Les francophones des Amériques convergent en Louisiane

Lafayette
Lafayette reçoit pour la première fois l'université d'été du Centre de la francophonie des Amériques. Montage ONFR+

LAFAYETTE – Ils viennent du Canada, des États-Unis, des Caraïbes ou encore d’Amérique latine… Une cinquantaine de francophones du continent débutent ce lundi la sixième université d’été du Centre de la francophonie des Amériques pour une semaine de formation et de partage d’expériences.

Mareva Cestor fait partie du voyage. Cette Franco-Ontarienne pose ses valises au bord de la rivière Vermilion avec l’envie d’explorer une culture à laquelle elle n’est pas encore familière. « J’ai découvert la francophonie ontarienne en immigrant en 2019 et j’ai bien envie d’en savoir plus maintenant sur l’histoire de la francophonie minoritaire en Louisiane. »

Au cours des jours à venir, au sein de l’Université de Louisiane et de son Collège des sciences humaines, elle étudiera la pluralité de la francophonie ainsi que ses aspects économiques et politiques. Ce rassemblement, qui pour la première fois se déroule hors du Canada, entend jeter un regard renouvelé sur la francophonie dans les Amériques.

Mareva Cestor y va aussi par curiosité professionnelle. Directrice du Carrefour des savoirs et de l’innovation de l’Université de l’Ontario français (UOF), elle espère du même coup créer des ponts afin d’ancrer son institution dans la francophonie américaine.

Mareva Cestor, Franco-Ontarienne et directrice du Carrefour des savoirs et de l’innovation de l’UOF. Crédit image : Vanessa Diosa

« La thématique de la diversité culturelle m’intéresse particulièrement », précise-t-elle. « Entendre les parcours des uns et des autres, comprendre leur relation à la langue française et savoir qu’on vit en français ailleurs sera enrichissant. »

Websder Corneille est animé de motivations semblables. « J’y vais avant tout pour nouer des liens et en apprendre plus sur l’espace francophone américain », dit cet étudiant haïtien en linguistique et psychologie sociale, également chargé des communications de la plateforme scientifique francophone RaccourSci.

« Quand on parle de francophonie aux Amériques, on pense tout de suite au Canada et à Haïti, mais il y a aussi des tas d’endroits où elle est bien vivante et je veux connaître, fédérer ces énergies », renchérit-il.

Louisiane-Haïti, connexions créoles

Attiré par l’héritage créole qu’ont en commun sa patrie Haïti et la Louisiane, M. Corneille est curieux d’en cerner les contours dans le delta du Mississippi. « Il y a des connexions à ce niveau-là, mais il existe des variantes entre les créoles de la Louisiane, d’Haïti, de la Jamaïque, de la Martinique, etc. qui ne sont pas rapidement compréhensibles. »

Il débute cette université d’été avec un esprit d’apprentissage tout autant que de transmission : celle de sa culture d’origine. L’histoire d’Haïti, où le créole et le français sont langues officielles, est intimement liée à celle de la colonisation, autre point commun avec la Louisiane.

Websder Corneille, Haïtien et chargé des communications de la plateforme scientifique francophone RaccourSci. Gracieuseté

De son côté, Claudia Marambio arrive en Louisiane avec l’envie de cerner l’état de la francophonie des Amériques. « L’évolution de la langue, la phonétique et l’insécurité linguistique sont des aspects auxquels je m’intéresse beaucoup. J’ai hâte de partager cela avec les autres participants », confie cette enseignante de français langue étrangère à Santiago.

Une langue qui ouvre des perspectives

Première langue apprise aux 19e et 20e siècles dans son pays, le français a connu dans les années 1980 un déclin au profit de l’anglais devenu langue obligatoire. « Malgré ce phénomène, la société chilienne conserve un grand lien avec la francophonie, entretenu par un désir de l’apprendre à l’école et à l’université », dit celle qui s’occupe de la formation des futurs professeurs de français au sein de l’Université métropolitaine des sciences de l’éducation, à Santiago.

En dépit de ce déclin linguistique, le français reste « une langue recherchée et appréciée en Amérique du Sud », contextualise-t-elle. « Cette langue est perçue comme un atout qui ouvre des perspectives économiques et sociales. Elle permet aussi de découvrir le monde avec d’autres repères. Elle est aussi variée et c’est ce qui m’attire en Louisiane avec le cajun », ce français qui a connu sa propre évolution et ses propres métissages.

Claudia Marambio et Camden Martin, enseignants de français respectivement au Chili et dans le Maine (Etats-Unis). Gracieuseté

À l’autre bout du continent, Camden Martin entrevoit le même engouement pour le français dans le Maine depuis quelques années.

« Avec la mondialisation, le bilinguisme a connu un renouveau à la fois parce que c’est un atout économique et parce que parler plusieurs langues démontre une ouverture sur le monde qu’on peut mettre en pratique en côtoyant des immigrants venus de pays francophones », explique ce Franco-Américain d’Auburn.

Né d’une famille franco-américaine dans laquelle le français s’est perdu, cet enseignant a appris la langue à l’adolescence pour renouer avec la culture de ses ancêtres. Après des études au Québec, il s’est installé dans le Maine en 2018 où cette langue est devenue son quotidien.

OIF, immersion… Des idées à prendre en Louisiane

« C’était prépondérant pour moi de m’impliquer davantage dans les causes et institutions francophones locales, que ce soit la Collection franco-américaine de l’Université du Maine du Sud ou encore l’Alliance française du Maine. »

Pourquoi faire le saut en Louisiane cette semaine? « Je rêve d’aller dans ce bastion de la langue française depuis très longtemps », répond-il. « J’ai très hâte de rencontrer les intervenants, de saisir les différents aspects de la francophonie sur place et d’échanger avec les participants d’horizons divers. »

Il envie certains aspects de la Louisiane qui valorise l’immersion et possède notamment le CODOFIL (Council for the Development of French in Louisiana), agence de promotion du français dans cet État du Sud.

« On n’a pas ça dans le Maine et on aimerait que notre État reconnaisse mieux l’importance de la langue française et investisse là-dedans, d’autant qu’on est juste à côté du Québec. » Et d’imaginer le Maine devenir, un jour, comme la Louisiane, membre observateur de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF).