Les Franco-Ontariens se joignent à l’effort de guerre pour soutenir les Ukrainiens forcés à l’exil
Suite à l’annonce du gouvernement en faveur de l’accueil des Ukrainiens au Canada, les francophones de l’Ontario ont offert leur logis au premier jour du conflit. Plus d’un mois après le début de la guerre, la communauté s’est organisée en plusieurs groupes de soutien et en familles d’accueil. ONFR+ est parti à la rencontre de cinq familles décidées à faire changer les choses.
Beaucoup offrent un appartement ou une chambre. D’autres organisent des collectes de vêtements, des levées de fonds ou appels au don via des plateformes de financement participatif.
Marie Dupuis, une enseignante dans une école francophone d’Orléans, fait partie de ces familles. « Comment ne pas réagir! », nous dit-elle. « Il y a quelques semaines, j’étais tranquillement à un concert de musique à Gatineau, puis le musicien dédia une chanson au peuple ukrainien et moi, j’étais-là, et j’écoutais ça. »
C’est ainsi qu’elle a intégré plusieurs communautés Facebook jusqu’à devenir l’une des modératrices du groupe Ukrainian Settlement Helpers Ottawa, au côté de Morgan, elle aussi Franco-Ontarienne. « On s’organise comme on peut et chacun offre son soutien malgré le manque de coordination gouvernementale », explique Morgan.
C’est l’avis que partagent Suzanne Charest et Norm Looker. Ce couple de retraités franco-ontariens va accueillir Medhat, Liudmyla et leur fils de 9 ans Shady. « Ils habitaient Kyiv et ont dû fuir, car les bombardements menaçaient leur maison », confie Suzanne. « Ils ont pris un train pour traverser la frontière en Pologne, puis un bus jusqu’aux Pays-Bas. Ils ont traversé toute l’Europe. On ne s’imagine pas l’expérience difficile que cela a pu être ».
Hébergement, collecte de dons, enseignement de la langue…
Lynne Fleury et son mari Simon Stafford s’en doutent. « C’est dur pour nous de voir les images de l’Ukraine, mais imaginez eux, ce qu’ils peuvent ressentir ». Ce couple a lui aussi décidé d’héberger une famille qui, ils l’espèrent, arrivera bientôt.
Bien qu’elles ne se connaissent pas, Suzanne et Lynne ont une expérience dans le bénévolat. Suzanne a travaillé pour la Croix rouge et, dans le passé, elle aidait les réfugiés kosovars. Lynne, bénévole au Guatemala, a aussi été en Russie pour Jeunesse Canada Monde. Là encore, l’entourage, les amis et familles participeront à travers des dons et des collectes.
Enfin, certains Franco-Ontariens proposent d’aller chercher les arrivants à l’aéroport. Une ancienne enseignante offre d’apprendre le français aux Ukrainiens, une vétérinaire propose ses services… Un soutien inestimable pour ces exilés en devenir.
Pascale, Franco-Ottavienne du côté de Blair, récolte des vêtements, de la nourriture pour bébé et des produits de première nécessité, en partenariat avec la boutique Comfort Shoes tenue par deux Ukrainiens de Nepean.
Marie nous dit qu’elle a de la chance : « Mes voisins sont Franco-Ukrainiens et d’autres parlent le russe. Je vais pouvoir trouver de l’aide dans mon quartier ». L’enseignante le clame haut et fort : « Ils sont inspirants, en défendant leur pays et je me sens prête à les écouter. Avec notre réseau, nous allons combler leurs besoins ». Elle accueillera une mère et son fils dès le 5 avril.
Toutes ces personnes savent la responsabilité et les besoins qui devront être mis à disposition des familles ukrainiennes : « Nous allons travailler avec les autres familles pour que les Ukrainiens se retrouvent entre eux ».
« Le Canada a un lien particulier avec l’Ukraine », se ravit Pascale. Les Ukrainiens représentent 3,8 % de la population canadienne, selon L’Encyclopédie canadienne, soit le onzième rang des groupes ethniques du pays.
Des mesures provinciales et gouvernementales quasi absentes
Pour Morgan, lors des vagues d’accueil de réfugiés précédents, des organismes faisaient la coordination. « Là, il ne se passe rien ». La communauté franco-ontarienne se retrouve tantôt agent d’immigration, tantôt agent de voyage, un rôle à endosser dû au manque de dispositions locales.
« Le gouvernement n’est pas organisé, on doit poser beaucoup de questions pour vérifier que ce sont des Ukrainiens », renchérit Lynne. « Récemment trois jeunes filles ukrainiennes cherchaient un hébergement. Les gens qui les ont approchées étaient douteux. Les administratrices ont donc contacté la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et, en fait, c’était des personnes liées au trafic d’humains ».
Une réalité décevante puisque qu’« il n’y a aucune information du fédéral, du provincial, ou même à l’échelle de la ville », nous fait comprendre Morgan. Elle poursuit : « L’absence de vérification des hôtes présente un risque pour les familles ukrainiennes ».
Une bureaucratie qui semble bien laborieuse, là où demeurent de nombreux obstacles. Les mesures extraordinaires décidées par le gouvernement, l’AVUCU (Autorisation de voyage d’urgence Canada-Ukraine), démontrent qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) est capable d’accélérer les processus d’immigration.
D’ailleurs, le ministre Fraser rappelait sur Twitter : « Nous travaillons avec nos partenaires provinciaux et territoriaux, la communauté ukrainienne et les organismes d’aide à l’établissement pour trouver d’autres moyens de soutenir ceux qui viennent au Canada ».
Le Canada offre aux Ukrainiens un statut qui leur permet de travailler, d’étudier et de demeurer ici jusqu’à ce qu’ils puissent retourner dans leur pays en toute sécurité. Ils verront leur demande auprès d’IRCC traitée en priorité et sans frais. Une aide dans l’urgence qui offrira peut-être un moment de répit loin de la guerre, et proche de la bienveillance des Franco-ontariens.