Une quinzaine d'artistes franco-sudburois ont participé à l'élaboration de l'Encyclopédie de l'échec. La pièce sera présentée au TNO du 14 au 16 novembre. Gracieuseté du TNO

Marie-Pierre Proulx est la directrice artistique du Théâtre du Nouvel-Ontario (TNO), à Sudbury.

Le TNO propose une production maison communautaire et une production maison professionnelle par année, en plus d’accueillir des spectacles externes. La production professionnelle de cette année s’intitule L’Encyclopédie de l’échec et sera présentée du 14 au 16 novembre.

L’encyclopédie de l’échec profite d’une équipe 100% sudburoise, témoignant de la vivacité de la communauté artistique francophone. Une quinzaine d’artistes se sont réunis pour discuter du thème des petits et des grands échecs.

« Qu’est-ce que c’est, le Collectif Vivarium?

C’est un regroupement d’artistes établis à Sudbury qui œuvrent notamment en théâtre.  Il y a des auteurs, des comédiens, des gens en conception sonore, etc. Le collectif est né lors d’un rassemblement pour la Journée mondiale du théâtre, en 2023.

Il y avait une envie de se doter de moyens pour se professionnaliser, pour faire en sorte que ce soit possible de rester dans le Nord et de travailler en français. Donc moi, j’ai répondu à cet appel et leur ai proposé de monter un projet en collectif au TNO.

Qu’aviez-vous à dire sur l’échec?

C’est une thématique assez rassembleuse, même si elle peut sembler sombre. On a tous une rencontre, à un moment ou à un autre, avec le sentiment d’échec. En même temps, c’est très subjectif. Ça veut dire quelque chose de différent pour chacun.

La première rencontre du collectif est arrivée peu de temps après la situation à l’Université Laurentienne, avec la disparition de plusieurs programmes en arts, en théâtre, etc. C’était aussi la post-pandémie dans le milieu culturel : la difficulté à rejoindre un public, la précarité financière ambiante… il y avait donc, à une échelle plus sociétale, le sentiment qu’il y a des choses qui s’écroulent autour de nous, des systèmes qui échouent ou ne répondent pas aux attentes.

Chloé Thériault, Caroline Raynaud et France Huot en point média pour L’Encyclopédie de l’échec. Gracieuseté du TNO.

Sur un autre plan, il y a évidemment ces petits échecs personnels que l’on vit tous les jours. On avait envie de faire quelque chose autour de ça, mais qui ne se prenait pas au sérieux. Parfois, il faut échouer avant de réussir. Parfois, il faut embrasser les échecs et en tirer des leçons. C’était un point de départ pour entreprendre la création et laisser place à différentes formes, à différentes voix.

Vous êtes des artistes et vous jouez des artistes. À quel point les personnages sont-ils proches de la réalité?

C’est très métathéâtral, en effet. Une des lignes du projet est les échecs que les personnages vont vivre dans leur propre processus de création. C’est sûr que ces embûches font écho à ce que plusieurs artistes du groupe ont pu vivre, à une échelle ou à une autre. Cela dit, c’est vraiment de la fiction.

Quel est l’impact d’une collaboration comme celle-là sur le milieu artistique francophone de Sudbury?

J’espère que ça va contribuer à cette effervescence que je sentais déjà. J’ai l’impression que c’est une autre étape. C’est la première fois en plusieurs années que notre production professionnelle est composée à 100% d’artistes locaux. On a aussi fait des choix de production, comme embrasser l’idée d’un théâtre pauvre au niveau de la conception, pour que l’argent qu’on a retourne vers les artistes.

J’ai hâte de voir, mais je pense que ça peut mener à d’autres collaborations. On a déjà, à même le processus, reçu quelques formations d’artistes qui étaient de passage à Sudbury. Par exemple, Anaïs Pellin, du spectacle jeunesse Clémentine, est venue nous donner de la formation en théâtre d’objets, pour certaines scènes du spectacle.

Pendant la pandémie, Marie-Pierre Proulx avait participé au documentaire Stuck, de Joanne Belluco. Elle indique que les effets de cette période se font encore sentir sur le milieu culturel. Photo : Archives ONFR/Stuck

C’est une poursuite d’un processus de professionnalisation à même la création. Je pense que ce sera fort positif, tout ça, pour le dynamisme et la vitalité du milieu.

Vous dites que ‘le niaiseux rencontre le sensible’. De quelle façon?

Il y a beaucoup d’autodérision dans le spectacle. Il y a des moments où les clins d’œil à l’échec sont dans le banal, dans les petites choses un peu ridicules. En même temps, on avait envie de faire voyager les spectateurs dans toute une gamme d’émotions et de se permettre d’aller dans des choses plus poétiques par moments. Il y a un tableau où l’on parle de quand le corps ne suit plus, que notre corporalité nous abandonne.

C’est un très beau numéro écrit par Isaac Adams. Tout de suite après, on casse ça et on retourne dans l’humour.

Combien de tableaux composent L’Encyclopédie de l’échec?

C’est un spectacle très éclaté. En tout, il y a 30 tableaux, sur 80 à 90 minutes. Il y a de très courtes scènes qui viennent ponctuer l’action et d’autres un peu plus longues. La façon dont le spectacle se construit, c’est que nos personnages fictifs ont chacun eu le mandat d’imaginer un tableau. Mais à travers cela, il y a de petits décrochages, des moments où chaque personnage vient faire une confidence au public, sur son propre rapport à un échec qu’il a vécu. On n’a pas le temps de s’ennuyer!

Comment se passe la saison du TNO en général?

Ça se passe bien. Je ne mentirai pas : on est encore en redéveloppement de notre public depuis la pandémie. Les salles sont moins pleines qu’avant. On travaille vraiment fort du côté de la médiation culturelle.

L’Encyclopédie de l’échec s’inscrit là-dedans. Les gens aiment se divertir et voir des visages qu’ils connaissent sur scène. C’est ce qu’on avait envie de leur offrir. Le principal défi, c’est de réintéresser une population plus vaste au théâtre de création. Mais au-delà de ça, on a eu de très beaux spectacles depuis le début de la saison. On est très heureux. »