Les Nord-Ontariens délaissent-ils les écoles catholiques?

Un corridor d'école désert.
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Historiquement, les Franco-Ontariens ont toujours privilégié les écoles catholiques aux écoles publiques. À ce jour, on y retrouve la grande majorité des élèves. Toutefois, on constate un renversement de cette tendance dans le Nord de l’Ontario, où les écoles publiques gagnent en popularité.

Lors des dernières cinq années, le Conseil scolaire catholique de district des Grandes Rivières a perdu près de 9 % de ses effectifs. C’est plus de 500 élèves de moins dans les salles de classe de la région de Hearst à Haileybury, en passant par Timmins.

Même son de cloche du côté du Conseil scolaire catholique du Nouvel-Ontario qui s’étend du Grand Sudbury à Sault-Sainte-Marie. Depuis la rentrée de 2014, le conseil a vu ses effectifs chuter de 140 élèves, passant de 6 840 à 6 700.

Un tableau présente les changements des effectifs lors des cinq dernières années.
Le conseil scolaire publique du Nord Est de l’Ontario a vu la hausse la plus importante de ses effectifs.  *Ce tableau inclut les chiffres fournis par les conseils scolaires en début septembre. Depuis la publication de l’article, le Conseil scolaire catholique Franco-Nord nous a fait parvenir une mise à jour de ses effectifs, qui comptent maintenant 2745 élèves, pour une diminution plus modeste de 5 %.

Alors que le vieillissement de la population et l’exode du Nord contribuent à cette diminution, les conseils scolaires publics de la région ont quant à eux vu une augmentation de leurs effectifs.

Le Conseil scolaire public du Grand Nord de l’Ontario, qui couvre le territoire du Grand Sudbury à Sault-Sainte-Marie en plus du Nord-Ouest de la province, a admis 2 643 élèves à la rentrée scolaire de 2019, soit 331 de plus qu’en 2014. C’est une augmentation de près de 14 %.

Plus d’écoles publiques, moins d’écoles catholiques

« Ça fait une dizaine d’années qu’on connaît de légères hausses », explique Marc Gauthier, directeur de l’éducation au Conseil scolaire public du Grand Nord de l’Ontario. « Il y a plusieurs facteurs qui expliquent ça. En plus de l’innovation de nos programmes, nous avons ouvert de nouvelles écoles là où nous n’étions pas présents auparavant. »

Après avoir fermé des écoles à Wawa et à Manitouwadge en 2009 et 2010, le Conseil scolaire public du Grand Nord de l’Ontario dessert maintenant de nouvelles communautés.

« Nous avons maintenant 105 élèves dans une école à Sault-Sainte-Marie qui a ouvert il y a sept ans », continue le directeur. « En septembre, l’École Rivière-des-Français et Villa française des Jeunes à Elliot Lake ont commencé à offrir des classes de maternelle à la sixième année, alors qu’auparavant ils offraient seulement des classes de la septième à la douzième. C’est une soixantaine de nouveaux élèves dans le système. »

Ces statistiques n’inquiètent pas pour autant la vice-présidente du Conseil scolaire catholique Grandes Rivières, Isabelle Charbonneau.

« En 2014, il y a eu des pertes d’emplois importantes dans la région », nuance-t-elle. « Maintenant, avec le boum des mines, on voit que la tendance commence déjà à se renverser. Ça fait plusieurs années qu’on n’a pas fermé d’école et on a plus d’inscriptions cette année que l’an dernier. »

À l’exception d’une classe francophone à Moosonee qui a été coupée en 2018, les dernières fermetures d’écoles remontent à 2016, lorsque l’École Immaculée-Conception à Val Gagné et l’École catholique Ste-Rita à Val Rita ont fermé leurs portes.

« Un son de cloche »

Le professeur de sociologie de l’Université d’Ottawa, Martin Meunier, met en garde de ne pas tirer de conclusions trop hâtives.

« Il faut être prudent », avertit le spécialiste des mutations culturelles et du catholicisme au Canada francophone. « Cinq ans de variation, ce n’est pas nécessairement significatif. Il peut y avoir des fluctuations démographiques à l’intérieur d’un groupe. »

Toutefois, il n’écarte pas les statistiques non plus.

« C’est comme un son de cloche qu’il est en train de se passer quelque chose chez les francophones du Nord. C’est possible que le rapport à la religion change, que les gens soient moins intéressés à inscrire leurs enfants dans le sillage de la religion catholique. »

Ce changement est d’autant plus facile à constater lorsque l’on se tourne vers les taux de baptême, qui sont fortement à la baisse depuis quelques années.

« Il y a vraiment une rupture avec la génération Y », note-t-il. « En 2001, plus de 75 % des enfants québécois étaient baptisés. En 2017, c’est moins de 40 %. C’est une baisse radicale comme on n’en a jamais vue. Je n’ai pas calculé les chiffres pour l’Ontario dernièrement, mais c’est une tendance qui déborde le Québec. »