pas, par contre, ce que Québecor ferait pour Le Droit qui est en Ontario. Quel serait le désir? Nous ramener au Québec? Les racines du Droit sont franco-ontariennes. Jusqu’à maintenant, on n’a pas failli à notre engagement. Je souhaite que la communauté franco-ontarienne se mobilise. Je ne trouve pas qu’on a eu ce qu’on mérite! Pour un acquéreur, il est important de sentir que la communauté est derrière lui!
Vous trouvez donc la communauté franco-ontarienne silencieuse depuis le début de la crise?
C’est-à-dire que j’aimerais qu’elle soit plus vocale. Ronald Caza, Amanda Simard, Jim Watson, l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) ont parlé, mais les autres? J’ai invité les gens, dans l’édition de ce matin, à nous appuyer. Soyez bien certain que je vais solliciter la communauté encore plus!
Dans toutes les dernières crises, Le Droit était là. Je viens d’aller chercher un prix à l’Association de la presse francophone (APF) pour la meilleure une après les manifestations du 1er décembre. Je suis là pour la communauté et j’espère que la communauté est là. La communauté franco-ontarienne ne peut pas se passer du Droit, car si une bataille revient, ça va être dangereux. On a été une part essentielle du débat, avec nos chroniqueurs, éditorialistes, journalistes et photographes pendant toutes ces années.
La suppression de l’édition papier du journal Le Droit, sur le modèle de La Presse, peut-elle être une solution?
On est dans une situation où toutes les options sont sur la table. Mais chacune d’elles a une conséquence négative. Si on met un mur payant, on se prive, par exemple, de lecteurs. La fin de la version papier pourrait représenter moins de dépenses, mais on pourrait se priver aussi de lecteurs. Le modèle d’affaire idéal n’existe pas!
Est-ce aujourd’hui la crise la plus importante de l’histoire du Droit?
La plus sérieuse, je ne sais pas, mais elle est très sérieuse… La devise du Droit que est « l’avenir est à ceux qui luttent » est plus vraie que jamais! »