Les défis demeurent pour l’université franco-ontarienne
TORONTO – Il y a un an jour pour jour, le 10 février 2015, le Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO), l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), et la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO) demandaient formellement à la province la création d’une université « par et pour les francophones » d’ici 2018 dans la région de Toronto. Douze mois après, c’est toujours le statu quo pour les trois organisations qui appellent du coup à une « journée d’action » devant Queen’s Park. Retour sur les cinq enjeux majeurs auxquels le projet doit faire face.
FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufaultSÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz
Obtenir le financement de la province
Voilà sans doute l’argument principal du gouvernement libéral de Kathleen Wynne pour ne pas donner un appui clair au projet, même si aucun chiffre n’a encore été avancé. Depuis 2013, le gouvernement justifie son engagement à la cause francophone par la création de programmes en français dans le centre et le sud-ouest de l’Ontario à hauteur de 16,5 millions$ pour une durée de trois ans. Dans le même temps, les deux autres partis d’opposition à Queen’s Park soutiennent l’édification d’une université franco-ontarienne. La députée néo-démocrate France Gélinas a déposé un projet de loi privé à cette fin. Reste que le Nouveau Parti démocratique, déjà favorable à l’idée lors de son arrivée au pouvoir en 1990, était peu après revenu sur son engagement… pour des raisons budgétaires.
Mise sur pied d’un « conseil des gouverneurs »
Les militants pour une université franco-ontarienne ont fait de ce « conseil des gouverneurs transitoire » la pierre angulaire de leur projet. Ce groupe serait formé d’experts, d’étudiants et de leaders de la francophonie ontarienne et aurait pour mission d’« assurer le démarrage » de l’établissement. S’il voit le jour, ce conseil transitoire devra avoir les coudées franches pour esquisser le meilleur plan possible tout en résistant aux pressions du gouvernement et des différentes communautés et organisations francophones qui, inévitablement, essayeront de tirer la couverture chacune de leur côté. Tout dépendra de qui tirera les ficelles. Le défi, pour le RÉFO et ses partenaires, sera de ne pas sabrer trop vite la champagne.
Le choix de Toronto comme site
C’est d’emblée dans le centre et le sud-ouest de l’Ontario que les besoins en matière de programmes d’études postsecondaires sont les plus grands. C’est aussi dans cette région que la francophonie risque de connaître sa plus grande croissance à l’échelle de la province au cours des prochaines années. Pariant sur ces deux faits, le RÉFO, l’AFO et la FESFO s’étaient entendus sur le choix de Toronto de comme site de l’université franco-ontarienne. Mais est-ce le meilleur choix? Dans une « ville chère » et éloignée des principaux foyers de la francophonie ontarienne, et aussi du Québec d’où proviennent bon nombre d’étudiants francophones, un premier campus à Toronto ne règlerait pas forcément le problème de l’exode qui motive un grand nombre de jeunes francophones du nord comme du sud à poursuivre des études postsecondaires en anglais plus près de chez eux.
Relation avec les autres établissements
Si l’université franco-ontarienne voit le jour, elle devra « collaborer » avec les autres établissements offrant des programmes en français, notamment l’Université d’Ottawa et l’Université Laurentienne, ne serait-ce que pour éviter les dédoublements. La cohabitation pourrait être difficile. Pas certain que les universités dites bilingues soient prêtes à partager des ressources, voire abandonner certains de leurs programmes en français au profit d’une nouvelle-venue. Le recteur Allan Rock, à Ottawa, a d’ores et déjà fait savoir que son établissement demeurait le seul à pouvoir desservir les intérêts des étudiants franco-ontariens. Du côté de l’Université de Hearst, le recteur Pierre Ouellette continue d’affirmer jour après jour que son institution représente déjà l’université franco-ontarienne.
Recrutement d’étudiants et diplomation
Une université francophone en Ontario sera-t-elle en mesure de recruter des étudiants de langue française dans la province, alors que 85% d’entre eux se dirigent naturellement vers l’Université d’Ottawa, 12% vers l’Université Laurentienne et 3% vers le collège Glendon de l’Université York? Voilà un potentiel d’étudiants a priori difficile à « faire bouger ». Surtout si le diplôme n’a pas d’emblée une valeur équivalente. La nouvelle université pourrait s’appuyer dès ses débuts sur les étudiants francophones internationaux. Une tactique qui ne serait pas sans défi. Il faudrait faire connaitre l’établissement au-delà de la province, et lui donner rapidement un prestige. Si un établissement réputé comme le collège La Cité a du mal à remplir les classes de ses nouveaux programmes à Toronto, une nouvelle université en sera-t-elle capable?