Le projet d’équipe Santé Ontario francophone à Toronto abandonné
TORONTO – Après avoir essuyé un premier refus du ministère de la Santé, les responsables du projet n’ont pas reformulé de demande et explorent à présent une voie alternative : un réseau de fournisseurs de santé capable de répondre aux besoins des différentes équipes Santé Ontario du Grand Toronto. Mais cette nouvelle stratégie se heurte à un manque d’intérêt manifeste de certaines de ces équipes déjà en place.
« On n’a pas refait de demande », révèle Florence Ngenzebuhoro, directrice générale du Centre francophone du Grand Toronto (CFTG), qui partageait sa candidature avec les Centres d’accueil Héritage, fournisseur de services aux aînés. Il n’y aura donc pas d’équipe Santé Ontario (ESO) francophone à Toronto comme auraient pu l’espérer les Franco-Torontois.
Ces regroupements locaux de professionnels de la santé, gravitant autour d’une agence centrale (Santé Ontario) sont la pierre angulaire du futur système de santé, imaginé par le gouvernement pour mieux répondre aux besoins des patients. Or, sur les 44 ESO que compte la province, une seule est officiellement bilingue : Ottawa Est. Son chef de file, l’Hôpital Montfort, a même affiché son intention de la désigner sous la Loi sur les services en français pour satisfaire à tous les standards d’une offre de qualité.
Partout ailleurs en province, les autres ESO offriront des services en anglais, tout en s’appuyant sur des partenaires francophones opérationnels dans certains secteurs de soins. Si elles veulent servir les francophones dans toute leur palette de soins (primaires, palliatifs, urgence, santé mentale…), elles devront nécessairement trouver d’autres moyens pour les fournir.
Vers un réseau de fournisseurs de santé en français
Pour tenir compte de cette réalité, le CFGT et une vingtaine de partenaires ont donc réévalué leur approche. Il n’est plus question de constituer une ESO mais un réseau de fournisseurs de santé en français apte à fournir un continuum de services pour le compte des équipes existantes.
Un groupe de travail réunissant les fournisseurs de soins de santé en français du Grand Toronto a été mis en place pour explorer ce nouveau modèle. Selon Estelle Duchon, qui le copréside avec Florence Ngenzebuhoro, « il s’agit d’une évolution logique. » La directrice générale de l’Entité 4 explique que « la soumission de l’équipe Santé Ontario francophone était déjà, à l’époque, une soumission atypique qui visait déjà à soutenir les autres équipes Santé Ontario sur un territoire plus large. L’idée de départ est toujours là ».
Mais sur le terrain, l’accueil reste mitigé. Le groupe de travail n’a pas convaincu le ministère des Affaires francophones qui a rejeté sa demande de subvention, via le programme d’aide à la francophonie ontarienne (PAFO).
Ses premières démarches auprès des ESO du Grand Toronto se sont, en outre, révélées plus ou moins fructueuses. Cinq des 15 équipes auraient montré un intérêt.
« Chaque équipe Santé Ontario a reçu 350 000 $. On pourrait penser qu’une partie de ce montant soit consacré aux services en français, mais on n’a rien entendu là-dessus », regrette Mme Ngenzebuhoro. Elle craint que les besoins des francophones passent au second plan dans la réforme de la santé : « Les organismes du Grand Toronto font des efforts sans qu’on voie le gouvernement et d’autres partenaires s’intéresser plus que ça. »
La désignation des équipes Santé Ontario pas encore acquise
Mais toutes ne partagent pas la même vision de ce que seront leurs services en langue française, ni le même volontarisme, en grande partie car elles ne savent pas encore si elles seront assujetties à la Loi sur les services en français (LSF) en tant qu’équipe.
Si demain, un patient demande un rendez-vous avec un médecin bilingue, et que l’organisme francophone partenaire ne peut répondre à cette demande, l’ESO sera-t-elle tenue responsable au regard de la Loi de répondre à son besoin en santé dans sa langue?
En déplacement à Ottawa l’été dernier, lors d’une de ses rares apparitions à titre de ministre des Affaires francophones, Caroline Mulroney avait affirmé que oui, les ESO devraient répondre de la LSF dans les régions désignées. Mais il n’existe encore aucun mécanisme légal qui permet de porter plainte contre une ESO en vertu de la LSF.
Des clarifications du gouvernement se font attendre
Pour Estelle Duchon, la réussite du système passera par la capacité des ESO à, d’une part identifier les patients francophones, et d’autre part les diriger vers des services en français qui, s’ils n’existent pas dans le périmètre de l’équipe, se trouvent peut-être dans le périmètre voisin.
Elle prévient que ça ne se fera pas du jour au lendemain mais que, si l’approche du groupe de travail retient l’attention des ESO, « les partenaires francophones pourront, au gré des données accumulées, se tourner vers les ESO pour leur dire où il manque des services et les convaincre de les développer ». Ce serait une avancée tangible par rapport au système actuel.
Alors que les étapes sont franchies les unes après les autres, nombreux sont les acteurs de la santé qui, maintenant, attendent du gouvernement qu’il clarifie ses attentes envers les équipes Santé Ontario en matière de services en français, notamment dans ses ententes de financement.