Joly veut rencontrer Mulroney « dans les plus brefs délais »
OTTAWA – La ministre fédérale du Tourisme, des Langues officielles et de la Francophonie, Mélanie Joly, souhaite rencontrer « dans les plus brefs délais » la ministre déléguée aux Affaires francophones de l’Ontario, Caroline Mulroney à la suite des annonces de coupures du gouvernement provincial envers les Franco-Ontariens.
BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet
Dans sa lettre à Mme Mulroney, datée du vendredi 16 novembre, la ministre Joly signale sa « grande déception face aux décisions du gouvernement de l’Ontario », à la suite de l’annonce de l’abolition du Commissariat aux services en français et de l’abandon du projet d’Université de l’Ontario français. « Ce sont, sans aucun doute, des décisions qui auront des conséquences les plus dévastatrices pour plus de 600 000 Franco-Ontariens et plus de 7,9 millions de francophones à travers le pays », juge Mme Joly, dans le document dont #ONfr a obtenu copie.
« Mon inquiétude est d’autant plus grande qu’au cours des 20 dernières années, l’Ontario a joué un rôle de leader pour la promotion de la francophonie au Canada, notamment au sein de la Conférence ministérielle sur la francophonie canadienne. »
Se disant « convaincue que c’est en travaillant tous ensemble que nous assurerons la vitalité du français en Ontario et partout au pays », la ministre sollicite une rencontre avec Mme Mulroney « dans les plus brefs délais afin de discuter de cette situation qui, je crois, aura un impact important sur la vitalité de la communauté franco-ontarienne, mais aussi sur la francophonie canadienne ».
Difficile toutefois de dire si la démarche de Mme Joly aboutira. Le torchon brûle depuis plusieurs mois entre l’Ontario et le fédéral, notamment sur le dossier de la taxe sur le carbone. Et ce samedi, au congrès du Parti progressiste-conservateur (Parti PC) de l’Ontario, à Toronto, la ministre déléguée des Affaires francophones n’a pas hésité à s’en prendre aux libéraux de Justin Trudeau, les accusant de vouloir semer la division.
Les élus fédéraux s’en mêlent
Il faut dire que depuis l’annonce de l’énoncé économique, jeudi dernier, les échanges virulents se sont multipliés par presse interposée et sur les médias sociaux.
La ministre Joly a vivement réagi aux annonces du gouvernement de Doug Ford : « Les Conservateurs manquent de respect envers les 600 000 Franco-Ontariens et les millions de francophones au pays et démontrent leur incapacité à protéger le fait français chez nous. @AndrewScheer, allez-vous vous tenir debout et défendre les francophones face à M. Ford? », pouvait-on lire sur le compte Twitter de la ministre. Et de poursuivre : « INACCEPTABLE – Doug Ford, l’allié d’Andrew Scheer, vient d’éliminer le projet de l’Université de l’Ontario français et le Commissariat aux services en français. Nous allons toujours défendre nos francophones partout au pays ».
Ses gazouillis lui ont valu de nombreuses critiques de la part de plusieurs députés conservateurs fédéraux, dont l’ancien porte-parole aux langues officielles pour le Parti conservateur du Canada (PCC), Alupa Clarke.
« La ministre Joly fait des raccourcis intellectuels et s’attaque à la mauvaise personne plutôt que de travailler de manière positive et constructive avec le gouvernement Ford », a-t-il jugé sur son compte Twitter.
Sa collègue Sylvie Boucher, membre du comité permanent des langues officielles, lui a emboîté le pas : « J’ai toujours défendu les francophones hors Québec et je continuerai. Surtout, arrêtons de faire de la petite politique sur le dos des minorités linguistiques. Au lieu de s’accuser mutuellement, peut-on trouver une solution positive pour régler ce dossier? »
Le chef du PCC, Andrew Scheer, et le porte-parole aux langues officielles du parti, Steven Blaney, ont toutefois brillé par leur silence, même si M. Scheer aurait rencontré le premier ministre Doug Ford, en marge du congrès du Parti PC, ce samedi, pour lui faire part de ses préoccupations, selon le réseau TVA.
Le NPD demande à Trudeau d’intervenir
Du côté du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh s’est lui aussi fendu d’un Tweet pour interpeller le premier ministre Ford.
« Les Franco-Ontariens sont abandonnés par leur gouvernement. Ford devrait renverser ces coupes aux services en français; ses alliés devraient l’interpeller. Nous continuons de lutter pour que la #francophonie du Canada ait les meilleurs services. »
Son porte-parole aux langues officielles, François Choquette, avait pour sa part appelé, vendredi, le gouvernement Trudeau à intervenir.
« Cette décision purement idéologique représente une amère déception pour la communauté franco-ontarienne, qui est excessivement inquiète des impacts négatifs qu’elle pourrait subir. Le premier ministre Justin Trudeau, qui a l’obligation de protéger les communautés de langues officielles partout au pays, devrait tout faire pour convaincre M. Ford de revenir sur sa décision. Sinon, quel serait le message envoyé aux autres provinces? Est-ce qu’on pourrait voir d’autres juridictions tenter de renier leurs obligations? »
Selon La Presse canadienne, ce dimanche, Justin Trudeau s’est exprimé sur le dossier à la fin du Sommet de la Coopération économique de la zone Asie-Pacifique, se disant « profondément déçu » de la décision du gouvernement Ford. Le premier ministre dit avoir chargé Mme Joly de rencontrer le gouvernement ontarien « pour mieux comprendre la décision ».
Cet article a été mis à jour dimanche 18 novembre à 12h45.