L’hôtel de ville de Saint-Boniface restera entre les mains des Franco-Manitobains

L'ancien hôtel de Ville de Saint-Boniface. Archives ONFR+

WINNIPEG – L’édifice historique qui fut jadis l’hôtel de ville de Saint-Boniface sera revendu à la Société de la francophonie manitobaine (SFM). L’organisme de bienfaisance Manitoba Possible, à qui la Ville de Winnipeg s’apprête à vendre l’immeuble, le cédera ensuite à la SFM.

Il s’agit, à première vue, d’une victoire pour la communauté franco-manitobaine. Certes le fait de savoir que ce bien patrimonial sera enfin la propriété de la communauté qui l’a construit, apporte un soulagement. Mais ce gain est assombri par une lutte qui n’aurait jamais dû avoir lieu.

Le président de la SFM, Christian Monnin, avait du mal à demeurer dans les cadres de la diplomatie lorsque nous l’avons joint par appel Zoom.

« Je vais peser mes mots : je crois que la Ville de Winnipeg s’en est effectivement lavé les mains. Ça n’aurait pas dû se rendre à ce point-ci. C’est grâce à la bonne volonté de Manitoba Possible, et c’est grâce à l’engagement de la communauté, qu’on s’est rendu ici… et on est en mesure de garder l’ancien hôtel de ville dans les mains de la communauté », nous a-t-il dit.

« il reste un goût amer de la part de la communauté » – Christian Monnin, président de la SFM

« Le tout a été un exemple très malheureux, un moment assez sombre et noir pour la communauté franco-manitobaine relativement à sa relation avec la Ville de Winnipeg. Nous n’allons pas oublier ceci, mais nous sommes aussi reconnaissants du fait qu’on doit davantage travailler avec la Ville pour finaliser la transaction avec Manitoba Possible », a-t-il poursuivi.

Christian Monnin, président de la Société de la francophonie manitobaine. Gracieuseté

Le président de la SFM pointe « un manque total de consultation avec la communauté, et d’ailleurs, lorsqu’on a fait nos comparutions devant la Ville de Winnipeg, il n’y avait même pas la traduction consécutive ou simultanée, tel que c’est l’obligation de la Ville de Winnipeg », a-t-il ajouté.

« Il reste, et je pense qu’il va rester pour un bon bout de temps, un goût amer de la part de la communauté par rapport à la Ville en ce qui a trait à tout le processus… »

Alors que la communauté a tout fait pour annuler la vente du bâtiment du 219, rue Provencher, en vain, Christian Monnin considère – et insiste pour dire – que c’est l’organisme Manitoba Possible qui a été la clef de la solution.

L’épilogue d’un long combat de la communauté

Pour comprendre pourquoi les choses se sont déroulées ainsi, il faut remonter à un appel d’offres, lancé par la Ville de Winnipeg le 12 novembre 2019, pour les propriétés situées au 219, Boulevard Provencher – l’ancien hôtel de ville – et au 212 de la rue Dumoulin – l’ancienne caserne numéro 1 du service des incendies.

Les deux immeubles sont bordés de terrains propices aux projets de Manitoba Possible qui veut créer un campus à l’image de sa mission afin de mieux venir en aide à ceux et celles qui utilisent ses services et ses programmes. Aucun projet n’avait été prévu pour l’ancien hôtel de ville qui devait garder ses locataires actuels.

« Nous étions à la recherche d’un site convenant à nos besoins et cet emplacement a été porté à notre attention lorsque la Ville a lancé un appel d’offres pour vendre cette propriété. Nous voulions quelque chose qui soit à proximité du centre-ville, et qui soit bien desservi par le transport en commun. Nous cherchions également un voisinage propre et sûr. Ce sont tous ces facteurs qui nous ont attiré vers cet endroit », a expliqué le directeur général de Manitoba Possible, Dana Erickson, également lors d’un appel Zoom.

L’édifice abrite la Maison des artistes visuels francophones, Tourisme Riel le World Trade Centre Winnipeg.
Archives ONFR+

En bout de ligne, M. Erickson dit que rien ne s’opposait à ce que cet édifice, construit en 1905, soit cédé à un organisme franco-manitobain.

« Nous n’avions pas l’intention d’utiliser l’édifice situé au 219, Provencher, l’ancien hôtel de ville de Saint-Boniface. De plus nous respectons le caractère historique de cet immeuble de même que sa portée culturelle et son importance pour la communauté franco-manitobaine », a-t-il expliqué.

M. Erickson est d’ailleurs d’avis que personne ne pourrait mieux préserver les lieux que les Franco-Manitobains eux-mêmes.

Manitoba Possible est une organisation caritative qui s’occupe des personnes ayant un handicap depuis plus de 70 ans. Elle offre aujourd’hui un vaste éventail de programmes à des gens de tous âges. Sur son site web, Manitoba Possible souligne que depuis 2020 elle est devenue non pas une société pour les Manitobains handicapés, mais une société pour tous.

Pour sa part, Christian Monnin estime que la générosité de l’organisme a en quelque sorte assuré l’avenir de l’édifice. Mais il croit que cet épisode doit être un signal d’alarme additionnel alors que l’on parle de la modernisation de la Loi sur les langues officielles.

« Je pense que ça démontre, c’est l’aspect très précaire des communautés minoritaires. On voit ça au niveau municipal, on voit ça parfois au niveau provincial, et d’ailleurs on le voit au niveau national », a-t-il conclu.