La Laurentienne : « On a peur de parler », confient des professeurs
SUDBURY – « Bâillonnés, peur de représailles et manque de transparence », des professeurs francophones de l’Université Laurentienne ne mâchent pas leurs mots pour décrire le climat actuel dans leur institution. Des enseignants accusent aussi l’administration d’avoir voulu délibérément les mettre dans cette situation en se plaçant en situation d’insolvabilité.
Étant donné que le processus actuel se retrouve devant la justice et donc qu’il est à huis clos, rien ne leur offre l’assurance qu’ils ne seront pas victimes de représailles par la suite, dénoncent-ils.
« Les gens ont peur, c’est sûr. On le sait qu’il y a des professeurs qui ont peur de parler, car ceux qui parlent dans les médias se font demander s’ils n’ont pas peur des conséquences. (…) Est-ce qu’on a peur des représailles? Oui, bien sûr. Rien n’empêche une personne qui est dans le processus de médiation de dire qu’un tel professeur parle trop et donc qu’il est sur une sorte de liste de congédiements. Vu que c’est à huis clos et qu’ils vont sûrement signer des ententes de confidentialité, ceux dans le processus ne pourront jamais parler des délibérations », déplore une professeure de la Faculté des arts.
Mercredi, le Regroupement des professeurs francophones et 42 de leurs membres ont signé une lettre où ils demandent notamment à l’administration de révéler « les détails par faculté et par département du plan de restructuration des programmes ».
Les professeurs craignent que ce plan ait été décidé au début du processus judiciaire et qu’il soit utilisé le 30 avril, malgré la tenure des négociations actuelles.
« Nous sommes bâillonnés », confie un autre membre du corps professral sous couvert d’anonymat. « On doit faire très attention à nos mots, car nous n’avons présentement plus de sécurité d’emploi. »
« Je crains sérieusement que les choses aillent très mal se passer », ajoute cette source. « La communauté dans son ensemble n’a aucune idée de la gravité des choses. Le patronat prépare cette restructuration depuis des mois. »
Ce processus combiné à la récente annonce à l’Université de Sudbury amène les francophones dans une situation où ils ne savent plus sur quel pied danser.
« On se sent un peu en otage dans un discours qu’on entend depuis toujours à La Laurentienne et qui ne s’est jamais traduit dans les faits et le projet de l’Université Sudbury qui nous concerne très peu. Il y a sûrement des professeurs qui se posent cette question-là et qui sont devant ce dilemme-là », répond cette professeure de la Faculté des arts, questionnée à savoir si l’annonce de l’Université de Sudbury était une bonne nouvelle.
« Une bonne partie du corps professoral est restée discrète sur la question par peur de représailles », ajoute-elle.
Pas une surprise pour le syndicat
Des enseignants admettent être prêts à toute éventualité d’ici le 30 avril, soit la date limite pour finaliser la restructuration.
« Tout est possible, il n’y a pas de convention collective en ce moment, ça fait peur », admet une professeure de plus d’une dizaine d’années d’expérience.
« On a peur de perdre notre emploi. On ne voudrait pas qu’une entrevue ou le fait de parler en public soit la raison que l’on puisse perdre notre emploi. Ça serait assez triste. »
Ces affirmations de ces différents membres ne surprennent pas l’Association des professeures et professeurs de l’Université Laurentienne (APPUL) qui dit avoir eu plusieurs questions sur de possibles représailles.
« On a reçu des commentaires de professeurs à ce sujet. C’est un climat imposé par l’opacité du processus légal qui a été choisi. (…) On n’a pas de réponses à leurs questions en partie parce que ça se déroule à huis clos », avance Karl Bélanger, porte-parole de l’APPUL.
« Les gens sont inquiets, c’est normal, on est aussi inquiets. J’aimerais bien pouvoir dire de ne pas s’inquiéter, mais on ne sait pas quel sera l’aboutissement de ce processus-là. On ne sait même pas si la Cour va respecter la convention collective », ajoute M. Bélanger.
Perte de confiance envers le recteur
Des enseignants sont aussi en furie contre le recteur Robert Haché. Dans cette lettre signée par les 42 professeurs francophones, on reproche au recteur le fait qu’il ne « répond en rien à l’angoisse » autour du dossier actuel.
Ils ne lui pardonnent pas aussi l’idée d’utiliser la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) comme processus alors que d’autres options étaient sur la table.
« Toutes les règles qui étaient là sont parties. On pourrait utiliser un autre terme, mais il agit un peu comme un dictateur. Ce n’est pas une approche collégiale, c’est vraiment de prendre le contrôle au complet du processus », pense cette professeure d’une dizaine d’années expériences.
Les professeurs en ont aussi longs à dire sur un communiqué publié plus tôt en semaine où le recteur vante la programmation francophone assurant qu’elle sera « au cœur de l’avenir de La Laurentienne ».
Pour cette enseignante de plus d’une dizaine d’années d’expérience, M. Haché joue un double jeu entre ce qu’il dit en public et ce qu’il fait en privé.
« Peu importe ce qu’il dit, je ne le crois pas beaucoup. Comment est-ce que je peux le croire moi? Une journée il nous dit qu’on (les francophones) est super et de l’autre côté, il déclenche ce processus-là qui est loin d’être collégial. C’est totalement un manque de respect », dénonce-t-elle.