
« Je suis ici pour rester » : paroles de nouveaux citoyens

Chaque année, des centaines de milliers de citoyens s’ajoutent à la grande famille canadienne. Jusqu’à la fin mars de cette année, 87 951 nouveaux citoyens ont prêté serment, dont 10 102 francophones, soit 11,48 %. Qui sont-ils? Que signifie ce moment? Comptent-ils rester? À l’occasion de la Semaine de la citoyenneté (du 26 mai au 1er juin), ONFR est allé à leur rencontre.
Plus de 300 000 personnes obtiennent la citoyenneté canadienne chaque année. Selon Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), en 2024, ils étaient précisément 375 321, originaires de plus de 220 pays. Jusqu’à la fin mars de cette année, 87 951 nouveaux citoyens ont prêté serment, dont 10 102 francophones, soit 11,48 %.
Pour la juge Marie Senécal-Tremblay, qui présidait une cérémonie à Ottawa mardi dernier, la citoyenneté est bien plus qu’un statut administratif. « La Semaine de la citoyenneté, c’est un moment privilégié dans l’année qui nous permet de réfléchir et de mettre en évidence les droits, les privilèges et les responsabilités qui découlent de ce que cela signifie d’être citoyen du Canada », estime-t-elle.
« Ce sont ces valeurs — d’ouverture, de partage, de respect et d’entraide — qui nous ont souvent amenés, en tant qu’immigrants, à faire le choix de vouloir appartenir pleinement à cette grande famille canadienne. »

L’aboutissement d’un rêve
Rencontré lors de la même cérémonie de citoyenneté où 91 nouveaux citoyens issus de 34 pays ont prêté serment, Éric Mugisha affiche une émotion contenue, mais palpable. « Vraiment, je disais à mon frère : c’est le résultat d’un grand parcours », confie-t-il, lui qui a obtenu sa citoyenneté en mars 2025.
Ce mardi 27 mai au Musée des beaux-arts du Canada où s’est déroulée la cérémonie solennelle, Éric est surtout venu soutenir sa mère, elle aussi passée par le même cheminement, du statut de réfugiée jusqu’à la citoyenneté. « C’est un long parcours pour nous deux. On est arrivés en 2017 après quatre longues années de démarches pour le regroupement familial, et aujourd’hui on y est. C’est un soulagement, une vraie joie. »

Originaire du Burundi, Éric explique avoir été parrainé par sa conjointe, elle-même ancienne demandeuse d’asile. Mais ce n’était que le début. « Une fois ici, il nous a fallu encore passer par toutes les étapes : la demande, le test, le serment… C’est un vrai parcours du combattant », considère-t-il
Aujourd’hui, il est fonctionnaire fédéral, plus précisément dans un service responsable des passeports, ce qui lui permet, dit-il, de contribuer concrètement à ce pays. Il voit ainsi la citoyenneté canadienne comme un engagement : « Aider mes voisins, ma communauté, et faire du Canada ce pays d’espoir et de dignité. »
« Si on a trouvé le Canada beau, il faut y ajouter quelque chose »— Éric Mugisha, citoyen canadien
Interrogé sur les nouveaux citoyens qui quittent parfois le pays, il se refuse de juger : « Chacun a ses raisons. Mais moi, je suis ici pour rester. Si on a trouvé le Canada beau, il faut y ajouter quelque chose. »
Comme Éric, d’autres nouveaux Canadiens voient dans la citoyenneté un aboutissement. C’est le cas de Zakaria Chadi, 20 ans, venu seul à sa cérémonie de citoyenneté, un peu à l’image de son parcours au Canada. « Obtenir la citoyenneté, c’est franchir une grande étape de mon rêve canadien », témoigne-t-il. S’il se réjouit aujourd’hui, Zakaria reconnaît que l’une des plus grandes difficultés a été de vivre seul, loin de sa famille. « Ce n’était pas toujours facile, mais j’ai appris à devenir plus autonome. »

Arrivé du Maroc en 2019 pour ses études à Québec, il y suit un programme collégial en sciences de la nature pendant deux ans. Zakaria finit par s’installer à Ottawa où il bénéficie d’un programme d’accès rapide à la résidence permanente pendant la pandémie. Aujourd’hui, il poursuit ses études à l’Université d’Ottawa, en génie biomédical. « Je veux contribuer à améliorer la société canadienne dans mon domaine », affirme-t-il avec détermination.
Rester ou partir après la citoyenneté?
Une étude publiée par Statistique Canada le 16 mai dernier s’est penchée sur la question de l’émigration des nouveaux citoyens. Elle montre que parmi les immigrants devenus citoyens entre 2008 et 2012 et âgés de 25 à 54 ans à leur admission, 93 % étaient toujours présents au Canada dix ans après l’obtention de la citoyenneté. C’est même un peu plus que la cohorte précédente (2003-2007) avec 91 %.
Aussi, la même étude relève que les francophones ont un taux de vie active plus élevé (94,4 %) que les anglophones (91,4 %).
À ce propos, la juge Marie Senécal-Tremblay estime que les motivations personnelles varient énormément, et ne sont pas toujours connues. « La vie est pleine de tournants. Ce n’est pas à nous d’imposer la citoyenneté, c’est un choix libre », souligne-t-elle.
Mais une chose est sûre quand il est question de citoyenneté canadienne : « c’est un processus qui demande de la rigueur, car on parle d’un statut permanent, pas temporaire », assure la juge.
« On compte ainsi sur le fait que les gens choisissent la citoyenneté avec l’idée de contribuer au Canada. Peut-être maintenant, en restant, ou plus tard, même s’ils partent puis reviennent », insiste Marie Senécal-Tremblay, relevant qu’il est normal qu’il y ait un certain pourcentage qui quitte. « Aucun système n’est parfait », conclut-elle.