Les Franco-Manitobains se rassemblent au Festival du voyageur

WINNIPEG – Le Festival du voyageur s’est ouvert vendredi au Parc Whittier de Winnipeg. Avant le coup d’envoi de cette 56e édition, ONFR s’est entretenu avec sa directrice générale, Breanne Lavallée-Heckert.
Tuques, manteaux et cinq tentes chauffées pour accueillir les nombreux spectacles qui se tiendront jusqu’au 23 février, les Franco-Manitobains sont bien équipés pour célébrer l’hiver, malgré un avertissement de froid extrême qui pèse sur le sud du Manitoba. Et ils ne sont pas seuls : chaque année, environ 75 000 festivaliers prennent part au plus grand festival francophone de l’Ouest canadien.
« Si les gens ne sortent pas de l’hiver, c’est vraiment difficile pour la santé mentale, argumente Breanne Lavallée-Heckert. C’est important d’être dans le froid parce que c’est notre environnement et on veut célébrer notre environnement. Même si c’est difficile, il y a toujours des façons de trouver la joie. »

Tout le site est conçu en pensant à la neige et aux activités d’hiver, de la glissade sur tube aux sculptures érigées un peu partout. « Il y a beaucoup de festivals d’hiver qui utilisent de la neige artificielle, de nos jours. Donc pour nous, c’est toujours un point de fierté d’avoir des sculptures faites avec de la vraie neige. », explique l’organisatrice.
La tradition manitobaine n’est tout de même pas à l’abri des changements climatiques. En 2024, par exemple, le manque de neige a drastiquement réduit le nombre de sculptures, et de la neige artificielle a exceptionnellement été utilisée.

Les artistes ont alors utilisé d’autres matériaux, comme le bois ou la paille. L’initiative a été bien accueillie et a même inspiré une sculpture de cette année qui mêle neige, glace et bois.
« On a trouvé des façons de monter ces sculptures et donné des occasions aux artistes de démontrer leur créativité et la résilience », raconte la directrice générale.
Les particularités du Festival du voyageur
Pendant une dizaine de jours, le traditionnel côtoie le contemporain au Parc du Voyageur et à travers Saint-Boniface, le quartier historiquement francophone aujourd’hui intégré à Winnipeg.
On y trouve notamment des concours de gigue, de violon et de soupe aux pois.
Le festival tient son nom des voyageurs qui passaient dans la région autour de 1815. Le Fort Gibraltar, également situé au parc Whittier et géré par le Festival du voyageur, propose des reconstitutions d’époque. Un nouveau tour autoguidé a été ajouté cette année.

Trois kilomètres plus loin, l’hôtel Marion est l’hôte des Jeux voyageurs. Cette compétition s’inspire des jeux qui divertissaient les coureurs des bois, comme la jambette (lutte avec les jambes) ou le sciage de pitoune de bois.
Sur le site officiel, l’offre est variée, de la musique traditionnelle québécoise de Nicolas Pellerin et les grands hurleurs aux Bannock babes, un collectif de drag queens bispirituelles, en passant par les artistes de l’Ouest les plus en vogue comme Beau Nectar et Ponteix et les Franco-Manitobains en émergence ou établis, comme Kelly Bado ou Andrina Turenne. « C’est très intéressant de voir comment la culture francophone évolue, et le festival est vraiment une place pour ça », explique Breanne Lavallée-Heckert.
Le Festival du voyageur construit sa programmation de façon à donner aux artistes plus d’une occasion d’être sur scène. Un même artiste peut par exemple donner un spectacle solo et un autre en groupe, ou être la tête d’affiche un soir et se retrouver à une heure différente le lendemain.

Cette formule permet aux artistes de mieux rentabiliser leur déplacement à Winnipeg. Le public jouit aussi d’une plus grande liberté d’horaire. Les festivaliers changent chaque jour et cette façon de faire permet d’offrir « de la musique francophone de façon constante pendant toute la durée de la fête », raconte la directrice générale.
Un camp de tipis est aussi établi en collaboration avec les communautés autochtones, qui prennent une place importante au festival, comme l’explique celle qui est elle-même Métisse. : « L’histoire qu’on partage (les francophones) avec les Premières Nations et les Métis est incontournable. Donc, d’avoir un endroit dédié aux histoires et aux personnalités autochtones, c’est aussi important pour nous. »
Le 17 février, les activités seront articulées autour de la Journée Louis Riel, jour férié au Manitoba.
Un point de rassemblement
Même en s’affichant comme un festival francophone, le Festival du voyageur attire aussi de nombreux participants anglophones, parfois même venus des États-Unis.
« Ils veulent découvrir la francophonie et être entourés de cette culture-là (…) c’est une fierté pour nous d’être capable d’attirer de nombreux anglophones pour célébrer notre culture francophone », poursuit Breanne Lavallée-Heckert.
L’événement a débuté en 1970, une époque à laquelle « il y avait plein de défis en termes de droits linguistiques. Le festival a toujours été un point de rassemblement des francophones pour avoir (…) de la joie de vivre et non pas juste des défis. »

Parlant de défis, après des années plus difficiles financièrement, le Festival du voyageur « remonte la pente ». L’organisme a entre autres obtenu son statut d’organisme de bienfaisance il y a deux ans, ce qui permet d’aller chercher de nouvelles sources de financement.
La directrice générale aimerait faire connaître l’événement à plus de francophones de l’extérieur de la province, afin de leur faire découvrir la francophonie manitobaine. « C’est vibrant, c’est dynamique. C’est en train de s’agrandir. Il y a plein de personnes qui viennent ici, on a tellement de nouveaux arrivants qui parlent français et qui font partie de la communauté francophone maintenant, témoigne-t-elle. La francophonie, ce n’est pas juste un groupe. C’est plusieurs groupes et nous sommes tous ensemble ici pour célébrer. »
L’équipe d’ONFR sera à Winnipeg dans les prochains jours afin de rencontrer la communauté francophone et de visiter le Festival du voyageur, que plusieurs décrivent comme le deuxième Noël des Franco-Manitobains.