L’école élémentaire de Parry Sound gagne son bras de fer judiciaire
TIMMINS – La Cour supérieure de justice de l’Ontario a accordé à l’école francophone le droit de faire sa première rentrée scolaire au sein du campus du Collège Canadore. Ce verdict invalide une récente décision du conseil municipal et donne raison au Conseil scolaire du Nord-Est de l’Ontario (CSPNE).
Soulagement des parents puisque l’ouverture de l’école élémentaire francophone de Parry Sound se fera bien. Dans six jours, une trentaine d’élèves de la maternelle à la 8e année investiront leur nouvel environnement de travail, au sein du campus du Collège Canadore.
« Le plus important pour nous était d’ouvrir à la rentrée », a confié Simon Fecteau, directeur de l’éducation du CSPNE. « On est très content mais aussi un peu déçu d’avoir eu à mettre tant d’énergie là, au lieu de la mettre dans les cours. Une bataille comme ça, en 2019, c’est dommage. »
Le conseil scolaire avait déposé une demande d’injonction devant la juridiction de Timmins à la suite d’un vote unanime du conseil municipal de Parry Sound, intervenu le 13 août dernier, contre le changement de zonage du site, classé rural.
Un verdict favorable à l’Article 23
Forte d’une entente de partage de locaux avec le Collège Canadore et de l’avis favorable au changement de zonage des fonctionnaires de la ville, la communauté scolaire avait débuté l’aménagement des salles de classe sans toutefois attendre la décision du conseil municipal, afin d’être prête pour la rentrée.
Le Collège Canadore dispense des enseignements post-secondaires depuis une dizaine d’années déjà, malgré le zonage inapproprié, ce qui a poussé le conseil scolaire à contester la décision du conseil municipal en demandant une injonction au tribunal de Timmins.
En audience, l’avocat a par ailleurs fait valoir l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés qui garantit aux parents francophones le droit de faire instruire leurs enfants dans leur langue maternelle.
« On a souligné la situation d’urgence et le préjudice irréparable que constituait un refus d’accès à des jeunes ayant droit à une éducation dans leur langue », rapporte M. Fecteau.
La partie adverse a opposé plusieurs arguments, notamment « l’arrogance du conseil scolaire d’avoir emménagé ses ordinateurs avant l’approbation de la ville » et son « attitude menaçante dans une lettre adressée au maire, soulignant les droits sous l’article 23 de la Charte », peut-on lire dans le jugement rendu par la Cour supérieure de l’Ontario, ce mercredi.
Un autre combat commence : le zonage
L’injonction reste valide jusqu’à ce que la question de fond, le zonage, soit réglée. Le Collège Canadore a fait appel de la décision du conseil municipal qui, par vote, s’était opposé au changement de zonage. Une décision devrait être rendue d’ici l’automne.
« On ne pouvait pas passer par un tel processus, car nous avions une urgence : ouvrir à la rentrée », plaide M. Fecteau. « On est installé pour, au moins, débuter. Si le conseil donne raison au Collège, nous pourrions rester. Sinon, d’autres possibilités sont encore sur la table que le conseil scolaire va approfondir. On va continuer nos efforts avec les administrateurs de la ville pour voir quelles autres options sont satisfaisantes. »
Le directeur de l’éducation dit toujours étudier un emplacement alternatif, proche d’un centre commercial, mais qui lui aussi reste problématique en terme de zonage.
« La décision du conseil de ne pas approuver la demande de re-zonage de Canadore était une décision « spécifique à un site », veut clarifier la ville de Parry Sound, et ne devrait pas être interprétée comme le rejet d’une école de langue française. La ville a reçu la décision écrite des juges mercredi soir. Elle est en français et nécessite une traduction. L’avocat de la ville l’examinera et conseillera le conseil. »
Une rentrée sous surveillance
Cette rentrée scolaire reste un défi pour la directrice Joanne Héroux Farrow et l’équipe éducative. Au total, une dizaine d’employés vont, dès mardi, encadrer les élèves, dont trois enseignants titulaires et un itinérant.
« On est prêt à assumer notre rôle », dit Simon Fecteau. « On va faire un bon travail. On a la chance d’avoir Mme Héroux Farrow. Elle a suivi le dossier de près et a déjà ouvert une école à partir de rien. C’est une bonne addition à l’équipe. »
Le directeur d’éducation reste sur ses gardes quant à d’éventuels perturbateurs locaux. « Cela ne me surprendrait pas de voir des gens montrer leur mécontentement le jour de la rentrée. On s’est assuré que des administrateurs du Collège Canadore soient sur le terrain. Je serai moi-aussi sur place. »
Selon plusieurs intervenants, une partie de la population aurait tenté d’influencer la décision municipale en défaveur du changement de zonage. Née sur les réseaux sociaux, cette résistance est très difficile à comprendre pour les parents. La cohabitation entre élèves de niveau élémentaire et collégial existe ailleurs dans la province, sans causer de difficulté majeure.
« Une école, ce n’est pas s’enfermer entre quatre murs », martèle M. Fecteau. « Il y a des bénéfices à travailler avec une structure post-secondaire qui, en plus, a des locaux non-utilisés. Je ne comprends pas cette vague « anti ». On n’est pas des délinquants. Ces gens vont voir que ce n’est pas sorcier. On ne vole pas d’espace. On est là pour ajouter, non pour détruire. »
Pour sa part, le Collège Canadore a tenu à apaiser les deux bords : « La décision de justice autorisant le CSPNE à fonctionner sur notre campus n’affectera pas les programmes pour l’année universitaire 2019-2020 », a indiqué à ONFR+ le service de communication.
« Nous attendons avec impatience le début du semestre et d’accueillir tous les étudiants. Notre mandat est de fournir un accès à l’éducation. Nous travaillons fort pour créer des environnements multigénérationnels sur tous nos campus, y compris celui de Parry Sound. »