Le tribunal se penche sur l’avenir du projet de cimenterie à L’Orignal

Une affiche s'opposant au changement de zonage nécessaire pour la construction d'une cimenterie à L'Orignal. Gracieuseté: Action Champlain

L’ORIGNAL – Depuis une semaine, le Tribunal d’appel de la planification locale (TAAL) entend les différentes parties sur le projet de cimenterie de Colacem Canada, dans l’Est ontarien. Les citoyens du regroupement Action Champlain espèrent encore pouvoir empêcher sa construction.

« Ça fait presque dix ans que nous avons entamé ce combat. On ne se décourage pas et avons la chance d’être dans une communauté tissée serrée qui nous a permis de récolter plus de 1 000 signatures à notre pétition et de lever plus de 400 000 $ pour aider à financer la cause devant les tribunaux », lance Michael Santella, un des fondateurs d’Action Champlain.

Depuis 2011, cette organisation sans but lucratif rassemble des citoyens opposés au projet de cimenterie de l’entreprise Colacem Canada, dans le canton de Champlain.

La cause est entendue depuis le 9 novembre par le TAAL – l’ancienne Commission des affaires municipales de l’Ontario (CAMO) – qui doit s’y pencher jusqu’à la mi-décembre.

La cause… ou plutôt les causes, puisque d’un côté, Action Champlain conteste la décision des Comtés unis de Prescott et Russell (CUPR), en 2017, d’autoriser un changement de zonage pour permettre la construction du projet, alors que de l’autre côté, Colacem Canada s’oppose pour sa part au refus du Canton de Champlain de faire passer la zone de rural à industriel lourd.

Un projet de 225 millions de dollars

Colacem Canada souhaite construire sa cimenterie en bordure Nord de la route 17, à environ 4,5 km à l’Ouest du village de L’Orignal, à côté de la carrière qu’elle possède déjà.

Le projet est évalué à 225 millions de dollars et devrait permettre une production annuelle de 1,16 million de tonnes de ciment, selon l’entreprise, qui promet la création de 200 emplois sur deux ans pour la construction de la cimenterie et 125 emplois directs pour son exploitation.

Le plan de la cimenterie de L’Orignal. Source : Site internet Colacem Canada

« La majorité des emplois seront pour la construction et en réalité, on parle plutôt de cinq à sept emplois réellement créés à long terme », tempère toutefois le maire du Canton de Champlain, Normand Riopel. « Et puis, c’est bien beau l’argent, mais on doit aussi prendre en considération la santé et la sécurité de nos résidents. 225 millions, ça ne veut plus rien dire si on met durablement la santé de notre population à risque! » 

Installé à moins de deux kilomètres de la carrière actuelle, M. Santella témoigne.

« La carrière est déjà problématique. Dès qu’il y a du dynamitage, nos murs tremblent, sans compter la poussière que cela génère. Si le projet de cimenterie se concrétise, ça va quintupler l’activité! Sans oublier la circulation que ça va générer et la pollution des sols agricoles autour. On sait aussi, aujourd’hui, à quel point les particules fines sont dangereuses pour la santé. On pense que de tels projets ne devraient jamais être installés aussi proche de milieux habités. »

Un projet approuvé par la province

Ces critiques, Colacem Canada continue de les balayer de la main, expliquant, sur son site internet, que son projet se conforme aux règles du ministère ontarien de l’Environnement, de la Protection de la nature et des Parcs.

Un argument qui a convaincu le gouvernement régional, en 2017, dont le président des CUPR actuel et maire du Canton de Russell, Pierre Leroux.

« J’ai appuyé cette décision, à l’époque, en regardant les faits et la planification. Ça respectait les critères d’urbanisme, même si je comprends que certains s’opposent au projet. On verra ce que le tribunal décidera. »

À l’époque, cinq maires sur huit avaient, comme lui, suivi la recommandation favorable du Département d’Urbanisme et de Foresterie des CUPR. Les maires de Hawkesbury-Est, de Hawkesbury et du Canton de Champlain s’y étaient opposés, pour leur part.  

Une affiche s’opposant au projet de cimenterie à L’Orignal, devant l’hôtel de ville du Canton de Champlain. Gracieuseté : Action Champlain

« Le problème, c’est que les réglementations actuelles datent de 10, 15 ou 20 ans! », critique toutefois M. Santella. « Les élus des municipalités qui sont plus éloignées ont juste vu les possibles retombées en matière de taxes, mais ce ne sont pas eux qui vont subir cette décision. »

Représenté par le cabinet CazaSaikaley et entouré de plusieurs experts en planification rurale, qualité de l’air et ambiance sonore, Action Champlain espère obtenir gain de cause auprès du TAAL. Mais le maire du Canton de Champlain se montre plus prudent.

« La décision sera prise par des personnes dont le quotidien ne sera pas affecté. Pourquoi ce genre de décisions ne peuvent-elles pas être prises localement? »

Au moment de publier cet article, Colacem Canada n’avait pas répondu à notre demande d’entrevue.