Le trio d'enquêteurs d'Eaux turbulentes: Charles Carignan (Gabriel Sabourin), Marianne Desbiens (Hélène Florent) et Rubina Duquette (Eve Ringuette). Photo: Tou.tv

OTTAWA – La troisième et dernière saison de la série Eaux turbulentes, une coproduction québécoise et franco-ontarienne, arrive ce jeudi sur la plateforme Tou.tv. De nouveaux acteurs franco-ontariens se greffent à la distribution. ONFR s’est entretenu avec l’interprète de la propriétaire de mine Victoria Turner (Sophie Goulet) et le réalisateur Jim Donovan.

Les relations tendues entre les communautés blanches et autochtones, les femmes autochtones disparues ou assassinées et la vie personnelle de l’enquêtrice Marianne Desbiens (Hélène Florent) se retrouvent une fois de plus au cœur de l’histoire. Comme la deuxième, cette troisième saison a été tournée majoritairement dans la région d’Ottawa et la communauté de Pikwakanagan, même si l’action se déroule dans le Nord de l’Ontario.

Le premier épisode s’ouvre sur une scène assez graphique, avec la découverte du corps d’une femme autochtone dans la décharge municipale de la ville fictive de Queensbury. Un autre personnage sera aussi retrouvé sans vie à la fin de l’épisode. Les histoires s’entrecroiseront et les suspects se multiplieront.

La découverte du corps d’une femme autochtone dans la décharge municipale est particulièrement choquante. Photo : Productions Blik TV

Dans ce début de saison, Victoria Turner est présentée comme une femme sérieuse et antipathique. Selon son interprète, elle « est un peu le symbole de l’argent, dans une communauté où il n’y en a pas. D’un côté, c’est un peu la manne pour le peuple, car elle offre de l’emploi et des opportunités, nuance Sophie Goulet. Je ne pense pas qu’elle est foncièrement mauvaise, mais des fois, l’argent corrompt ».

De retour à la réalisation pour la troisième saison (il était aussi à la barre de la deuxième), Jim Donovan décrit Eaux turbulentes comme un meurtre et mystère.

L’attention du public sera tour à tour dirigée vers les enquêtes menées par Marianne Desbiens, Charles Carignan (Gabriel Sabourin) et Rubina Duquette (Eve Ringuette), qu’on retrouve quelques mois après la fin de la deuxième saison.

Les enquêteurs Marianne Desbiens (Hélène Florent) et Charles Carignan (Gabriel Sabourin) forment toujours un couple dans la troisième saison. Photo : Productions Blik TV

Marianne et Charles forment toujours un couple, un état de fait dévoilé dans les premières secondes de la deuxième saison, qui avait effectué un saut dans le temps plus drastique. Le plus grand changement cette fois est que Rubina a officiellement obtenu un poste d’enquêtrice.

Son expérience de femme autochtone est un atout pour les forces de l’ordre, mais cela veut aussi dire qu’elle est particulièrement touchée par certaines enquêtes. La deuxième saison se terminait d’ailleurs alors qu’elle découvrait le dossier de sa jeune cousine. « C’est un filon qui est là, mais je ne peux pas vous dire comment il va être exploité », sourit Jim Donovan.

Bien représenter les communautés

Chaque saison d’Eaux turbulentes a été écrite par une autrice différente. La première a été imaginée par la Franco-Ontarienne Marie-Thé Morin et la deuxième était signée Michelle Allen.

L’arrivée de Caroline Mailloux et la fin imminente de la série ont contribué à rendre l’univers plus sombre. Mais pour Jim Donovan, c’est surtout l’intimité des histoires qui contribue à alourdir l’ambiance.

Il cite entre autres l’exemple d’un jeune homme intimidé à l’école. « Est-ce que c’est parce qu’il est autochtone, parce qu’il pourrait être homosexuel, ou parce qu’il est maladroit socialement? On ne le sait pas, mais ça entre là-dedans. C’est sombre, quelqu’un qui se fait intimider. Ce n’est jamais facile. »

Le personnage de Rubina Duquette (Eve Ringuette) prendra du gallon dans cette ultime saison. Photo : Darcy Langille

Puisque les autrices des deux dernières saisons sont québécoises, il revient au réalisateur, en Ontario depuis 15 ans, et à la coproductrice Léa Pascal de s’assurer que la saveur franco-ontarienne ne soit pas diluée. 

« Quand ça sent l’auteur qui est assis dans un café à Outremont, je le souligne. Le niveau de langue, la façon de se comporter de certains personnages… Il faut toujours être à l’affût de la réalité qu’on décrit, exprime Jim Donovan. La grosse machine culturelle québécoise apporte l’expertise cinématographique, et la région apporte la couleur locale. »

Pour ce qui est du racisme systémique et quotidien envers les personnes autochtones, il est parfois difficile de savoir où est la ligne entre la réalité qu’il faut dénoncer et la caricature.

« C’est toujours un point délicat, car l’autrice et le réalisateur sommes deux personnes blanches. On a toujours eu un conseiller autochtone qui travaille avec nous pour réviser les scénarios et s’assurer qu’on fait le minimum de gaffes. »

Dans la troisième saison, une actrice a souligné qu’une cérémonie de fumigation anishinaabe était mal représentée. Dans ce genre de situations, « tu écoutes et tu prends ton temps ».

La vie du fils de Marianne, Billy Naveau (Jacob Whiteduck-Lavoie), prendra une trajectoire inattendue qui bouleversera sa mère. Photo : Production Blik TV

Les acteurs autochtones proviennent de différentes communautés, dont plusieurs du Québec. « Il ne faut pas se leurrer. Il n’y a pas une grande communauté de comédiens francophones et issus des Premières Nations dans le Nord de l’Ontario », raconte le réalisateur.

Il faut composer avec la réalité du milieu linguistique minoritaire. L’équipe créative est francophone, mais les métiers techniques sont souvent comblés par des anglophones. « C’est pratico-pratique plus que politique », dû au budget et au temps limités. Sophie Goulet rappelle que les productions anglo-canadiennes sont souvent coproduites avec de grosses compagnies américaines, ce qui n’est pas le cas en français.

Jim Donovan acquiesce. « Malheureusement, il n’y a pas de solidarité dans la francophonie internationale. Les Français ne viendront pas ici pour faire des coproductions en français. Ce sont juste les Américains qui viennent ici, pour des séries comme Law & Order Toronto ou Flashpoint. C’est un défi. On lutte pour notre culture, notre langue. On le fait avec allégresse, mais on frappe des nœuds. »

Deux enquêtes principales, des enquêtes secondaire et des drames personnels s’entremêlent dans la troisième saison d’Eaux turubulentes. Photo : Acie Tran

Au final, Eaux turbulentes n’a pas à rougir, et Sophie Goulet croit qu’elle fait avancer l’industrie télévisuelle franco-ontarienne. « On veut promouvoir une région et une culture, mais il ne faut pas que ce soit au détriment de la qualité artistique du contenu. Si ça devient juste un drapeau qu’on met à l’écran et que ça devient presque une publicité pour l’Ontario, c’est vide. Ce que j’ai aimé avec Eaux turbulentes, c’est que c’est la première dramatique adulte qui parle de sujets d’actualité, qui est bien écrite et qui a un peu plus de mordant. »