Le gouvernement s’attaque à la pénurie d’enseignants francophones
TORONTO – Le ministère de l’Éducation de l’Ontario annonce prendre le taureau par les cornes pour contrer la pénurie d’enseignants francophones dans la province. Le gouvernement met en place « diverses mesures pour recruter et maintenir en poste un plus grand nombre d’enseignantes et d’enseignants qualifiés pour enseigner en français et pour enseigner le français comme langue seconde ».
Parmi les mesures annoncées : la création d’un nouveau programme en enseignement à l’Université Laurentienne, une modification des règlements permettant d’engager plus de professeurs francophones et l’élaboration de projets comme des salons de l’emploi et un portail de recrutement pour les conseils scolaires francophones.
« Le gouvernement s’assure que les élèves de l’Ontario et leurs parents ont un meilleur accès aux possibilités d’apprentissage en français, comme première langue ou comme langue seconde. L’annonce d’aujourd’hui fait partie de l’engagement de l’Ontario à offrir aux jeunes élèves francophones et francophiles plus d’options pour leur éducation et leur avenir », a indiqué, via communiqué, la ministre des Affaires francophones, Caroline Mulroney.
Souvent décrite comme un urgent besoin en milieu éducatif francophone, la rétention d’enseignants est autant un problème que la pénurie de main d’œuvre, selon l’Association des conseils scolaires des écoles publiques de l’Ontario (ACÉPO).
« Les deux sont importants. Il y a trop d’enseignants qui commencent et qui quittent après trois ou quatre ans. Il faut que ce poste soit valorisé, car si l’on ne se sent pas bien dans son emploi, ça part mal. Il faut continuer de travailler avec le ministère et les partenaires, car cette pénurie existe depuis longtemps. Elle est pire avec la pandémie et elle va continuer après », soutient Denis Chartrand, président de l’ACÉPO.
La présidente de l’Association des enseignantes et enseignants franco-ontariens (AEFO) plaide, de son côté, que le « Groupe de travail est une initiative de l’AEFO qui en a fait un enjeu lors des dernières négociations ».
« L’effort est louable et représente un pas dans la bonne direction. Cependant, l’AEFO incite le gouvernement à investir pour augmenter le nombre d’enseignants de langue française depuis plusieurs années. Encore une fois, le gouvernement a choisi d’ignorer nos recommandations, agissant à la dernière minute, et probablement un peu trop tard », soutient Anne Vinet-Roy.
Une aide pour les conseils anglophones aussi
Pour la pénurie d’enseignants de langue seconde, la province mise sur un nouveau guide pour les conseils scolaires anglophones et un outil d’évaluation en français pour permettre d’« embaucher et former plus d’enseignants de français langue seconde ».
Le gouvernement remet aussi sur pied son comité provincial sur le français langue seconde et des activités de sensibilisation auprès des élèves de la 11e année pour une carrière d’enseignant en français.
« En s’employant à former et à maintenir en poste plus d’enseignants qualifiés pour enseigner en français, notre gouvernement prend des mesures décisives en vue de renforcer et d’autonomiser encore plus la communauté francophone de l’Ontario », a déclaré le ministre des Collèges et Universités, Ross Romano.
Le gouvernement ne précise pas combien d’argent sera investi dans le cadre de cette annonce.
« Le ministère de l’Éducation continue de travailler avec ses partenaires de langue française pour identifier les changements possibles, dont certains pourraient concerner des règlements qui pourraient aider à répondre aux défis de la pénurie d’enseignants. Le ministère examinera les options et déterminera le financement en fonction de cette analyse », a indiqué à ONFR+ une porte-parole du ministère de l’Éducation dans un échange de courriels.
Une « bonne première étape »
Satisfait de ce « premier pas dans la bonne direction », Denis Chartrand espère qu’il s’agit d’une première étape.
« On est heureux que le gouvernement reconnaisse que c’est un problème. C’est une bonne première étape, mais ensuite, il faut commencer par valoriser la profession d’enseignant. Il y a un défi pour l’enseignement en français. En deuxième, il faut favoriser l’insertion des nouveaux enseignants et leur rétention. Il faut ensuite revoir les programmes de formation et étudier le marché du travail en enseignement. On aurait besoin d’une bonne étude », indique le président de l’ACÉPO.
Tout comme Denis Chartrand, la professeure à la Faculté d’Éducation de l’Université d’Ottawa, Carole Fleuret, n’est pas contre l’idée d’une étude pour permettre de quantifier et cibler les problèmes.
« Il faudrait quelque chose qui s’appuie sur des données pour voir où il y a des lacunes et en fonction de celles-ci, trouver des pistes de solution. (…) Il faudrait une sorte de consortium entre les différentes universités anglophones, francophones et bilingues, comme ici à Ottawa, pour mettre en commun des points de convergences et de divergences, afin de répondre à ces réalités-là », explique-t-elle.
Cette dernière croit aussi que le problème de pénurie dans les écoles francophones doit être traité différemment que celui en langue seconde.
« Ce que l’on propose aux francophones ne devra pas être une copie de ce qui est offert aux anglophones. On a vu par le passé que les réalités des milieux minoritaires francophones ne sont pas considérées dans les adaptations des programmes anglophones, car ce sont des spécificités qui ne leur appartiennent pas », tranche Mme Fleuret.