Francis Drouin Crédit image: Stéphane Bédard
Crédit image: Stéphane Bédard

OTTAWA – Le député de l’Est ontarien Francis Drouin ne s’excuse pas d’avoir traité des témoins en comité parlementaire de « plein de marde » et leurs propos « d’extrémistes », mais admet avoir « perdu patience » et s’être laissé « emporté par la passion ». Les ministres libéraux et Justin Trudeau ont défendu leur collègue franco-ontarien pour « un excès de passion en faveur du français » face au Bloc Québécois.

La Chambre des communes s’est légèrement échauffée mardi. À la période des questions, le chef de la formation souverainiste, Yves-François Blanchet, a exigé, pour « une injure aussi vulgaire au sujet de notre langue nationale », la démission de Francis Drouin à titre de président de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie. Ce à quoi Justin Trudeau n’a même pas répondu, vantant plutôt les mérites de son gouvernement en ce qui a trait à la protection des minorités linguistiques et de la langue française, accusant plutôt le Bloc de « chercher des chicanes ».

« Ne pas s’assurer que le député renonce à la présidence de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie, alors même qu’il refuse de s’excuser pour ses propos, alors que pour lui, protéger le français est une position extrémiste, c’est une caution par le premier ministre lui-même et personnellement du mépris exprimé », a soutenu Yves-François Blanchet, relançant sa demande de démission.

Mais pour le leader libéral, « nous, contrairement au Bloc Québécois, on est là pour protéger la langue française partout à travers le pays ».

« On n’est pas en train de juste vouloir isoler le Québec. On est en train de reconnaître que la langue française a besoin d’être soutenue à travers le pays et oui, des fois, avec un excès de passion », a-t-il lancé.

Des témoins « pleins de marde »

Lundi soir, au Comité permanent des langues officielles, Francis Drouin a accusé des témoins qui comparaissaient de tenir des propos « extrémistes ». Le Comité était en train de procéder à une étude sur le financement des institutions postsecondaires en milieu minoritaire, incluant les universités anglophones du Québec. Y comparaissaient notamment deux témoins, le chercheur Frédéric Lacroix et un représentant du Regroupement pour le cégep français, Nicolas Bourdon.

L’élu franco-ontarien n’a pas accepté l’argument des chercheurs qui, selon lui, estiment que l’anglicisation du Québec serait due à la présence d’institutions anglophones, qualifiant leurs propos de « pas mal extrémistes ».

« Est-ce que ‘extrémiste’ est un langage parlementaire », a alors demandé M. Lacroix.

« M. Lacroix, si vous voulez me niaiser ici, je n’ai pas de patience avec votre discours », a rétorqué Francis Drouin.

Le président du Comité, René Arseneault, qui a admis « ne pas avoir vu ça, en 8-9 ans, au (Comité des) langues officielles » est alors intervenu pour tenter « d’adoucir l’atmosphère ».

« Si vous pensez que McGill ou Dawson anglicisent le Québec, vous êtes dans le champ de patates, pas à peu près », a poursuivi plus tard Francis Drouin.

« Excusez-moi, mais vous êtes plein de marde. Je vais retirer mes propos, mais vous êtes dans le champ », a-t-il ajouté quelques instants plus tard.

« Prenez-moi pas pour un con »

En entrevue mardi matin, Francis Drouin ne s’excusait pas, mais admettait qu’il aurait dû choisir d’autres termes que ceux utilisés, lundi, en comité.

« Quand je l’ai dit, je l’ai retiré assez rapidement. J’aurais pu mieux poser mes mots, mais je ne suis pas parfait, je me suis laissé emporter par la passion. Je suis passionné par la défense de la langue française, mais en même temps, je n’accepte pas de faux argumentaires non plus. »

« Je ne suis pas un deux de pique. De là à dire que les études supérieures sont en train de contribuer à l’anglicisation (du Québec), ça n’a pas de sens. Prenez-moi pas pour un con et je vais faire la même chose en retour », poursuit-il.

« Imagines-tu si on était en train de dire que La Cité, l’Université d’Ottawa ou l’Université de l’Ontario français (UOF) sont en train de franciser Toronto? Ça n’a pas de bon sens ces discours-là. C’est pour ça que j’ai perdu patience », explique le représentant au Parlement.

Le député du Bloc Mario Beaulieu a accusé Francis Drouin de faire « de l’intimidation de témoins » et « du Quebec bashing ».

« Non, non, non, je vais le rappeler chaque fois, la défense de la langue française, ça n’appartient pas au Bloc Québécois et au Parti Québécois. J’ai beaucoup de respect pour le Québec. Ce n’est pas parce que je ne suis pas d’accord avec un témoin, que ça devient du Quebec bashing, à un moment donné-là… Mario a le droit de dire ce qu’il veut, ce n’est pas du Quebec bashing du tout. »

Les ministres libéraux vantent Francis Drouin

Tour à tour, les ministres libéraux ont défendu leur collègue de Glengarry-Prescott-Russell. On devrait « arrêter de se crêper le chignon sur la question du français », signale l’ancienne ministre des Langues officielles, Mélanie Joly, soutenant « qu’on a été clair depuis longtemps que nous allons protéger le français au Québec et partout au pays ».

« Nous le faisons également à travers le monde et nous pouvons être très fiers d’avoir un président canadien, responsable de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie », a-t-elle dit, remerciant au passage le député franco-ontarien « pour son travail ». S’en est suivi un léger chahut dans la Chambre des communes, pendant quelques secondes, entre libéraux et bloquistes qui ont relancé leurs adversaires en les accusant d’être « plein de mépris envers la défense du français », comme l’a affirmé le député Mario Beaulieu.

Mais pour Pablo Rodriguez, pendant que le Bloc Québécois « s’écrase contre ce que l’on fait, nous on se tient debout, incluant le collègue (Francis Drouin), qui se tient debout pour tous les francophones au Canada », a encensé le lieutenant du Québec pour les libéraux.