La culture francophone bien ancrée à Hamilton
HAMILTON – Hamilton a deux réputations : celle peu enviée de ville parmi les plus violentes de l’Ontario et celle jalousée de cité culturelle montante. Ce deuxième statut fait chaque été oublier le premier, drainant des milliers de spectateurs dans les festivals : le Dundas International Buskerfest en juin, le Fringe Festival en juillet, le Festival of Friends en août et le Supercrawl en septembre.
Les francophones aussi ont le leur. Victime comme les autres d’un coup de canif budgétaire cette année (aucune subvention provinciale du programme Fêtons l’Ontario), la FrancoFest fait tout de même son retour ce vendredi et ce samedi en misant sur ce qui fait sa force depuis plus de trente ans : la diversité des cultures francophones.
« Tant du côté musical que du côté des spectacles vivants, chaque artiste a un style différent qui va parler à des cultures différentes », explique Julie Jardel, coordonnatrice du festival. Autour des têtes d’affiche franco-ontariennes que sont Amélie et les Singes bleus et Les Rats d’Swompe, gravitent des artistes plus confidentiels aux influences brésiliennes, africaines, qui, mis bout à bout, occupent deux après-midi éclectiques et intergénérationnelles.
La FrancoFest, un dialogue entre les communautés
« Les gens viennent voir un groupe en particulier et découvrent d’autres artistes », poursuit l’agente de projet du Centre Francophone Hamilton. « On veut à la fois qu’ils retrouvent leurs racines, des musiques qu’ils aiment, et en même temps permettre à ces différentes cultures de dialoguer ensemble autour d’une langue commune. »
Tous les ans, l’équipe de la directrice Lisa Breton repense la programmation en apprenant de l’édition précédente, en sondant également les différentes sensibilités et communautés de la ville. Résultat : plusieurs milliers de spectateurs convergent habituellement vers le parc Gage. Ils étaient près de 3000 l’année dernière selon les organisateurs, dont l’objectif est avant tout de bâtir un festival qui ressemble à la communauté. « Beaucoup de facteurs entrent en jeu comme les bailleurs de fonds mais aussi la qualité, l’originalité, la diversité et la disponibilité des artistes. »
Vitrine de la culture francophone à Hamilton, la FrancoFest n’est que la partie émergée de l’offre culturelle en français qui s’étale tout au long de l’année dans la ville. Club de lecture à la bibliothèque, ateliers d’improvisation théâtrale, résidences d’artistes et camps d’été sont quelques-unes des initiatives du Centre à destination des aînés, des enfants et des familles.
Plus de 7000 francophones vivent à Hamilton. Désignée par la Loi sur les services en français, la ville dispose d’un écosystème de services accessibles dans leur langue en santé, éducation, formation ou encore aide juridique. Les francophones sont aussi très actifs dans la sphère culturelle, et ce, dès le plus jeune âge à l’école. On compte cinq établissements dans la ville, sept si l’on englobe les écoles de Burlington, tout proche.
Les écoles, épicentres de la culture « franco »
L’ancien bastion sidérurgique, longtemps qualifié de désert culturel, a renversé la vapeur en quelques années, tablant sur la richesse et la créativité d’une population cosmopolite.
Dans les écoles, les spectacles d’élèves par exemple sont d’une qualité souvent surprenante, s’adressant ainsi à toute la communauté. Décors, costumes, scénarisation, castings, répétitions sont poussés à un haut niveau grâce à quelques enseignants passionnés qui gèrent ces productions annuelles comme de véritables gestionnaires de projet.
C’est le cas à l’Académie catholique Mère-Teresa avec son spectacle de fin d’année. Selon la directrice de l’école secondaire, Pascale Salloum, si les spectacles attirent tant la communauté, c’est aussi parce que les écoles ne fonctionnent pas en vase clos mais participent au contraire à la vie de la cité. Prenant l’exemple du lever de drapeau franco-ontarien chaque 25 septembre, des compétitions sportives et autres initiatives artistiques, elle souligne que l’expression culturelle et identitaire des élèves, partout où elle s’exprime, est l’occasion d’imprimer le fait français. « On retrouvera aussi les élèves à la FrancoFest qui ouvre sa scène aux jeunes talents. »
« Ces activités créent souvent des vocations parmi les élèves, ajoute-t-elle, certains décrochant des bourses d’étude dans l’art, d’autres choisissant de devenir enseignant pour redonner à la communauté. »
Les enfants sont un des publics principaux au Centre Francophone. « On a envie que les enfants puissent découvrir les cultures francophones, ils le font déjà beaucoup à l’école. On leur offre de nouvelles choses comme des concerts dans les établissements francophones et anglophones. Les adultes sont moins simple à mobiliser car plus dispersés et difficiles à identifier. »
Le Centre travaille lui-aussi avec beaucoup d’acteurs présents sur place au parc Gage. Lorsqu’un organisme se déplace c’est rarement seul. À l’effet de groupe, s’ajoute la conquête toujours importante des francophiles.
La francophilie, un public grandissant
« Les francophones veulent préserver leur langue. Les anglophones veulent la découvrir », constate Julie Jardel. « Notre rôle est de permettre à tous les Canadiens de montrer qu’il y a des choses de qualité en dehors de la scène anglophone, de partager ce qui constitue la diversité de notre pays. »
Le monopole culturel anglophone est un modèle en transformation à Hamilton. Les anglophones ont de plus en plus envie de connaître les francophones. Les francophones infiltrent d’ailleurs progressivement les scènes anglophones pour répondre à leurs attentes.
« On est présent au festival WinterFest, confirme Julie Jardel, et on a introduit la création artistique francophone avec le slameur Yao auprès de jeunes anglophones. »
Dans les écoles comme dans les festivals, la création « franco » continue d’enrichir Hamilton et d’améliorer la compréhension entre les cultures du monde qui la traverse.