Léonie Tchatat, la femme de tous les projets

La directrice de la Passerelle-I.D.É., Léonie Tchatat. Archives ONFR+

[LA RENCONTRE D’ONFR]

TORONTO – Léonie Tchatat est de tous les projets de l’Ontario français. Fondatrice de la Passerelle-I.D.É., un organisme voué à faire la promotion des talents francophones et favoriser l’intégration des nouveaux arrivants, Mme Tchatat est elle-même arrivée au Canada au milieu des années 90. #ONfr est allé à sa rencontre pour parler de la réalité des immigrants.

JEAN-FRANÇOIS MORISSETTE
jmorissette@tfo.org | @JFMorissette72

« Qu’est-ce qui a motivé votre implication dans la communauté francophone?

La communauté francophone me tient beaucoup à coeur. Personnellement, je crois que nous sommes une communauté vitale pour le développement du Canada et les francophones apportent énormément de contribution à la société. Aujourd’hui, les nouveaux arrivants francophones enrichissent la société et il faut pouvoir en tirer profit.

Votre implication dans plusieurs projets est liée à votre histoire personnelle. Quel était le climat à votre arrivée au Canada?

Je suis arrivée au Canada comme étudiante à la demande de mes parents dans les années 90. À ce moment-là, il faut se souvenir que la communauté francophone était encore en pleine expansion et il y avait plusieurs revendications pour des hôpitaux et des écoles en français. En même temps, il y a eu cette vague d’immigration francophone et on sentait qu’il y avait une incompréhension de ce nouveau phénomène. Le climat était particulier et ça a motivé à vouloir aider les autres.

C’est aussi ce qui vous a poussé à créer la Passerelle-I.D.É.?

Oui, la création de la Passerelle passe par ma propre histoire et les défis que j’ai rencontrés quand je suis arrivée au Canada. Je voulais pouvoir développer des trucs pour aider les nouveaux arrivants axés sur des vrais problèmes auquels j’ai dû faire face. L’immigration, ce n’est pas juste une question théorique, les nouveaux arrivants ont des besoins réels.

Est-ce que vous croyez que la réalité des immigrants est différente maintenant?

Ça a beaucoup évolué. Au fil des années, les politiques publiques en immigration ont tenté de s’adapter aux réalités, mais les défis seront toujours là. Aujourd’hui, il y a beaucoup de diplômés qui viennent s’établir au Canada, mais ils font face aux mêmes défis d’intégration que les autres types de nouveaux arrivants. Les statistiques prouvent que même lorsque l’on a des diplômes universitaires, si l’on est un immigrant francophone noir, le marché du travail est difficilement accessible.

Le gouvernement en fait-il assez?

Le gouvernement ne pourra jamais en faire assez. Oui, il y a des politiques qui sont en place, oui, la société civile donne un coup de main, mais il faut que collectivement tout le monde participe. Les employeurs doivent engager ces nouveaux arrivants. Les communautés d’accueil doivent pouvoir déjà oeuvrer pour intégrer les arrivants à leur sortie de l’avion.

 

Léonie Tchatat et la délégation franco-ontarienne à la Conférence des femmes de la Francophonie, en Roumanie Crédit image : courtoisie

Comment est-ce que le visage de l’immigration a évolué au fil des années?

Nous avons différents profils d’immigrants et les réalités sont différentes pour chacun. Le service offert doit être adapté à cela. Le gouvernement ne peut pas offrir un service similaire à tous, mais il n’est pas le seul à pouvoir oeuvrer pour aider les nouveaux venus. Les organismes communautaires, comme le nôtre, doivent avoir la chance d’innover pour palier aux services manquants.

En mars dernier, vous avez été nommé à la Commission ontarienne des droits de la personne. En quoi cette implication était importante pour vous?

D’abord, je suis fascinée par l’équité et la justice sociale. Il ne faut pas oublier que selon la Charte canadienne des droits de la personne, nous sommes tous égaux. Mais, en réalité, ce n’est pas le cas. Il y a beaucoup de communautés qui sont encore marginalisées. Le simple fait de savoir que par la couleur de sa peau, on peut être perçu négativement me révolte. C’est ce qui m’a poussé à m’impliquer et je veux pouvoir faire une différence.

Le gouvernement ontarien s’est doté récemment d’une Stratégie de lutte contre le racisme envers les Noirs de l’Ontario. Qu’en pensez-vous?

Elle est magnifique, mais il y a des bémols. Le gouvernement peut créer des politiques, mais s’il n’y a pas d’engagements des employeurs et des autres acteurs de la société, ça ne pourra qu’avoir un impact limité. Il faut trouver d’autres mécanismes pour éradiquer les barrières auxquelles font face les communautés marginalisées. Ce n’est pas normal que l’on vive dans un pays avec autant de ressources, mais que beaucoup de personnes vivent au seuil de la pauvreté.

Est-ce que la politique va assez loin?

Oui, parce que les intentions sont louables et le gouvernement a donné des fonds pour venir en aide. Toutefois, ça ne doit pas se limiter à ça. Il faut que ça soit une action complémentaire entre le gouvernement et la société civile.

Vous avez également été impliquée au sein du comité de mise en oeuvre de l’Université de l’Ontario français. Avec le projet de loi adopté en décembre, est-ce que cette fois-ci, nous pouvons dire que ça sera la bonne?

Oui! Depuis les derniers dix ans, la communauté francophone a fait des demandes répétées au gouvernement et là, nous avons un projet de loi. Ce n’est pas rien. C’est un moment capital pour l’Ontario français. Nous avons un projet rassembleur sur la table qui va faire vibrer la communauté partout. »

 


LES DATES-CLÉS DE LÉONIE TCHATAT :

1974 : Naissance au Cameroun.

1993 : Fondation de la Passerelle-I.D.É.

2011 : Met sur pied l’organisme Charité Léo

2016 : Devient membre du comité de mise en oeuvre du projet d’université franco-ontarienne, présidé par Dyane Adam

2017 : Nommée sur la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP)