L’AFO et les Anglo-Québécois font toujours front commun pour les langues officielles

De gauche à droite, Carol Jolin, président de l'AFO, Geoffrey Chambers, président de QCGN et Robert Melanson, président de la SANB. Crédit image: Benjamin Vachet

TORONTO – Trois mois après avoir signé une entente de collaboration controversée, l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB) et le Quebec Community Groups Network (QCGN) martèlent que leur intention commune est avant tout la modernisation de la Loi sur les langues officielles.

« On nous a accusés de toute sorte de choses, notamment de vouloir nous opposer à la Loi 101 au Québec, mais notre but ultime était avant tout de mettre à l’avant-plan la modernisation de la Loi sur les langues officielles. On voulait faire lever ce dossier-là pendant la campagne », explique d’emblée le président de l’AFO, Carol Jolin.

En rencontre éditoriale ce mardi, l’organisme porte-parole des Franco-Ontariens et son homologue québécois, QCGN, citent le projet de modernisation de la Loi présenté par la FCFA. D’une même voix, ils évoquent la nécessité d’en confier la mise en œuvre au Conseil du Trésor, avec l’appui d’un ministre et d’un secrétariat des langues officielles, de mettre en œuvre un tribunal administratif pour dissuader les institutions récalcitrantes, de créer un conseil consultatif avec des représentants des communautés, de mieux définir les pouvoirs et le rôle du commissaire aux langues officielles du Canada et de réviser la Loi tous les 10 ans.

« Nous sommes tout à fait d’accord avec ces propositions. Nous avons une position commune dans ce dossier », insiste le président du QCGN, Geoffrey Chambers.

Rencontres de sensibilisation

Depuis plusieurs semaines, l’AFO, QCGN et la SANB ont multiplié les rencontres, avec différents médias, partis politiques fédéraux et candidats pour les sensibiliser sur cette question.

« Jamais des organismes provinciaux n’ont autant été impliqués dans une campagne électorale fédérale », précise M. Jolin, qui ajoute que ce travail se fait avec la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada et tous ses membres.

Le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), Carol Jolin. Archives ONFR+

Cette sensibilisation vise à forcer les partis à passer à l’action, dès les élections passées.

« Le travail en profondeur et de consultation a déjà été fait et il y a une unanimité par rapport à la modernisation. Maintenant, il faut agir! », dit M. Chambers.

Le président de l’AFO indique que l’intention des trois partenaires est de continuer à mettre la pression, avec la FCFA, sur le futur gouvernement fédéral pour voir aboutir le dossier.

Une entente controversée

La signature de l’entente entre l’AFO, la SANB et le QCGN, en début d’été, avait suscité de vives réactions et une certaine division au sein de la francophonie canadienne. Absente lors du dévoilement de l’entente, la FCFA avait refusé de commenter le dossier.

« Je n’ai pas de regret sur cette entente, mais en rétrospective, nous aurions peut-être pu en faire l’annonce autrement », reconnaît du bout des lèvres M. Jolin qui insiste sur l’importance, à l’époque, d’agir vite compte tenu de la situation au Nouveau-Brunswick où un parti anti-bilinguisme détient la balance du pouvoir et au Québec, où le gouvernement de François Legault évoquait l’idée de supprimer les commissions scolaires. « Et puis, nous avons l’habitude de travailler ensemble, c’était donc plus facile à faire. »

L’AFO et la SANB ont d’ailleurs envoyé une lettre au ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur du Québec, Jean-François Roberge, pour lui faire part de leur inquiétude. M. Jolin explique avoir aussi rencontré l’adjoint parlementaire du premier ministre Legault pour les relations avec les Québécois d’expression anglaise, Christopher Skeete.

« Nous lui avons exposé notre position par rapport aux changements que veut apporter le gouvernement québécois aux commissions scolaires. Si cela touche à l’Article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, il sait que nous allons réagir, car cela pourrait donner des idées à d’autres provinces et toucher aussi les francophones en milieu minoritaire. »

La démarche a aidé, selon le QCGN, ouvrant les discussions avec le gouvernement Legault qui doit préciser son projet ce mardi. Les deux organismes rappellent que, par le passé, d’autres provinces ont aboli leurs commissions scolaires, comme à l’Île-du-Prince-Édouard ou en Nouvelle-Écosse, tout en maintenant celles de leurs communautés francophones.

Ouvrir des portes

Le président de l’AFO insiste que l’officialisation de la collaboration avec le QCGN a permis d’ouvrir des portes, notamment celles de médias anglophones.

« Entre francophones, nous nous comprenons. Mais il est important que nous puissions parler aux anglophones pour qu’ils comprennent nos défis et que nous parlions aux Québécois francophones pour qu’ils comprennent les défis des Anglo-Québécois. Certains sont communs avec les nôtres, notamment pour avoir des services dans sa langue. »

Geoffrey Chambers. Gracieuseté : QCGN

M. Chambers reconnaît que la communauté anglo-québécoise a certains avantages que les francophones en situation minoritaire n’ont pas, notamment en matière d’institutions postsecondaires. Mais il insiste aussi sur les possibilités d’échanges et d’appui sur certains dossiers, comme QCGN l’a fait sur le dossier de l’Université de l’Ontario français (UOF) ou plus récemment dans la cause en éducation devant la Cour suprême du Canada.

« Notre communauté est très contente de cette entente », dit la directrice générale de QCGN, Sylvia Martin-Laforge.

Le directeur général de l’AFO, Peter Hominuk, juge que cela a permis de mettre davantage la modernisation de la Loi sur les langues officielles sous le feu des projecteurs. Mais malgré ces efforts communs, la question des langues officielles n’a pas encore été beaucoup abordée pendant la campagne, même si avant son déclenchement, les principaux partis fédéraux se sont engagés à moderniser la Loi. Il reste toujours à savoir comment chacun d’entre eux compte s’y prendre.