Langues officielles : possible dissidence au cabinet libéral sur C-13
OTTAWA – Le projet de Loi C-13 visant à réformer la Loi sur les langues officielles pourrait être dans l’eau chaude alors qu’un ministre du gouvernement Trudeau affirme ne pas savoir s’il voterait pour, allant ainsi à l’encontre de ses collègues. D’autres députés refusent de se prononcer alors que certains ont déjà signalé qu’ils voteraient pour.
Marc Miller, ministre des Relations Couronne-Autochtones, qui représente la circonscription anglo-montréalaise de Ville-Marie-Le Sud-Ouest-Île-des-Sœurs, a laissé la porte ouverte quant à voter contre, car le projet de loi diffère de celui déposé en mars dernier.
« En minorité, on ne contrôle pas la donne nécessairement et il y a des amendements des conservateurs et du Bloc (Québécois), qui modifient complètement l’esprit de la Loi, c’est-à-dire de protéger l’anglais et le français, le cas échéant, dans sa sphère de compétence. C’est donc très important », a-t-il affirmé avant de faire son entrée à la réunion du caucus.
Le son de cloche est complètement différent auprès de la ministre des Langues officielles qui affirme que les changements proposés par l’opposition ne changeront pas son appui à C-13.
« C’est mon projet de loi, je l’appuie absolument… Ma priorité est de voir l’adoption du projet de loi C-13 », a lâché Ginette Petitpas Taylor, quelques instants après une annonce à l’Université d’Ottawa.
Idem pour sa collègue franco-ontarienne Mona Fortier. La présidente du Conseil du Trésor a dit qu’elle appuierait C-13 car « c’est un projet de loi qui est solide et qui est fort ».
Il faut rappeler que la règle du parti est que les ministres du gouvernement Trudeau votent tous de la même façon sur les motions et projets de loi en chambre, car ils représentent le gouvernement.
Et les députés eux?
Mardi, après le comité des langues officielles, le député Anthony Housefather a abondé dans le même sens que le ministre Miller en affirmant qu’il ne pourrait pas supporter C-13 « s’il contient certains amendements conservateurs et bloquistes ».
En ondes avec la station de radio montréalaise CJAD 800, la députée Emmanuella Lambropoulos ne votera pas pour C-13 « tel qu’il est en ce moment ». Le député de Notre-Dame-de-Grâce-Westmount, Québec Marc Garneau a refusé de dire s’il voterait pour ou contre devant les journalistes, mais s’est toujours opposé au projet de loi depuis son arrivée au comité des langues officielles.
La députée Patricia Lattanzio, qui représente une circonscription anglo-montréalaise (Saint-Léonard–Saint-Michel), a refusé de dire aux journalistes si elle voterait pour ou contre, disant « attendre de voir le produit final ». Son collègue Fayçal El-Khoury (Laval-Les Îles) a déclaré aux médias à sa sortie du caucus ne pas avoir pris de décision à savoir s’il voterait pour. Le député de Nickel Belt Marc Serré a répondu « oui » lorsqu’interrogé à savoir s’il voterait pour C-13 alors que son collègue acadien Darrell Samson a répondu « absolument » à la même question. Le représentant de Glengarry-Prescott-Russell Francis Drouin a aussi signalé qu’il voterait pour malgré les modifications apportées.
La semaine dernière, les députés du Québec ont tous mentionné qu’ils étaient « unis derrière l’adoption de C-13 ». Le Lieutenant du Québec Pablo Rodriguez a dit « espérer » ce matin que tous les députés votent en faveur.
Vote libre ou non?
Depuis leur arrivée en 2015, les députés ont l’option de voter comme ils le veulent sur des projets de loi et motions, exceptés des votes de confiance (comme un budget), des mesures émanant de la plateforme électorale libérale et des questions touchant la Charte des droits et libertés. Les libéraux ont été élus comme gouvernement minoritaire en 2021 en promettant dans leur plateforme de réformer la Loi sur les langues officielles.
Mais le whip du gouvernement, qui détermine comment le parti se positionne sur les votes et motions, Steven MacKinnon, a affirmé « qu’aucune décision n’a été prise » à savoir si le vote final sur C-13 en serait un libre pour les députés. Mais quelques instants plus tard, il a affirmé que les éléments se trouvant dans la plateforme électorale ne sont pas des votes libres. Il n’a toutefois pas précisé si C-13 modifié constituerait toujours un élément de la plateforme électorale libérale.
Le NPD va voter pour, le Bloc probablement aussi
Si le portrait est incertain chez les libéraux, il est pas mal plus clair au sein de l’opposition.
Lors d’une conférence de presse avant la période des questions mercredi, le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD) Jagmeet Singh a indiqué que tous les députés de son parti allaient voter en faveur du projet de loi, peu importe, les amendements qui se retrouveront dans la Loi.
« Le déclin du français à travers le pays est un vrai problème et on doit avoir un projet de loi qui défend le français et à ce moment, c’est clair que les libéraux ont des problèmes dans leur propre parti », estime Jagmeet Singh.
Le chef du Bloc Québécois a laissé entendre que son parti pourrait appuyer C-13 si jamais l’amendement visant à forcer à ce que la Charte de la langue française s’applique aux entreprises privées de compétence fédérale est adopté.
« Ça deviendrait très tentant. Je ne vois pas comment on pourrait voter contre. C’est fondamental que la Charte de la langue française s’applique aux entreprises privées de compétence fédérale (…) Pour nous à ce moment-là, on aurait peut-être une loi que souhaitent les communautés francophones hors Québec »,a soutenu Yves-François Blanchet.
Il ne s’agirait que d’une formalité alors que les conservateurs, le Bloc Québécois et le NPD ont déjà dit qu’il voterait pour cet amendement, eux qui sont en majorité sur le Comité des langues officielles.
Cet article a été mis à jour pour le 15 février à 16h09.