Lansdowne 2.0 : un espoir d’améliorer le projet en cours de route
OTTAWA – Le conseil municipal a adopté le plan Lansdowne 2.0 jeudi par un vote de 16 voix contre 9. Une opportunité pour la Ville, selon le maire Mark Sutcliffe, mais des voix s’élèvent contre ce projet très dispendieux. S’il voit le jour, ce sera le deuxième plus gros projet de la Ville après la construction du train léger. Il sera rediscuté dès 2024, notamment après la vente des droits de propriété pour la construction des tours résidentielles prévues dans le plan.
« À mesure que la Ville et ses partenaires avancent dans la conception détaillée du projet de réaménagement, le conseil pourra se pencher sur d’autres questions avant le début des travaux de construction », était-il possible de lire dans le communiqué de la Ville, suite à l’approbation du projet Lansdowne 2.0.
Le conseil municipal aura l’occasion d’examiner un rapport de la vérificatrice générale de la Ville concernant Lansdowne. « C’est un projet à plus d’un demi-milliard de dollars. Ce serait bien d’attendre le rapport de la vérificatrice générale », avait lancé la conseillère municipale Ariel Troster, jeudi dernier.
Le plan de revitalisation Lansdowne 2.0 est le fruit de nombreuses discussions depuis décembre 2020. La semaine dernière, un plan repensé visant à reconstruire et aménager le site de divertissement urbain a été approuvé par une petite majorité au conseil, malgré de fortes réticences.
Plusieurs raisons l’emportent quand il s’agit de revitaliser cet espace. Le manque à gagner d’abord puisque, d’après la directrice générale de la Ville, Wendy Stephanson, cette année encore, Lansdowne enregistrait un déficit. Mais pour certains conseillers, si Lansdowne n’est pas rentable, investir massivement dans sa revitalisation serait une décision risquée.
Les projections de retombées économiques montrent pourtant que, sur une durée de 40 ans à partir de 2024 – et s’il n’y a pas de changements importants dans les activités opérationnelles –, le parc Lansdowne devrait générer un PIB de 3,52 milliards de dollars.
D’après le maire, en conférence de presse cette fin de semaine, « il y a eu beaucoup de débats entre les conseillers et les conseillères ».
Mais, M. Sutcliffe est d’avis que le plan de réaménagement est bénéfique, notamment pour muscler la vitalité économique, en accroissant l’achalandage grâce à des commerces de détails supplémentaires et de nouvelles tours d’habitations.
Et c’est sur ce point que la controverse s’est installée. De nombreux habitants, conseillers et même le député provincial d’Ottawa-Centre Joël Harden, se sont exprimés sur le besoin de prioriser le logement abordable.
Des risques qui n’ont pas freiné la décision du conseil
Le rapport annuel du parc Lansdowne (publié le mois dernier) indique qu’en juillet 2021 le conseil municipal a identifié la nécessité de remplacer les infrastructures vieillissantes du parc, principalement les gradins du côté nord. Il a alors sollicité la collaboration d’Ottawa Sports and Entertainment Group (OSEG) en vue de l’élaboration d’une proposition, incluant des plans et des estimations de coûts. Outre l’obsolescence fonctionnelle des gradins du côté nord et les fuites du toit, le rapport parle de huit années de pertes nettes, aggravées par l’impact prolongé de la COVID-19. Si les gradins et le toit sont obsolètes, OSEG affirme qu’ils sont sécuritaires.
En avril 2022, le groupe OSEG a soumis la proposition du Projet Lansdowne 2.0. Leurs suggestions : démolir les gradins du côté nord existants, incluant la construction de nouveaux gradins, pouvant accueillir entre 11 200 et 12 000 spectateurs. Le groupe propose également l’ajout d’un centre sportif. En plus, le plan consistait à ajouter trois tours de logements, des commerces, des stationnements, etc. Dans la nouvelle version révisée, il est maintenant question de deux tours de logements seulement.
Bien que le président de l’OSEG croit qu’il est primordial d’aller de l’avant, le rapport d’ingénierie pointe aussi des risques financiers dans l’élaboration de ce plan.
D’abord, les ralentissements de l’économie locale, nationale ou mondiale pourraient avoir des répercussions sur les dépenses discrétionnaires, ce qui pourrait affecter la vente des billets et d’autres sources de revenus générées dans le parc Lansdowne.
Les augmentations des taux d’intérêt de la Banque du Canada pourraient entraver le développement immobilier, mais aussi les coûts imprévus tels que les pénuries de main-d’œuvre et autres facteurs. Le projet de réaménagement du parc Lansdowne 2.0 est l’un des projets immobiliers les plus coûteux par pied carré.
Enfin, la construction potentielle d’un nouvel aréna et d’un centre sportif pour les Sénateurs d’Ottawa – avec la récente acquisition de Michael Andlauer – pourrait compromettre le nombre d’événements prévus au parc Lansdowne.
Un conseil municipal divisé sur la question, mais en quête d’espoir
« Je veux que Lansdowne réussisse », pense le conseiller du quartier Shawn Menard.
Et d’ajouter : « Nous allons perdre de l’espace public et des bâtiments en bonne santé. On fait ça au lieu de favoriser plus de logements. Comment se fait-il que nous ayons assez d’argent pour un stade, mais pas pour loger des gens pour l’hiver, pour des abris ou le transport en commun ? », se demande-t-il.
Plusieurs conseillers pensent que ce projet pourrait être aussi risqué que le train léger. Comme Ariel Troster, qui s’est exprimée durement sur ce projet en évoquant que son quartier « le plus pauvre », n’a jamais demandé la revitalisation de Lansdowne. La conseillère sous-entend que pour les habitants de Somerset, il y aurait d’autres priorités.
« Je ne suis pas convaincue que cela doit se faire maintenant. Les informations ne sont pas suffisantes », clame Mme Troster.
Mais Marty Carr du quartier Alta Vista, attenant à l’espace de divertissement, croit que ce projet doit voir le jour. « Je pensais voter contre pour les mêmes raisons que mes collègues, mais finalement, ce serait bien. Je crois en l’opportunité économique », a-t-elle dit.
C’est aussi ce que pense la conseillère franco-ontarienne Stéphanie Plante, qui estime que Lansdowne pourrait être un espace de qualité pour les enfants et les familles. C’est ce qu’elle aimerait pour le Marché By, dans le quartier Rideau.
« Mon quartier vit des drames sociaux, avec le mega-refuge qui va s’installer sur le chemin de Montréal. La vie des enfants de mon quartier n’est pas facile alors, je pense à ceux qui auront cet espace à Lansdowne. »
Steve Desroches pour Riverside ou encore Catherine Kitts et Wilson Lo appuient ce projet. Au total, 16 conseillers choisissent d’aller de l’avant, alors que neuf s’y opposent comme Shawn Menard, Rawlson King ou encore Jeff Leiper.
Des informations plus détaillées seront offertes au conseil durant le premier trimestre de 2024. Le conseiller du quartier où se trouve le parc Lansdowne, M. Menard, espère pouvoir améliorer le projet en cours de construction maintenant qu’il est approuvé.
Mais « il est difficile de freiner un train en marche », rappelle le conseiller Jeff Leiper.