James Wade est en passe de terminer sa première saison en NBA avec les Raptors de Toronto. Crédit image: Andy Saint Hilaire

[LA RENCONTRE D’ONFR]

TORONTO – James Wade a rejoint les Raptors de Toronto cette saison, recruté au sein du staff de Darko Rajakovic, l’entraineur en chef. Au travers de cette rencontre, le natif de Memphis qui a obtenu la nationalité française en 2007, revient en toute humilité sur une carrière riche qui l’a amené à devenir assistant en NBA, avec en fil rouge l’importance qu’il a toujours accordée à l’ouverture sur les cultures et les langues différentes de la sienne, notamment le français. 

« Parlons de votre parcours de joueur. Quels souvenirs gardez-vous de votre passage en Europe (en France, Russie et Espagne notamment)? 

La Russie était le plus gros choc pour moi car c’était comme un autre monde. Il faisait froid et c’était vraiment différent. En revanche, j’ai toujours eu une histoire d’amour avec la France, car c’est là-bas que j’ai rencontré ma femme. J’ai une relation très spéciale avec ce pays. 

Il paraît même que vous avez appris le russe. Était-ce important pour vous? 

En réalité, lorsque j’ai joué là-bas pendant deux ans, je n’avais pas pris la langue au sérieux. C’est lorsque j’y suis retourné pour entraîner que je me suis dit « c’est ma deuxième fois ici, il faut que j’apprenne la langue ». J’ai appris et j’apprends toujours. 

Habituellement, les Américains qui viennent jouer en Europe n’apprennent pas la langue locale car tout le monde s’adapte en parlant anglais. Pourquoi n’était-ce pas le cas pour vous? 

Je ne suis pas comme tout le monde. Je suis de Memphis, où il n’y a pas beaucoup de gens qui ont la chance de voyager et de découvrir le monde. En quittant les États-Unis, c’était très important d’apprendre la culture et, pour moi, ça commence avec la communication. Je voulais être capable de pouvoir sortir en ville et faire des choses tout seul, par moi-même. Je ne voulais pas avoir tout le temps à demander « Il dit quoi? » quand je discutais avec quelqu’un. J’essaie de transmettre ça aujourd’hui à mon fils : je veux qu’il ait ce même sens de l’appréciation des différentes cultures.

La langue française est-elle dans votre quotidien ici à Toronto? 

Oui bien sûr! Avec mon fils et ma femme, j’essaie de parler tout le temps, même si je fais des erreurs. Dans l’équipe, je parle en français avec Chris Boucher qui est francophone. 

James Wade connait sa première expérience en NBA avec les Raptors de Toronto. Crédit image : Andy Saint Hilaire

Pourriez-vous nous raconter l’histoire de votre rencontre avec votre femme Edwige Lawson-Wade qui est, elle aussi, ancienne basketteuse. Vous l’auriez vue la première fois dans un magazine de basket et vous auriez flashé sur elle. Est-ce une histoire vraie? 

Oui c’est vrai. On était dans un Relay. J’ai cherché un magazine de basket et je suis tombé sur elle. À ce moment-là, j’étais célibataire et voilà!

Est-ce que vous parliez déjà bien français à l’époque de votre rencontre ou est-ce que c’est elle qui a grandement contribué à vous faire progresser? 

À ce moment-là, les seuls mots que je savais dire étaient probablement bonjour et au revoir, c’est tout. C’était au tout début lors de ma première semaine. Je n’avais jamais appris le français. J’ai beaucoup progressé avec mes coéquipiers mais avec elle aussi. Quand on rendait visite à sa famille, il n’y avait pas beaucoup de monde qui parlait anglais, donc pour participer dans les conversations, il fallait que j’apprenne le français. 

Avant même votre carrière de joueur et d’entraîneur, d’où vous est venue cette passion pour le basket? 

Depuis tout petit. Je viens d’une famille de basket. Mes cousins jouaient au basket et j’ai cet amour depuis toujours. Je ne peux même pas me rappeler la première fois. C’est vraiment une grande passion que j’ai pour ce sport et pour laquelle je vis. 

Qu’est-ce que le fait d’avoir eu cette carrière avec de nombreuses expériences diverses et variées vous a apporté? 

Ce que l’Europe m’a apporté pour ensuite entrainer en WNBA, c’est le mouvement de balle constant. Aux États-Unis, on a la mauvaise réputation de jouer de manière individualiste mais, pour moi, le plus important est le jeu d’équipe, pas seulement les cinq joueurs sur le terrain mais aussi l’énergie sur le banc. Ici, c’est ce qu’on fait aussi : on joue beaucoup sur le mouvement de balle, les joueurs qui coupent, cela permet de rendre les choses faciles. Si vous jouez ensemble, vous créez des tirs faciles, des doubles pas faciles. 

Les qualités humaines de l’entraîneur franco-américain ont séduit les Raptors et lui ont permis de rapidement s’intégrer dans le staff de Darko Rajakovic. Crédit image : Andy Saint Hilaire

Après cette carrière en Europe, vous êtes revenus aux États-Unis en WNBA, comment cela s’est-il fait? 

C’est vraiment grâce à un des entraineurs de ma femme. La saison de WNBA se joue quand celle de l’Europe se termine et inversement. J’étais en vacances alors qu’Edwige jouait en WNBA, donc je suis allé voir des matchs et je la suivais. Un jour, son coach m’a invité à dîner et m’a demandé ce que je voulais faire après le basket. Je lui ai dit que peut-être que je pourrais entraîner au lycée ou à l’université, quelque chose comme ça. Il m’a dit qu’il pourrait peut-être m’aider et un an et demi plus tard, il m’a offert un poste de stagiaire. C’est comme ça que tout a commencé et c’est grâce à lui qu’aujourd’hui je suis dans cette position-là. Dans le basket, tout le monde recherche des opportunités. J’estime que j’ai eu vraiment beaucoup de chance de rencontrer quelqu’un comme lui qui a parié sur moi. 

Vous avez rapidement gravi les échelons jusqu’à devenir directeur général du Sky de Chicago avec lequel vous avez remporté deux titres de champions en tant qu’assistant (2017) et entraîneur en chef (2021). Quelles ont été les clés de cette grande réussite? 

Je ne sais pas (rires). Je travaille avec intention, je travaille dur mais en essayant de le faire intelligemment. Et la chose la plus importante pour moi, c’est que j’investis dans les gens qui vont m’entourer. Il y a une part de travail. Une autre part, c’est être correct avec tout le monde. Et la dernière, c’est aussi la chance. J’ai essayé de tirer profit de tout ça. 

Lorsque vous avez pris ce poste de direction au Sky, vous avez confié avoir appelé Masai Ujiri, le président des Raptors. Que vous avait-il conseillé? 

C’est vrai. J’avais appelé trois personnes et Masai a été le premier appel que j’ai passé. Il a la réputation d’être quelqu’un de très passionné et très intelligent. Ce sont des choses pour lesquelles je veux être reconnu aussi. Je suis passé d’assistant à un poste de dirigeant et d’entraîneur en chef en même temps. Je lui ai demandé comment je pouvais y arriver. Il m’a dit qu’il fallait avoir un bon plan de jeu et être capable de m’adapter à toutes les situations.

Pour être capable de se préparer, il m’a dit qu’il fallait connaître la position de chacun autour de soi. Pas seulement mon travail à moi, mais celui des gens qui travaillent avec moi. Ainsi, c’est plus facile de prendre des décisions en faisant confiance à son instinct. J’ai essayé de suivre ses conseils et de les inclure dans ma philosophie, et voilà. 

James Wade joue un rôle important dans le développement individuel des joueurs en tant qu’assistant. Crédit image : Andy Saint Hilaire

Pour finir, comment s’est fait votre recrutement par les Raptors? 

Je crois que c’est encore par chance. Un jour, j’ai reçu un appel de mon agent qui m’a dit qu’il y avait peut-être un intérêt de la part des Raptors. De mon côté, je n’avais jamais imaginé, ne serait-ce qu’une seule fois, entraîner en NBA. Au final, je suis arrivé ici pour un entretien, nous avons parlé et je pense que ça a collé des deux côtés. J’ai ensuite beaucoup parlé avec Darko et ça l’a fait, mais, honnêtement, quand j’ai appris que j’avais cette opportunité et la manière dont ça s’est passé, pour moi, c’était juste un rêve.

Connaissiez-vous Darko Rajakovic auparavant? 

Je ne le connaissais pas du tout personnellement, seulement par sa réputation. Ça a tout de suite cliqué quand on a parlé. C’est quelqu’un qui est lui aussi un vrai passionné, très intelligent et vraiment concentré sur les détails. Je me suis vraiment dit que ça allait être un bonheur de travailler avec quelqu’un comme lui. »


LES DATES-CLÉS DE JAMES WADE :

1975 : Naissance à Memphis

2001 : Début de sa carrière de joueur en Europe à Cambrai en France

2007 : Obtention de la nationalité française

2012 : Début de sa carrière d’entraineur, assistant à San Antonio (WNBA)

2019 : Nommé entraîneur en chef (entraîneur de l’année cette saison) et directeur général du Sky de Chicago (WNBA)

2021 : Champion de la WNBA avec le Sky de Chicago

2023 : Recruté par les Raptors de Toronto (NBA) en tant qu’assistant de Darko Rajakovic

Chaque fin de semaine, ONFR rencontre un acteur des enjeux francophones ou politiques en Ontario, au Canada et à l’étranger.