Jean-Luc Bernard ou l’indispensable homme de l’ombre

En septembre 2022, la maison historique du CFGT est rebaptisée Centre Jean-Luc Bernard. Gracieuseté

[LA RENCONTRE D’ONFR+] 

BURLINGTON – Vous ne le connaissez peut-être pas, mais la maison historique du Centre francophone du grand Toronto (CFGT) située au 20 Lower Spadina porte désormais son nom. Durant toute sa carrière entièrement dédiée à la francophonie ontarienne, l’homme s’est toujours montré très discret, préférant l’action à la parole, le travail aux projecteurs. Il est de ceux qu’on n’hésite pas à sortir de la retraite pour mettre sur pied des projets aussi colossaux que celui de l’UOF.

« Depuis septembre dernier, la maison historique du CFGT a été rebaptisée Centre Jean-Luc Bernard. Qu’est-ce que cela vous fait quand vous passez devant cette plaque?

Ce sont toujours des émotions assez fortes parce que je me dis que c’est une des premières maisons de rassemblement pour la francophonie ontarienne. C’est intéressant de voir un édifice comme ça qui porte mon nom en hommage à ma participation et ma collaboration au niveau communautaire pendant toutes ces années. C’est un lieu historique que, je l’espère, continuera à promouvoir la francophonie.

À l’image de votre réponse précédente, vous êtes avare en mots et vous avez toujours su rester très discret dans votre engagement au sein de la communauté. Est-ce là une stratégie de communication voulue?

C’est voulu parce que je préfère être discret et avoir des actions concrètes au lieu d’être mis en avant dans les médias. Ma préférence c’est faire le travail, accomplir et collaborer avec les différents organismes. La présence médiatique, ce n’est pas une chose que je recherche.

Jean-Luc Bernard a été honoré plusieurs fois pour son travail au sein de la communauté franco-ontarienne. Gracieuseté

Vous êtes au CFGT en tant que bénévole et membre du conseil d’administration depuis près de 20 ans, ce qui veut dire que vous êtes passé par différentes époques et épreuves. Quelle est la meilleure époque pour vous?

Je dirais lorsqu’on a eu la fusion du Centre francophone avec le Centre de santé. J’ajouterais que la dernière époque qui est la meilleure aussi, c’est celle qui a commencé depuis les trois dernières années avec tout ce qu’on y a accompli en matière de développement de programmes et de services, au même titre que l’ouverture de différents nouveaux satellites du Centre francophone durant cette période.

Pourquoi n’avez-vous jamais brigué le poste de PDG au sein du CFGT?

Quand je me suis impliqué dans le Centre francophone au début, j’étais directeur de l’éducation au Conseil scolaire Viamonde. Après, lorsque j’ai pris ma retraite, j’ai préféré travailler dans l’ombre, en arrière pour faire avancer les dossiers et laisser, par la même occasion, la chance à quelqu’un d’autre de donner une vision différente au Centre. Il ne faut pas oublier que je viens du monde de l’éducation, alors que là il s’agit d’un monde communautaire, social et de santé, ce qui nécessite des expertises spéciales.   

Quel est le plus beau souvenir que vous gardez de votre parcours au sein de la francophonie ontarienne?

Je répondrais que c’est la rencontre des différentes personnes qui m’ont guidé dans mon cheminement et avec lesquelles j’ai travaillé sur beaucoup d’affaires. Si on a connu quelques succès dans certains dossiers, c’est grâce aux personnes avec qui j’ai travaillé. Cette collaboration représente pour moi le meilleur souvenir de ma carrière.

Jean-Luc Bernard aux côtés de Caroline Mulroney, ministre des Transports et ministre des Affaires francophones de l’Ontario et de Dyane Adam, ancienne commissaire aux langues officielles. Gracieuseté

Qu’en est-il du plus mauvais?

C’est peut-être la période de flottement et d’inconnu qui a accompagné la transition lorsque nous avons obtenu la gestion des conseils de langue française. Il y a eu énormément de travail qui a été fait en peu de temps avec peu de paramètres qui nous permettaient de développer la gouvernance. 

On a également fait appel à vous, alors que vous étiez à la retraite afin de gérer l’Université de l’Ontario français pendant les deux années qui précédaient son ouverture officielle. Quels en étaient les principaux défis?

Les principaux défis étaient de rencontrer des échéanciers, de même que le budget lui-même. On avait une fenêtre spécifique pour mettre sur pied l’université avec un financement qu’il ne fallait pas dépasser, et cela en veillant à respecter la date d’ouverture qui était septembre de l’année dernière.

Vous avez occupé plusieurs fois le poste de directeur de l’éducation. Vous étiez aussi membre du conseil d’administration de l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario pendant sept ans. Au vu de votre longue expérience dans le domaine, qu’est-ce que vous préconisez pour atténuer la pénurie actuelle d’enseignants?

Il faut commencer déjà par redorer la profession, parce que pendant plusieurs années, on n’a pas cessé d’attaquer la profession d’enseignant. Selon moi, il faut donner un statut spécial à cette profession parce que c’est elle qui façonne les générations futures. Concernant la pénurie des enseignants, il faut redéfinir ce que sont les obligations de l’enseignant. Est-ce qu’il doit s’occuper du volet santé et santé mentale, comme du volet social? À mon avis, non. L’enseignant est responsable de l’apprentissage seulement, comme c’était le cas avant. Je pense que si on revient à cette orientation, cela aura forcément des effets positifs sur l’embauche, mais aussi sur la rétention des enseignants. 

Jean-Luc Bernard lors de l’inauguration officielle de l’école Odysée à Guelph en 2000. Gracieuseté

Quel avenir prédisez-vous à la francophonie ontarienne?

Que de bonnes choses, parce que d’après moi, les francophones sont davantage au courant de leurs droits et leurs besoins. Je crois qu’ils sont prêts à travailler ensemble pour faire avancer la francophonie. Ce qui me fait dire que ce n’est que du bonheur qui attend la francophonie ontarienne.

Quand allez-vous prendre votre vraie retraite?

Je ne sais pas comment répondre à cette question parce que je suis une personne qui aime apprendre constamment et qui se motive par des projets. Lorsqu’on m’en propose un et que je me dis « hum! ça, c’est intéressant », j’accepte sans hésitation. Pour moi, la retraire ce n’est pas de porter des pantoufles et ne rien faire. Contribuer à la société et à différents projets, c’est ce que j’aime faire et je pense que je continuerai à le faire. » 


LES DATES-CLÉS DE JEAN-LUC BERNARD :

1957 : Naissance à Ville-Marie au Québec

1972 : Déménagement à Burlington en Ontario

2012 : Récipiendaire du Prix Edgar-Gallant du Regroupement national des directions générales de l’éducation

2013 : Élevé au grade de chevalier de l’Ordre de la Pléiade par l’Assemblée parlementaire de la francophonie de l’Ontario

2021 : Ouverture de l’Université de l’Ontario français dont il était directeur exécutif pendant deux ans avant cette inauguration officielle.

2022 : la maison historique du CFGT est rebaptisée Centre Jean-Luc Bernard

Chaque fin de semaine, ONFR+ rencontre un acteur des enjeux francophones ou politiques en Ontario et au Canada.