Le casse-tête des cours à distance pour les étudiants et les professeurs
La pandémie de coronavirus force les universités à s’adapter. Pour les étudiants, comme pour les professeurs, le défi est grand.
Depuis une semaine, c’est la course pour plusieurs professeurs de l’Université Laurentienne. Le 11 mars, l’institution sudburoise annulait ses cours en raison d’un cas de coronavirus et demandait aux professeurs « d’utiliser d’autres modes de prestation » pour leurs cours auparavant donnés en personne.
« Ça a été décidé extrêmement rapidement, sans plan. Il a donc fallu que j’aille trouver des ressources pédagogiques, en ligne, gratuites, comme des documentaires, des films… Dans le monde francophone, ça se fait moins de mettre les choses en ligne, c’est donc une difficulté supplémentaire », témoigne Aurélie Lacassagne, professeure agrégée au Département de science politique de l’Université Laurentienne.
Mme Lacassagne enseigne actuellement quatre cours. À trois semaines de la fin de la session, elle estime, malgré tout, que la majorité du programme aura été couverte.
Rendre les cours accessibles
Chargé de cours au Collège universitaire Glendon, à Toronto, Charles-Antoine Rouyer, utilisait déjà des outils numériques dans son cours de Communication, Santé et Environnement. La transition a donc été plus facile, même s’il a dû se familiariser avec le système de visioconférence Zoom.
« Mon contenu était déjà en ligne et accessible. Mais l’un des défis, c’est l’absence de contact en personne. C’est d’autant plus difficile pour les étudiants internationaux et ceux en résidence qui se retrouvent seuls. Je prends donc le temps de leur demander comment ça va et j’ai intégré ce qui se passe dans le cours pour en parler et tenter de dédramatiser. »
Suivre des cours à distance représente un défi pour les étudiants, témoigne Myriam Tshimanga, en 3e année de Psychologie au Collège Glendon.
« C’est un peu bizarre. Je suis chez moi, dans ma zone de confort, et j’ai du mal à me concentrer. C’est sûr que ça m’évite de faire une heure pour aller à l’université, mais c’est vraiment difficile de suivre un cours de trois heures en visioconférence. Quand je suis en classe, je sais pourquoi je suis là. »
Un avis que partage Marie-Pierre Héroux, étudiante en 4e année en Histoire et Études françaises à l’Université Laurentienne, qui soulève aussi un autre problème.
« Dans ma résidence universitaire, l’internet n’arrête pas de couper. Aujourd’hui, j’ai manqué la moitié du cours! Je sais aussi que plusieurs autres étudiants vivent à la campagne où leur internet saute souvent. »
Par souci d’équité, Mme Lacassagne préfère plutôt indiquer à ses étudiants une liste d’articles, d’émissions de radio ou de documentaires sur Youtube.
« Certains n’ont que leur téléphone et pas d’ordinateurs ou d’accès internet haute vitesse. Et puis, à 25 élèves, faire une visioconférence avec Zoom, c’est impossible, d’autant que certains ont des enfants. »
Des méthodes d’évaluation à revoir
Professeur adjoint au département de biologie de l’Université d’Ottawa, Colin Montpetit a depuis longtemps intégré les cours en ligne à son enseignement. Depuis quatre ans, cela concerne le tiers de ses cours.
« Je voyais bien que les cours traditionnels ne fonctionnaient pas : je me trouvais plate et les étudiants aussi! Mais ce n’est pas facile d’avoir des cours dynamiques dans un amphithéâtre de 300 personnes. Avec les cours hybrides, l’expérience a complètement changé. En ligne, les élèves font les lectures, participent à des quiz et des groupes de discussions encadrés, puis en classe, j’agis comme un mentor, pour m’assurer qu’ils ont bien compris et renforcer leurs connaissances. »
La situation actuelle le pousse toutefois lui aussi à revoir ses méthodes.
« Je dois trouver une alternative à mes cours qui devaient avoir lieu en personne et aussi pour l’examen final. Je sais que je ne vais pas pouvoir contrôler que les étudiants ne s’entraident pas. Alors je mise sur un modèle plus collaboratif. »
M. Rouyer a lui aussi opté pour que les deux derniers quiz de ses étudiants se fassent en ligne à livre ouvert.
« C’est une situation spéciale, mais ce sont des adultes et je pense qu’au final, ce sont les étudiants qui sont perdants s’ils trichent, car ils sont là pour apprendre. »
Des conseils pour les professeurs
Les étudiants interrogés par ONFR+ attendent tous avec anxiété la fin de session. Benoît Lachapelle, étudiant en 2e année de maîtrise en Architecture à l’Université Laurentienne, doit présenter sa thèse début avril. Actuellement, il termine ses travaux pratiques.
« Dans le cadre de notre évaluation, nous devons remettre un projet concret. Jusqu’ici, nous avons un accord avec l’Université pour pouvoir accéder à l’atelier et au matériel, comme les scies à table. Mais je me demande ce qui va se passer si tout ferme? Mon projet fait 30 x 48 pouces, je ne peux pas le ramener chez moi! Je n’ai ni la place ni le matériel. J’espère que l’université tiendra compte de cette situation particulière et supprimera certains livrables. »
Mme Héroux suggère d’évaluer les étudiants selon les travaux faits depuis le début de la session, sans accorder de pourcentage, en décidant simplement s’ils ont validé ou non leurs cours.
Mardi soir, l’Université Laurentienne a annoncé que tous les examens finaux en face à face n’auront pas lieu dans ce format.
« La méthode d’évaluation alternative spécifique sera communiquée aux étudiants d’ici le 25 mars », prévient l’institution, ce qui risque d’être une source de stress supplémentaire pour les étudiants.
Consulté par plusieurs de ses collègues depuis la mise en place forcée de cours à distance à l’Université d’Ottawa, M. Montpetit les met en garde.
« Je leur partage les erreurs que j’ai pu faire au départ. Par exemple, de surcharger les étudiants. Souvent on leur en donne plus de travail avec l’apprentissage à distance et les étudiants ne savent plus vraiment comment gérer ça. Il ne faut pas oublier que c’est une situation stressante pour eux. »