La Ville d’Ottawa incapable de piloter d’importants projets selon l’enquête sur le train léger

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La ligne de train léger en maintenance. Capture d'écran/ Groupe de transport Rideau

OTTAWA – Il y a de nombreuses raisons qui expliquent l’échec du gigantesque projet d’infrastructure qu’est le train léger d’Ottawa. William Hourigan, juge en charge de l’enquête publique qui a entendu près de 90 témoins, pointe un manque de transparence du Groupe de transport Rideau (GRT) à l’égard de la ville, un manque de collaboration et un empressement de la Ville à mettre sur pied un train peu fiable.

« Les gens d’Ottawa méritent mieux », a lancé le commissaire de l’enquête, William Hourigan dès l’ouverture de la conférence de presse à Ottawa, ce mercredi 30 novembre. « Que s’est-il passé et pourquoi », a-t-il interrogé avant d’annoncer qu’au total 103 recommandations ont été publiées dans le rapport d’enquête.

Pour le juge Hourrigan, l’intérêt des Ottaviens ne semble pas avoir été une priorité pour les parties prenantes. À ce titre, il a déclaré que la Ville d’Ottawa, le consortium privé, le Groupe de transport Rideau (GTR) « ont perdu de vue l’intérêt public au cours du projet ».

Dans un  second temps, le rapport accuse le manque de transparence du GRT. « Il était inadmissible que le GTR et son principal sous-traitant aient sciemment donné à la ville des renseignements inexacts sur le moment où ils termineraient la construction du TLR. »

« La transparence doit être le mot clé », a martelé le juge.

Ligne 1 du train léger d’Ottawa. Archives ONFR+

Ensuite, le rapport souligne l’absence de collaboration et de coopération entre les parties, résultant de graves conséquences sur le déroulement du projet. Le commissaire a rapporté que l’atmosphère de méfiance et de mécontentement de la part des Ottaviens est le fruit de ces désaccords.

De plus, il a été constaté que le conseil municipal n’a jamais été informé des changements concernant la mise à l’essai du train. Une affaire sérieuse qui accable le GRT et le directeur municipal de l’époque.  

En effet, les critères de qualité avaient été revus à la baisse pour permettre au TLR de passer sa phase finale de mise à l’essai.

« Cela soulève de sérieuses inquiétudes quant à la capacité de la Ville d’Ottawa de mener à bien d’importants projets d’infrastructure. »

La relation entre le GRT et la Ville s’est aggravée

Après un retard de 16 mois, les trains ont déraillé à deux reprises, sur la ligne principale. Depuis le début, les trains présentent des problèmes qualifiés de nuisibles à la fiabilité du réseau.

Le GRT n’a pas livré le réseau initialement prévu en mai 2018. Les causes établies dans le rapport indiquent que la Ville avait opté pour des véhicules très techniques et peu répandus, rendant difficile l’exécution du projet.

Là encore, le manque d’expérience est décrié : « La Ville n’avait aucune expérience concernant un projet de cette complexité. Infrastructure Ontario n’avait jamais entrepris un réseau de train léger. Alstom n’avait jamais eu à respecter une obligation en matière de contenu canadien et OC Transpo n’avait jamais exploité auparavant un réseau complexe. »

Enfin ce qui est dévoilé dans ce document est que la Ville d’Ottawa « a précipité la mise en service du réseau de train léger sur rail avant qu’il ne soit prêt ».

Steve Kanellakos y est pour quelque chose. Le directeur municipal, qui a démissionné deux jours avant la sortie de ce rapport, est accusé d’avoir délibérément induit en erreur le conseil municipal de la Ville d’Ottawa sur la décision de revoir à la baisse les critères d’essai.

Le commissaire de l’enquête publique, William Hourigan. Capture d’écran

Selon le juge Hourigan, cela montre clairement que les parties n’ont pas fait passer les intérêts de la population d’Ottawa en premier. Au lieu de prolonger le délai pour les tests, les groupes impliqués ont préféré « réduire le temps prévu pour ces activités critiques parce que cela servait leurs intérêts ».

Le rapport de 740 pages fait état des graves erreurs commises et des conséquences dommageables pour la Ville d’Ottawa et ses habitants, dont des risques géotechniques comme l’affaissement de la rue Rideau ayant survenu durant les travaux, mais aussi les déraillements en 2021 et bien d’autres problématiques.

Le projet de train léger sur rail d’Ottawa a été le projet d’infrastructure le plus important et le plus coûteux de l’histoire de la Ville d’Ottawa.

Pour une des avocates francophones de la Commission, Christine Mainville : « Il n’y a pas une seule réponse au problème. Le rapport identifie qu’il reste des mesures à mettre en place. »

Des mesures répondant au nombre de 103 recommandations, dont la nomination d’un expert indépendant.

Le maire renforce la surveillance et promet la transparence

« Je comprends la frustration et la déception des résidents d’Ottawa que j’ai rencontré et entendu au cours des derniers mois et, franchement, je partage cette déception », a réagi mercredi Mark Sutcliffe en conférence de presse, après la publication du rapport du commissaire.

Le maire a aussitôt ordonné un plan d’action pour mettre en œuvre les recommandations clés, et annoncé que le niveau de suivi et de surveillance des entités impliquées serait renforcé afin de garantir la fiabilité et la sécurité du système.

Il s’est aussi engagé à plus de transparence et des rapports réguliers sur la construction et la maintenance auprès du comité municipal des finances et du développement économique de la ville et du conseil municipal.

De son côté, la ministre des Transports Caroline Mulroney, commanditaire du rapport, s’est félicitée d’avoir répondu par le biais de ce rapport à trois préoccupations fondamentales : la sécurité, la responsabilité et l’optimisation de l’argent des contribuables.

« À l’avenir, nous continuerons de veiller à ce que les contribuables ontariens et
les usagers du transport en commun obtiennent la meilleure valeur possible pour leur argent », a-t-elle indiqué par voie de communiqué.