Le rôle du gouvernement dans la protection du patrimoine franco-ontarien

L'Assemblée législative de l'Ontario a voté sa première Loi sur le patrimoine sous le gouvernement Davis en 1975. Crédit image: Jackson Ho
L'Assemblée législative de l'Ontario a voté sa première Loi sur le patrimoine en 1975. Crédit image: Jackson Ho

Chaque samedi, ONFR+ propose une chronique sur l’actualité et la culture franco-ontarienne. Cette semaine, l’historien et spécialiste de patrimoine Diego Elizondo.

[CHRONIQUE]

L’Ontario, province la plus populeuse du Canada, compte aussi le plus grand nombre de francophones vivant à l’extérieur du Québec. La présence francophone sur l’actuel territoire ontarien remonte à plus de 400 ans et, après les Autochtones, la communauté francophone a été la première à s’y établir de façon permanente.

Bien évidemment, la présence historique francophone et la vitalité de sa communauté sont un incontournable et une plus-value pour la province, mais qu’en est-il du rôle que joue l’Ontario dans la préservation et la protection du patrimoine, particulièrement franco-ontarien.

Par la façon dont est conçu et s’applique le fédéralisme au Canada, la culture est de compétence provinciale, au même titre que la santé et l’éducation. Ainsi, le patrimoine (qui est une des nombreuses composantes de la culture), relève des provinces. Pour protéger le patrimoine franco-ontarien, c’est donc du côté des textes législatifs de l’Ontario qu’il faut s’appuyer.

La Loi sur le patrimoine de l’Ontario

La première Loi sur le patrimoine en Ontario a été adoptée sous le gouvernement de Bill Davis en 1975. Même si l’éveil à l’importance de la protection patrimoine s’est surtout fait dans les années 1970, l’Ontario était loin d’être une pionnière en la matière en adoptant une Loi sur le patrimoine. À titre de comparaison, le Québec s’est doté de ce type de loi dès 1922!

Bien qu’adoptée à l’Assemblée législative, la mise en application de Loi sur le patrimoine de l’Ontario relève des municipalités, ces dites « créatures des provinces » selon l’expression consacrée. Ainsi, la Loi sur le patrimoine s’applique de la même façon partout en Ontario « que tu viennes de Pointe-aux-Roches ou d’Orléans… d’ici jusqu’à Fauquier! » pour citer la chanson de Paul Demers.

Ce n’est pas unique au patrimoine, cependant. Par exemple, les bibliothèques publiques de l’Ontario sont régies selon une loi provinciale mais, sur le terrain, ce sont les municipalités qui les gèrent. La Loi offre une protection légale et juridique contre la démolition de bâtiments qui sont désignés en vertu de celle-ci.

La mouture de 1975 a été modernisée en 2005 à l’époque où Madeleine Meilleur était ministre de la Culture dans le gouvernement de Dalton McGuinty, en plus de cumuler la fonction de ministre déléguée aux Affaires francophones.

Des bâtiments de l’histoire franco-ontarienne sont protégés en vertu de la Loi sur le patrimoine de l’Ontario, dont une dizaine d’églises, quatre anciennes écoles et trois presbytères. Précisons par contre que la Loi ne contient pas de mesures spécifiques réservées à la protection du patrimoine franco-ontarien. Également, le rôle de la ministre aux Affaires francophones de l’Ontario ne s’intéresse pas aux questions du patrimoine franco-ontarien.

Les citoyens intéressés par la protection de ce patrimoine sont référés au ministère des Industries du patrimoine, du Sport, du Tourisme et de la Culture. Ce dernier est chargé d’administrer différentes législations, dont pas moins de 18 lois célébrant le jour ou le mois du patrimoine d’une communauté culturelle donnée. Par contre, aucune des 18 lois ne commémore le patrimoine franco-ontarien, bien que la communauté, sous l’égide du Réseau du patrimoine franco-ontarien (RPFO), célèbre chaque février depuis 2008 le Mois du patrimoine en Ontario français.

Par ailleurs, le gouvernement fédéral octroie aussi des désignations patrimoniales. Cependant, bien que prestigieuses, ces désignations fédérales sont surtout symboliques car c’est la législation provinciale qui a force de loi.

Archives provinciales et Fiducie du patrimoine ontarien

Outre la Loi sur le patrimoine de l’Ontario, les Archives publiques de l’Ontario acquièrent et préservent des documents liés à l’histoire de la province. Les Archives « détiennent des collections considérables qui contribuent à éclairer l’histoire de la présence française dans la province » selon la présentation sur leur site web.

Y sont préservées plusieurs sujets liés à l’histoire franco-ontarienne comme par exemple des documents liés aux pionniers francophones, au Règlement 17, aux Sœurs Dionne ou encore la correspondance et activités politiques de l’office/ministère des Affaires francophones. Les documents des Archives publiques de l’Ontario se situent dans la capitale provinciale, à Toronto.

La Fiducie du patrimoine ontarien est un organisme à but non lucratif, relevant du ministère de la Culture de l’Ontario ayant pour mission d’identifier, de protéger, de préserver et de promouvoir le patrimoine en Ontario.

Parmi ses nombreuses activités, elle dévoile d’imposantes plaques commémoratives de couleur bleue et or. Elle gère en outre un parc immobilier de propriétés désignées patrimoniales, parmi lesquelles la maison Baby, à Windsor. Plusieurs plaques de la Fiducie commémorent partout en province des moments, personnages, lieux ou événements de l’histoire franco-ontarienne et plusieurs ont été dévoilées au courant des dernières années : l’un sur le drapeau franco-ontarien, un autre sur le quotidien Le Droit ou encore sur les Flying Frenchmen.

Les parcs provinciaux

Les parcs provinciaux préservent le patrimoine naturel de l’Ontario et le rendent accessible de façon récréative. Certains d’entre eux portent des noms francophones ou des noms liés à l’histoire franco-ontarienne, tels que Samuel-de-Champlain, Rivières-des-Français, La-Vérendrye, Voyageur ou René-Brunelle.

En résumé, l’Ontario n’accorde pas une attention particulière ou spéciale à la préservation du patrimoine franco-ontarien. Il n’existe pas un « réflexe franco » systématique (pour reprendre l’ancienne expression de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario) pour la protection du patrimoine francophone en Ontario.

Par contre, l’Ontario a investi ponctuellement 5,9 millions de dollars au soutien de célébrations culturelles commémorant le 400e anniversaire de la présence francophone en Ontario en 2015, par l’entremise de nombreuses festivités (dont une première : le dévoilement d’une plaque de la Fiducie du patrimoine ontarien à Honfleur, en France).

De fait, les francophones trouvent davantage de protections provinciales faites sur mesure pour leurs droits linguistiques que pour la protection de leur patrimoine. Effectivement, en Ontario le patrimoine franco-ontarien ne jouit pas de traitement de faveur ou de statut particulier. Il se fond aux yeux de la province comme au sein d’un seul et même patrimoine… ontarien, tout simplement.

Ce manque de reconnaissance explicite a pour effet que pour en assurer sa protection, la communauté franco-ontarienne doit naviguer parmi les lois et organismes gouvernementaux existants et tirer son épingle du jeu.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leurs auteur(e)s et ne sauraient refléter la position d’ONFR+ et du Groupe Média TFO.