L’année de toutes les reconnaissances pour Mélissa Ouimet
[LA RENCONTRE D’ONFR+]
ORLÉANS – Une participation à La Voix, quatre nominations au Gala Trille Or assortie d’une récompense jeudi dernier, Mélissa Ouimet vit une année 2019 exceptionnelle. En entrevue pour ONFR+, l’artiste originaire de St-Albert revendique son côté fonceuse à l’image de sa chanson Personne ne pourra m’arrêter. Mais derrière le strass et les paillettes de La Voix, il y eut aussi des moments de doutes et de recherche de soi.
« Quatre nominations pour le Gala Trille Or à Orléans jeudi soir, et finalement le prix de la « chanson primée » pour Amours jetables. Est-ce que vous vous attendiez à cela?
Non pas du tout! De savoir que le public et les fans sont derrière, qu’ils ont pris le temps de voter pour ma chanson, qu’ils se sentent interpellés, ça me donne une tape dans le dos! Je savais qui je devais remercier, mais je n’étais pas préparée à monter sur scène.
De monter sur scène recevoir la statuette, c’était une émotion spéciale?
De monter de la foule pour recevoir quelque chose, c’est différent. Mes parents étaient là, ont assisté à cela avec moi. C’était un beau gala surtout avec ce qui s’est passé dernièrement dans la francophonie ontarienne. Quand il y a des problèmes, les solutions doivent passer par l’art. Ça nous permet d’être la voix des gens.
Du concours Ontario POP auquel vous aviez participé en 2003, jusqu’à 2019, vous êtes finalement parvenue à percer. Qu’est-ce que ça a pris?
La passion! Il faut être persévérant, il faut rebondir des situations, ne pas se laisser abattre. Il faut prendre les choses et tourner cela de manière positive.
Avez-vous connu des moments de doute?
Des refus des fois, parfois les gens font « Ok, ça sera pas toi », dans les entrevues ou les auditions. On n’a pas toujours des « oui », mais les « non » font que l’on bûche davantage.
Et lorsqu’on reçoit des « non », qu’est-ce qu’on travaille en plus?
Il y a des raisons et des fois il n’y en a pas. Généralement, il faut être intègre, authentique, savoir s’écouter, être ouvert, et garder son identité. Il faut regarder les choses qu’on aurait pu faire différemment, mais sans se taper sur la tête!
Comment est venue la passion pour la musique?
Ma sœur aînée chantait quand j’étais plus jeune. Ça m’a vraiment attiré. Mon grand-père paternel jouait de l’accordéon, de l’harmonica et du piano, c’était un musicien. Ma mère chantait dans un band, mes cousins et cousines aussi. Je me rappelle quand on chantait autour d’un feu de camp. Ça part de loin!
Revenons sur votre participation à La Voix avec une belle histoire. En 2015, aucun des quatre coachs ne s’était retourné vers vous pour les auditions aveugles. Ce ne fut pas le cas en février lorsque vous vous êtes représentée. Comment on l’explique?
La vie est bien faite. En 2015, ça c’était super bien passé, mais je n’étais pas encore sur mon X en tant qu’auteure-compositrice-interprète. La vie a fait en sorte que je revienne, mais j’avais déjà mon identité artistique. Peut-être qu’en 2015, je n’aurais pas eu la chance de me démarquer autant. Les juges avaient tout de même été ramassés par le public du fait que je n’avais pas été choisie.
Quelle expérience gardez-vous de La Voix? Rappelons que vous êtes toujours en lice après vous être qualifiée pour les quarts de finale.
J’ai trouvé ça super le fun. Je peux pas dire que j’étais super stressée, mais d’être en live devant des millions de personnes, opérer quand la lumière est à rouge, il faut vraiment alors garder son sang-froid, et y aller avec son cœur. Mes années d’expérience m’ont servi, j’ai compris que j’avais confiance. Ça m’a juste confirmé que j’étais capable.
Comment se passent généralement les répétitions?
Ça a été plusieurs répétitions. Ça peut être quatre jours de préparation pour une chanson, hormis l’audition à l’aveugle. Ce n’est pas seulement la pratique, mais aussi repérer la caméra, s’assurer que le son est correct, l’éclairage aussi pour les souliers et le chapeau.
Pensez-vous que votre style musical a évolué?
Le premier EP était plus pop, le second plus rock au niveau des sonorités. C’est vers ça que je continue vers le troisième, plus quelque chose au goût du jour. On évolue toujours. Je ne pense pas que je vais être une fille qui va chanter du classique!
Vous privilégiez des mini albums plutôt que des albums, pourquoi?
Un album, c’est très prenant, au niveau des coûts et du temps. À cause du temps, tout change vite, les sons également. Les gens consomment plus rapidement. C’est plus profitable de faire un mini album. Je préfère sortir des choses rapidement, c’est une technique. Le milieu de l’industrie a changé, les gens consomment beaucoup de musique, mais rapidement, de manière instantanée.
Est-ce que vous vous considérez comme une « chanteuse à voix »?
Je n’aime tellement pas ce terme-là (Rires). La vérité d’un artiste, c’est la manière selon laquelle tu vas interpréter. Tu peux tenir une note trente secondes, mais si tu ne donnes pas de frissons… C’est pour cela qu’il y a des grandes chanteuses que j’ai de la misère à écouter. Pink que j’admire beaucoup par exemple a une bonne voix et est capable de faire n’importe quoi pour donner des frissons!
Vous êtes originaire de St-Albert, dans l’Est ontarien. Vous y retournez souvent?
Je vais souvent voir ma famille, oui. Les relations, c’est la plus belle chose que l’on a. Je trouve l’équilibre ainsi.
On sait que vous avez une relation très forte avec votre père, Réjean Ouimet, l’ancien directeur de la Fromagerie St-Albert. Parlez-nous un peu de cette relation.
On se ressemble beaucoup. J’ai besoin de lui, et de son opinion. C’est un businessman, un homme très instinctif. J’ai besoin de lui pour l’aspect de gérance, comme je suis une artiste indépendante. Ce n’est pas seulement mon père, c’est mon meilleur ami. J’ai toujours été la petite fille à papa. Quand j’ai des occasions ou des spectacles importants, il vient toujours me voir.
Vous vous êtes fait un nom, mais au début est-ce que ça vous agaçait quand on disait que vous étiez la fille de Réjean Ouimet?
(Rires). Je le prenais bien. Il a fait une méchante belle job! Au contraire, j’étais fière!
Est-ce que vous parvenez aujourd’hui à vivre de la musique?
Pendant des années, j’ai dû faire plusieurs choses, donner des ateliers, chanter dans les bars, mais maintenant je me concentre vraiment sur mes projets. J’arrive à en vivre, mais il faut être actif. J’ai la chance d’avoir mon chum, de l’aider sur les plateaux ou avec les brainstorm marketing pour les compagnies.
Mais les ventes des albums, ça rapporte?
Ce qui m’aide, c’est d’être productrice des choses. J’arrive à en vivre, mais il faut être une sacrée tête de cochon. Ce n’est pas une paie toutes les deux semaines. Ce qui rapporte, ce sont les spectacles, les droits d’auteurs, les droits de producteurs, les ventes de marchandises…
Pour certains, votre chanson Personne ne pourra m’arrêter est devenue l’hymne à la Résistance franco-ontarienne. Comment est née cette chanson?
À la base, c’est une chanson où je voulais écrire mon parcours, interpeller mes amis musiciens, et interpeller les gens. Je l’ai écrite en 2015. C’était une chanson personnelle. Mais le jour même que j’ai su les coupures de Doug Ford, j’ai appelé mon amie Amélie Larocque et on a changé les paroles [des ponts ont été ajoutés au texte original]. Le lendemain, on l’a lancée sur les médias sociaux.
Et donc le 1er décembre, le jour des manifestations, vous l’avez chantée devant 6 000 personnes à Ottawa.
C’était tellement beau! Il y avait une grosse intensité. C’est la première fois où j’ai chanté sur scène avec une cause qui me touchait tant (Émue). Il y avait une communion avec le public, une connexion intense. J’en avais des frissons!
D’une manière générale, pourquoi ne pas chanter en anglais?
Je suis franco-ontarienne, mais ce n’est pas un non catégorique. Si on peut toucher un maximum de gens avec ce que l’on fait, la musique ne doit pas avoir de barrières. Plusieurs anglophones ont acheté mes albums, par exemple, sans comprendre les paroles, mais pour les émotions que je transmettais.
En début de semaine, ONFR+ lançait le débat à savoir si les radios communautaires francophones devaient diffuser de la musique anglophone. Qu’en pensez-vous?
(Hésitations). Je pense que non, déjà en ce moment le quota francophone n’est pas élevé dans les radios populaires. Si on fait ça, il faut respecter le quota élevé au niveau francophone. Les radios ne jouent plus autant de français qu’avant.
Pensez-vous que plusieurs artistes francophones chantent en français par peur de la concurrence anglophone?
Non! Si tu ne fais pas les choses avec ton cœur, les chances que tu fasses bien les choses sont faibles! Je crois en l’énergie, à la vérité!
Et pour terminer, avez-vous des projets pour les prochains mois?
Je serai présente au Festival de la Curd, mais aussi au Festival franco-ontarien pour l’hommage à Diane Dufresne. Je vais être aussi de passage pour un spectacle à Embrun. Le troisième album verra le jour en 2020, mais je n’ai pas encore choisi de nom. On est encore dans le processus. »
LES DATES-CLÉS DE MÉLISSA OUIMET
1985 : Naissance à Ottawa
2003 : Participation au concours Ontario POP réservé aux artistes francophones
2016 : Premier EP éponyme
2018 : Second EP Amours jetables
2019 : Participation à La Voix et remporte un Trille Or
Chaque fin de semaine, ONFR+ rencontre un acteur des enjeux francophones ou politiques en Ontario et au Canada.