Langues officielles : cinq moments à retenir du gouvernement Trudeau

Le premier ministre Justin Trudeau, avec le président de la FCFA, Jean Johnson (au centre de la photo) et le directeur général de l'organisme, Alain Dupuis (à gauche). Source: Twitter PMCanadien

OTTAWA – À peine élu, le Parti libéral du Canada (PLC) avait surpris en effaçant « Langues officielles » de l’intitulé du ministère du Patrimoine canadien. Un indicateur de son approche dans le dossier? ONFR+ revient sur cinq moments marquants du gouvernement de Justin Trudeau en langues officielles, jalonnés de haut et de bas.

La saga du commissaire aux langues officielles – 10 mai 2017

Pour succéder à Graham Fraser, le gouvernement de Justin Trudeau choisit l’ancienne ministre libérale ontarienne Madeleine Meilleur comme commissaire aux langues officielles. La nouvelle provoque l’indignation des partis d’opposition.

« C’est un exemple de la partisanerie libérale. Nous, après avoir vraiment consulté les partis d’opposition, nous avions été sérieux en nommant M. Fraser, une personne qui n’a d’ailleurs pas hésité à nous attaquer », rappelle le porte-parole conservateur aux langues officielles Alupa Clarke.

Dans la francophonie canadienne, les organismes sont divisés.

« Ça a été une erreur monumentale et ça reste un œil au beurre noir sur le bilan du gouvernement Trudeau », juge le président de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada, Jean Johnson, qui s’était monté très critique alors qu’il était à l’époque le président de l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA).

« Le gouvernement n’a sans doute pas saisi l’attachement des communautés à une institution forte et indépendante. »

Face à la controverse et après un passage difficile devant le Sénat, Mme Meilleur finit par retirer sa candidature. Raymond Théberge est finalement nommé en novembre 2017.

Bilinguisme à la Cour suprême du Canada – 25 octobre 2017

Après les échecs de son ancien collègue néo-démocrate Yvon Godin, c’est au tour de François Choquette, porte-parole aux langues officielles pour le Nouveau Parti démocratique (NPD), de tenter de faire adopter une loi forçant le bilinguisme des juges à la Cour Suprême du Canada.

La Cour suprême du Canada. Crédit image : Benjamin Vachet

Mais le projet ne franchit pas l’étape de la deuxième lecture, bloqué par la majorité libérale, malgré l’appui de quelques-uns de ses députés. Le premier ministre vote contre et son gouvernement insiste sur son nouveau processus de nomination des juges qui prévoit leur maîtrise des deux langues officielles. De fait, durant son mandat, M. Trudeau a nommé deux juges bilingues, Malcom Rowe et Sheilah L. Martin.

« Mais il faut que ce soit une loi! », proteste encore aujourd’hui M. Choquette. « Un processus, ça peut changer avec le gouvernement et ça ne donne aucune obligation légale! »

Un avis que partage M. Normand.

« Une loi aurait une portée symbolique forte. Il est difficile de comprendre que le gouvernement n’ait pas cherché une solution. »  

Le Plan d’action pour les langues officielles – 29 mars 2018

Très attendu et après s’être longtemps fait attendre, le nouveau Plan d’action pour les langues officielles 2018-2023 est dévoilé par le premier ministre Justin Trudeau lui-même. Le gouvernement consent une augmentation de 500 millions de dollars de l’enveloppe globale. Même si la FCFA avait demandé 575 millions supplémentaires juste pour les francophones, son président se dit satisfait.

« C’est plus que ce qu’on nous avait annoncé au départ et ça a permis une bonification de 20 % des budgets des organismes qui en avaient vraiment besoin. »

La ministre du Tourisme, des Langues officielles et de la Francophonie, Mélanie Joly. Archives ONFR+

Martin Normand rappelle toutefois que certains secteurs sont déçus, notamment en santé et dans le milieu des médias. Bien qu’étant voulu « par et pour » les communautés, le politologue juge que le plan ne répond pas vraiment aux besoins.

La crise linguistique ontarienne – 15 novembre 2018

La décision du gouvernement ontarien de Doug Ford d’abolir le poste de commissaire aux services en français et de reporter jusqu’à nouvel ordre la création de l’Université de l’Ontario français (UOF) donne lieu à des échanges acrimonieux au niveau fédéral et devient une crise nationale.

La ministre du Tourisme, des Langues officielles et de la Francophonie, Mélanie Joly ne manque aucune occasion de fustiger le gouvernement ontarien et de dresser un parallèle avec le Parti conservateur du Canada (PCC). Malgré ses nombreuses lettres à la ministre des Affaires francophones de l’Ontario, Caroline Mulroney, et l’annonce d’un financement de l’UOF pour maintenir le projet en vie, le contact est rompu entre le fédéral et le provincial.

« Mais rien n’en est sorti! », rappelle M. Normand. « En terme de leadership, le gouvernement Trudeau l’a complètement échappé et sa réaction a été uniquement guidée par un intérêt partisan. On l’a beaucoup moins entendu, par exemple, pour parler de l’Alliance des gens du Nouveau-Brunswick. »

Le président de la FCFA estime que le fédéral aurait pu mieux faire.

« Au lieu d’en faire une question partisane, le gouvernement aurait dû tendre la main à tous les partis politiques fédéraux pour trouver une solution. Il a manqué une belle occasion de faire preuve de leadership! »

Cette crise pourrait avoir des répercussions sur les prochaines élections. Le NPD s’est notamment déjà engagé à ce que les langues officielles soient à l’ordre du jour, de manière permanente, lors des rencontres des premiers ministres.

Les Jeux de la Francophonie – 30 janvier 2019

Prévue en 2021, l’organisation des Jeux de la Francophonie à Moncton-Dieppe est finalement annulée par le gouvernement progressiste-conservateur du Nouveau-Brunswick face à l’explosion des coûts, d’abord évalués à 17 millions de dollars, puis à 130 millions de dollars, avant d’être revus à 62 millions de dollars par le comité organisateur.

Crédit image : Organisation internationale de la francophonie

Si la décision est prise par le gouvernement provincial de Blaine Higgs, le politologue Martin Normand ne ménage pas le gouvernement fédéral.

« C’était une belle occasion de faire la promotion de la dualité linguistique. Le gouvernement fédéral n’a pas bougé pour une question de conflit fédéral/provincial. Il aurait pu trouver une solution pour maintenir l’organisation de l’événement au Nouveau-Brunswick, une petite province qui essaie de tenir un événement international majeur. Le Canada a perdu la face au niveau international. Comment est-ce possible qu’un des pays les plus riches de la francophonie mondiale soit incapable d’accueillir un tel événement? »