Le mouvement anti-confinement n’a pas dit son dernier mot
TORONTO – L’amorce d’une réouverture progressive de l’économie ontarienne n’a pas étouffé la protestation hebdomadaire anti-confinement. Regroupés devant l’Assemblée législative de l’Ontario, une centaine de contestataires ont une fois encore défié les consignes de santé publique de rassemblement et de distanciation, ce samedi, pour exiger une levée immédiate des mesures d’urgence gouvernementales d’endiguement de la COVID-19.
« Je suis ici pour exprimer ma résistance contre le confinement imposé par le gouvernement », lâche Joshua Clausen. Dans sa main droite, une pancarte clame son droit inaliénable à aller chez le coiffeur s’offrir une coupe de cheveux. Dans sa main gauche la laisse de son chien. L’animal nonchalant n’est pas moins revendicatif : il veut aller et venir comme bon lui semble dans les parcs.
« Je ne comprends pas pourquoi on fait ça », poursuit Joshua. « La situation n’est pas assez grave pour justifier qu’on paralyse l’économie, qu’on perde des milliers d’emplois, qu’on prive nos enfants d’école, de centre aéré et de bibliothèque. »
Tout comme lui, ils sont nombreux devant Queen’s Park à évoquer les conséquences économiques désastreuses qu’implique la mise en sommeil forcée des commerces, des industries et de la consommation.
En Ontario, plus d’un million de travailleurs ont en effet perdu leur emploi au cours des dix dernières semaines. Un cataclysme que les gouvernements ont tenté d’adoucir en adoptant des mesures d’aide sans précédent au niveau provincial et fédéral.
« De l’argent jeté par la fenêtre », rétorque Sabrina. « Si on laissait faire le marché et le business, on n’aurait pas besoin de creuser la dette. »
Théorie du complot et menace des libertés individuelles
Dans les rangs de la contestation, des petits commerçants, des retraités, des étudiants et des travailleurs de tous horizons. Les personnes que nous avons rencontrées ont des profils très variés, mais manifestent la même suspicion à l’égard du gouvernement.
« Ça cache autre chose et le gouvernement tire les ficelles », est persuadé Joshua. « C’est sa façon de démontrer qu’il contrôle la peur des gens. Beaucoup de preuves contredisent l’Organisation mondiale de la Santé. Un jour, il faudra faire la lumière là-dessus. »
Ici, on ne compte pas sur les médias pour la faire : les dessins de logo de journaux et de télévision barrés circulent. Les médias, qui véhiculent l’information émanant du gouvernement et des autorités de santé, feraient partie du complot…
Anti-vaccin, anti-État, anti-médias et pro-armes
« On veut la vérité sur les vraies raisons et que les choses reprennent leur cours », lance une autre manifestante. Elle souhaite conserver l’anonymat. Elle affiche son hostilité à tout vaccin et dénonce une corruption ambiante.
« On devrait être libre de faire nos propres choix. Notre système immunitaire fonctionne mieux que n’importe quel vaccin », vocifère-t-elle, sans égard à la distanciation physique. À côté d’elle, un enfant dans une poussette se frotte le visage sous l’abondante pluie de postillons.
« La vaste majorité des gens n’ont pas besoin d’être confinés », acquiesce Joshua Clausen. « Vivre à travers un masque ne nous sauvera pas, mais au contraire ne fera qu’affaiblir notre corps. Quand il y aura un vrai danger, on sera encore plus à risque. »
À quelques mètres de là, un énorme drapeau canadien à l’envers flotte sur la foule. Un drapeau Gadsden également. Il représente un serpent à sonnette enroulé sur lui-même, prêt à mordre, sous lequel on peut lire le slogan Ne me marche pas dessus. Une symbolique du libertarisme.
Opposé à l’État interventionniste, ce mouvement jugé extrémiste par plusieurs observateurs, prône la liberté individuelle en tant que droit naturel. Les policiers quadrillent le secteur par petits groupes et à bonne distance, de l’autre côté de l’avenue, ainsi que sur les côtés.
Un autre slogan surprend : Viens le prendre. Les trois mots sont encadrés par des dessins explicites de fusils. Le lobby pro-armes a repris de la vigueur depuis l’interdiction des armes d’assaut par le premier ministre Justin Trudeau, début mai, après la fusillade en Nouvelle-Écosse. Les hashtags #FireTrudeau et #TrudeauGate abondent.
« Chacun a le droit de faire ce qu’il veut », affirme Anna Yamashita. « Les mesures que prend le gouvernement sont loin d’être les meilleures. L’isolement fait plus de mal que de bien. Je ne suis pas d’accord. »
La jeune Torontoise reconnaît néanmoins que la COVID-19 est une maladie réellement infectieuse, mais conteste sa gravité. « Ce n’est pas pire que la grippe. Ça ne justifie que tant de gens perdent leur emploi ou mettent la clé sous la porte. Ce n’est pas juste. »
Selon plusieurs manifestants, un virus plus grave guette la société canadienne : l’État. « Trudeau=virus » et « Ford est une fraude » peut-on lire sur une même pancarte qui met dos-à-dos les gouvernements libéraux et conservateurs, sur fond de conspiration.
Plus de 25 000 contaminations en Ontario
Pourtant, le virus continue de tuer. 27 décès de plus ont été déclarés durant les dernières 24 heures, portant le bilan à 2 048 morts en Ontario, 6 277 au Canada et 335 000 dans le monde. Avec cinq nouvelles éclosions détectées, la province fait actuellement face à 212 propagations du virus en foyer de soins de longue durée.
Le portrait de la situation reste tout relatif : comme hier, l’Ontario n’est pas parvenu à atteindre sa cible de dépistage quotidien. À peine plus de 11 000 tests ont été pratiqués, au lieu du double attendu. Si la province a dépassé le seuil des 25 000 contaminations, le nombre d’hospitalisations continue de diminuer, de même que celui des patients admis en soins intensifs.
▶️ 412 cas et 27 décès de plus en Ontario
▶️ 25 040 cas au total (82 892 au Canada)
▶️ 2 048 décès en Ontario (6 277 au Canada)
▶️ 912 hospitalisés, 147 en soins intensifs
▶️ 599 986 tests en Ontario, dont 5 871 en attente de résultats