Les Kilimandjaro Music Awards (KMA) en 2023. Photo: Rachel Crustin / ONFR

TORONTO : Les Kilimandjaro Music Awards (KMA), gala bilingue organisé par la Radio Kilimandjaro et récompensant les artistes canadiens afro-descendants, auront lieu ce samedi. ONFR s’est entretenu avec le fondateur et producteur exécutif de l’événement, Christian Roméo Youdjeu.

La septième édition des KMA aura lieu au Toronto Pavilion, dans le secteur North York. Le thème de cette année est Afro-chic.

Christian Roméo Youdjeu souhaite ainsi voir une véritable démonstration vestimentaire qui témoignerait de la diversité de la population canadienne afro-descendante. « On veut s’assurer qu’on puisse voir les beaux costumes de nos pays d’origine, les habits que nous aimions porter quand nous étions là-bas ou, pour ceux qui sont nés ici, qu’ils sachent ce qu’on porte quand on est dans leur pays d’origine. »

Tout comme en 2023, le Sénégalo-Torontois Abel Maxwell sera en performance aux KMA 2024, le 16 novembre. Photo : Rachel Crustin / ONFR

L’événement est bilingue, mais à 70 % francophone, selon son créateur, qui rappelle que de nombreux artistes originaires d’Haïti ou de pays francophones de l’Afrique fouleront le tapis rouge.

Quelques Franco-Ontariens sont attendus en performance ou en nomination, comme les Torontois Abel Maxwell, Mis Blandine et Cheka Katenen, ainsi que Slykiz, de Kitchener.  

Chaque année, une vedette internationale vient offrir le clou du spectacle après la remise de prix. En 2024, il s’agit de la Camerounaise Kareyce Fotso, alias Mama Africa. La multi-instrumentiste est également connue pour son engagement dans des causes humanitaires.

Mission et évolution

Les KMA ont été créés en 2015 par la Radio Kilimandjaro, « une radio 100 % afro-descendante qui a compris qu’il fallait promouvoir la culture, les mœurs et l’intégration des nouveaux arrivants », d’après le créateur des deux entités.

D’abord une simple soirée, l’événement est devenu une cérémonie de remise de prix dès 2016.

Christian Roméo Youdjeu affirme avoir « vu une évolution incroyable » des KMA, mais aussi de la qualité de travail des musiciens. Il croit y avoir contribué en offrant une compétition stimulante. Le nombre d’artistes en nomination est passé d’une vingtaine à une centaine durant ces quelques années.

Selon l’organisation, il s’agit de la plus grande cérémonie de récompenses pour les artistes afro-descendants au Canada. Pour être éligible, un artiste doit vivre et créer au pays, et avoir produit une œuvre musicale dans l’année précédant le gala.

Aux KMA 2023, la vedette ivoirienne Meiwey avait su réveiller la foule en fin de soirée avec sa traditionnelle danse du mouchoir blanc, le zoblazo. Photo : Rachel Crustin / ONFR

Si chacun peut s’inscrire lors de la mise en candidature, Christian Roméo Youdjeu explique que son équipe garde l’œil ouvert toute l’année pour suivre les carrières qui se déploient d’un océan à l’autre.

En plus de prix spéciaux, 11 catégories sont mises en compétition. Pour déterminer les gagnants, le vote du jury compte pour 50% et celui du public, pour 40 %. Le 10 % restant est alloué selon l’intérêt de l’artiste envers les KMA. « On veut être sûrs de primer ceux qui veulent bien comprendre ce qu’on fait », justifie Christian Roméo Youdjeu.

Car il croit dur comme fer en cette mission de célébrer des musiques qui évoluent parfois en marge des grands événements. « On sait que ce n’est pas facile d’allier musique et travail au Canada, de développer une carrière d’artiste, surtout issu de la diversité. »

Une ombre (financière) au tableau

Selon le producteur exécutif, l’argent est le nerf de la guerre. « On a un problème de visibilité qui ne peut s’obtenir que par des moyens financiers importants. Hors, les artistes afro-descendants n’ont pas toujours le support financier qu’il faut. »

Pour produire les KMA depuis 2015, Christian Roméo Youdjeu a puisé dans ses finances personnelles. « Ça ne peut pas durer tout le temps, se désole-t-il. La survie même de cet événement est en jeu. »

En voyant la salle pleine, les spectateurs pourraient penser que l’événement est en parfaite santé financière, selon l’organisateur. Photo : Rachel Crustin / ONFR

Cette septième édition est passée à un cheveu de ne pas voir le jour. Une petite subvention d’Ontario créatif, couvrant à peine les frais de location de la salle, a motivé les organisateurs à se relancer dans l’aventure.

« On ne comprend pas pourquoi on ne peut rien recevoir alors qu’on travaille si fort », ajoute-t-il en mentionnant que la Radio Kilimandjaro n’est pas non plus subventionnée. « Il y a un problème d’accès au financement pour les communautés racisées. Je suis prêt à le dire. »

Il estime également que les KMA ressentent un manque de financement plus généralisé au sein des événements francophones, même si celui-ci est bilingue. « Je vois que beaucoup d’événements anglophones continuent d’être financés. »

Le fondateur des KMA compte aborder de front les enjeux financiers sur la scène, samedi soir. Il croit qu’en voyant les résultats, les spectateurs peuvent penser que tout va bien, mais que la transparence est importante pour espérer convaincre des donateurs éventuels, qu’ils soient publics ou privés.

De gauche à droite : la mairesse de Toronto Olivia Chow, la directrice de U-Event et responsable des communications des KMA Eunice Boue et le producteur exécutif des KMA, Christian Roméo Youdjeu. Photo : Rachel Crustin / ONFR

Les députés ontariens de Don Valley East, Michael Coteau, et de Mississauga-Malton, Iqwinder Gaheer, sont attendus dans l’assistance. L’an dernier, la mairesse de Toronto, Olivia Chow, est également venue faire un tour sur le tapis rouge.

« Nous pensons que nous méritons d’être soutenus, plaide Christian Roméo Youdjeu. Pour une activité comme celle-là qui contribue à un Canada musical et culturel plus diversifié. »

Pour tous ceux qui sont prêts à veiller tard

L’an dernier, la cérémonie avait commencé avec beaucoup de retard et s’était étirée jusqu’aux petites heures du matin. La vedette internationale, l’Ivoirien Meiway, avait commencé son spectacle bien après minuit.

Cette année, l’événement officiel devrait se terminer à minuit, mais il a loué une salle à quelques minutes du Toronto Pavilion, pour ceux qui voudraient continuer de fêter. Avec la musique du DJ Pat la légende, cet after party pourrait durer jusqu’à 5 h du matin.

Des prix de présence et de participation seront également remis aux KMA, avec des tirages au sort, un concours de danse express et un prix pour la meilleure tenue Afro-chic.  

Christian Roméo Youdjeu lance l’invitation à tous les amateurs de musique : « Ce n’est pas parce que le gala est pour les Afro-descendants qu’il n’est pas pour tout le monde, plaide-t-il. Venez découvrir la culture afro (…) Je peux vous promettre un beau spectacle. »