Le président de la SANB dénonce les menaces à son encontre
MONCTON – Le nouveau président de la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB), Alexandre Cédric Doucet, dit avoir reçu des menaces de mort et de viol sur les réseaux sociaux, après s’être récemment prononcé publiquement sur un dossier de droits linguistiques. Des propos suffisamment sérieux pour qu’il contacte la Gendarmerie royale du Canada (GRC).
« On m’a traité de tous les noms, on a menacé de venir m’attaquer chez moi, on m’a dit de ne plus remettre les pieds à Bathurst et quelqu’un m’a menacé de m’enfoncer le drapeau britannique dans le derrière… », raconte Alexandre Cédric Doucet. « Je ne suis pas inquiet pour moi, mais pour mes proches et pour ma famille. »
Depuis une semaine, le président de la SANB a reçu des dizaines de messages du même genre sur les réseaux sociaux. La raison : il a déposé une plainte au commissariat aux langues officielles du Nouveau-Brunswick pour des problèmes de respect des droits linguistiques dans les magasins d’Alcool Nouveau-Brunswick.
« Alcool NB a embauché une compagnie de sécurité qui a mis en poste un employé unilingue à Caraquet [une communauté très majoritairement francophone]. J’ai donc déposé une plainte au Commissariat et je l’ai partagée sur les réseaux sociaux. Et là, j’ai eu plein de témoignages de problèmes similaires à travers la province. Donc, j’ai décidé de déposer une deuxième plainte et de le faire savoir, et c’est là que les commentaires ont commencé. »
Des commentaires désobligeants et haineux, comme a pu le constater ONFR+, qui se sont même mués en menaces de mort et de viol, en messages privés.
« J’ai jugé la situation suffisamment préoccupante pour m’adresser à la GRC qui m’a indiqué que la menace ne semble pas encore être assez imminente, mais qui m’a conseillé de bloquer les gens et de rapporter ces messages à Facebook et à Twitter. Mais ça devient presque un emploi à temps plein! »
Pas un phénomène nouveau
Des insultes et des menaces, l’avocat acadien, Michel Doucet, en a reçues son lot au cours de ses nombreuses années à défendre les droits linguistiques.
« Malheureusement, quand tu travailles dans le domaine des droits linguistiques, ce n’est pas nouveau comme phénomène, même si aujourd’hui, c’est peut-être plus visible avec les médias sociaux. Avant, on recevait des lettres anonymes… »
« Si ces propos étaient dirigés contre une catégorie raciale ou religieuse, la majorité s’en offusquerait sûrement plus rapidement » – Michel Doucet, avocat
M. Doucet félicite le nouveau président de la SANB de sa décision de rendre ces menaces publiques.
« Pour ma part, je ne voulais pas leur donner de l’importance ni les dénoncer publiquement tant que ça ne visait pas directement ma famille. Mais j’aurais peut-être dû, car c’est difficile pour les proches. Le président de la SANB a raison de les dénoncer publiquement. C’est un geste qu’on devrait peut-être faire plus souvent. »
Responsabilité politique
La question des droits linguistiques semble redevenue très sensible depuis l’arrivée au pouvoir du premier ministre unilingue, Blaine Higgs, et la percée de l’Alliance des gens du Nouveau-Brunswick, un parti qui s’oppose au bilinguisme, en 2018.
Le contexte est-il favorable à ce genre de débordements? M. Doucet ne le croit pas forcément.
« Les années 60, avec le maire Leonard Jones à Moncton, n’étaient pas non plus une période accueillante, pas plus que les années 80, avec la commission Poirier- Bastarache et les jets d’œufs et les insultes ou les années 90, avec le COR (Confederation of Regions Party)… », rappelle-t-il.
Mais les partis politiques ont toutefois un rôle à jouer, estime-t-il, alors que le président de la SANB dit avoir reçu le soutien de plusieurs personnalités politiques.
« C’est sûr qu’avec un premier ministre qui ne fait pas des droits linguistiques une priorité, et un parti comme l’Alliance des gens du Nouveau-Brunswick, cela donne une légitimité à ce type de discours. Mais l’ancien premier ministre Brian Gallant, même s’il était bilingue, y a lui aussi contribué en laissant proliférer les mensonges sur les droits linguistiques. Les politiciens doivent dénoncer l’intolérance », souligne M. Doucet.
Même s’il a décidé de rendre privé son profil personnel sur Facebook et de privilégier l’usage de sa page officielle de président de la SANB et celle de l’organisme pour partager ses messages, le président de la SANB ne compte pas se laisser intimider.
« Je vais continuer à avoir des prises de position qui risquent de déranger certains. De telles réactions m’encouragent à lutter pour une égalité réelle entre les différents groupes linguistiques de cette province. »