« L’autre Randy » : voici pourquoi le ministre des Langues officielles est au centre d’une polémique éthique
OTTAWA – « Qui est l’autre Randy » ont répété à maintes reprises les conservateurs la semaine dernière au Parlement en référence au ministre des Langues officielles alors que de récentes révélations sur ses relations d’affaires soulèvent des « inquiétudes » pour le commissaire à l’éthique.
En mai, le média Global News rapportait qu’une compagnie à numéro de Randy Boissonnault (2256956 Alberta Ltd) détenait 50 % des parts de l’entreprise Global Health Imports. Celle-ci vendait des équipements de protection médicale pendant la pandémie comme des gants et des masques de protection. Elle a fait l’objet de multiples poursuites avant d’être condamnée par les tribunaux à rembourser 7,8 millions de dollars pour fraude. Pendant plus d’un an après son élection en 2021, le politicien franco-albertain était toujours inscrit au registre fédéral et provincial en tant que directeur de l’entreprise de fournitures médicales malgré le fait que c’est illégal.
La Loi sur les conflits d’intérêts indique que tous les députés ont le droit d’avoir des parts dans une entreprise, mais il leur est interdit de l’exploiter ou de la gérer. Les ministres fédéraux qui auraient des parts dans une compagnie et dont la valeur pourrait augmenter ou diminuer en raison des décisions du gouvernement doivent placer ces actifs dans une fiducie aveugle.
Randy Boissonnault a justifié que son nom apparaissait toujours comme directeur de l’entreprise affirmant en comité parlementaire la semaine dernière que son avocat avait indiqué qu’il avait quitté son poste d’administrateur au moment de son élection en 2021, mais que Global Health Imports n’avait pas fait le changement au registre national et provincial. Toutefois, selon Global News, ce n’est qu’en mars 2023 que le changement aurait été officiellement fait par l’avocat de Randy Boissonnault.
Or des messages textes révélés par Global News remettent en cause si celui qui était ministre du Tourisme à l’époque s’est réellement retiré à titre de dirigeant de Global Health Imports. La discussion concerne le co-fondateur de Global Health Imports, Stephen Anderson et Malvina Ghaoui, la dirigeante The Ghaoui Group, LLC qui discutait d’un virement de 500 000 dollars pour l’achat d’une commande de gants en nitrile.
Dans ce message texte de Stephen Anderson envoyé à Malvina Ghaoui, il écrit que « Randy » lui a dit « d’être disponible dans 15 pour un appel avec un partenaire ». À plusieurs autres reprises, dans la conversation Stephen Anderson fait référence à un « Randy ». Le politicien franco-albertain a affirmé la semaine dernière que le « Randy » en question n’est pas lui. Une déclaration de Global Health Imports indique que le « Randy » n’est pas le ministre des langues officielles, mais plutôt une autre personne, mais l’entreprise a refusé de donner son nom de famille précisant que ce Randy est directeur de la logistique au sein de l’organisation.
Le fuseau horaire (HAE) dans les textos correspondent à Ottawa, ont soulevé les conservateurs, mais Randy Boissonnault affirme qu’il n’était pas dans la région de la capitale nationale au moment de cet échange, le 8 septembre 2022, mais plutôt à une retraite du cabinet libéral à Vancouver.
« J’ai toujours suivi les règles. J’ai toujours été en étroite collaboration avec le commissaire à l’éthique », a dit devant le comité celui qui occupe aussi la fonction de ministre de l’Emploi.
Devant les élus membres du comité parlementaire de l’éthique mardi dernier, le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique, Konrad W. von Finckenstein, a indiqué qu’il n’était pas au courant de ces textos.
« Je n’en savais rien du tout. Cela soulève évidemment des inquiétudes quant aux implications si l’histoire est vraie. Clairement, nous allons examiner cela », a-t-il mentionné aux élus, ajoutant qu’il pourrait ouvrir une enquête s’il voit qu’il y a de la « substance » à une probable contravention à la législation.
Des démêlés judiciaires
Pendant que le nom de Randy Boissonnault apparaissait comme administrateur, Global Health Imports Corporation aurait compétitionné pour des contrats provinciaux et municipaux notamment durant la pandémie pour du matériel de protection médicale, a aussi révélé Global News.
Elle aurait notamment remporté des contrats publics d’une valeur d’au moins 8,2 millions de dollars. Mais un tribunal albertain a ordonné à Global Health Imports Corporation et Stephen Anderson de rembourser 7,8 millions de dollars via six différentes poursuites judiciaires après que l’entreprise ait décidé de ne pas se défendre. Ces compagnies accusaient dans leurs poursuites des factures impayées et de livraisons non exécutées. Aucune poursuite ne contenait la mention de Randy Boissonnault.
Konrad W. von Finckenstein avait toutefois refusé d’enquêter sur ces révélations-ci, car le ministre des Langues officielles était en conformité avec la Loi sur les conflits d’intérêts, avait-il jugé.
Dans les dernières semaines, les conservateurs ont multiplié les attaques à la période des questions.
« Monsieur le Président, je pense que l’autre Randy porte probablement le même nom de famille et le même poste que le ministre de l’Emploi. Alors, l’autre Randy va-t-il se lever, s’il vous plaît? », a lancé la cheffe adjointe Melissa Lantsman à la Chambre des communes mercredi passé.
Le comité à l’éthique a adopté mardi après-midi une motion visant à faire venir témoigner Stephen Anderson en plus de demander une copie de l’ensemble des appels et conversations téléphoniques de Randy Boissonnault et Stephen Anderson le 8 septembre 2022.