Loi sur les langues officielles : les sénateurs dévoilent leurs propositions
OTTAWA – Après deux ans de travail, plus de 300 témoins, au-delà de 70 mémoires et trois missions d’étude, les sénateurs ont rendu publiques, ce jeudi, vingt recommandations pour « adapter la Loi sur les langues officielles aux réalités du XXIe siècle ».
C’est un travail titanesque qu’ont achevé, ce jeudi, les membres du comité sénatorial des langues officielles. Après quatre rapports préliminaires, le comité a dévoilé sa vision d’une modernisation de la Loi sur les langues officielles, fruit de la plus complète étude menée sur le sujet.
« Le texte de la Loi n’est pas assez fort ni assez contraignant pour être pleinement appliqué », a lancé en préambule, le sénateur René Cormier, président du comité. « Il est grand temps de procéder à une révision en profondeur de la Loi, et ces recommandations ouvrent la porte à une clarification des responsabilités et des obligations du gouvernement fédéral. »
La dernière modification majeure de la Loi sur les langues officielles date de 1988.
Vingt recommandations
Les sénateurs font vingt recommandations pour une modernisation en profondeur de la Loi.
Selon eux, la responsabilité de sa coordination devrait être confiée au Conseil du Trésor. Ils suggèrent également d’inclure dans le texte législatif plusieurs outils existants afin d’en assurer la pérennité, tels que le Plan d’action pour les langues officielles, le Programme de contestation judiciaire et le Bureau de la traduction, dont les ressources devraient être adéquates et le recours obligatoire pour les institutions fédérales.
Quelques nouveautés se glissent également, en matière d’éducation et pour reconnaître la spécificité constitutionnelle du Nouveau-Brunswick, seule province officiellement bilingue.
« La question de l’éducation est cruciale », précise le sénateur Cormier à ONFR+. « C’est un secteur stratégique et il faut s’assurer que, de la petite enfance jusqu’au postsecondaire, on puisse outiller les communautés. Le mettre dans la Loi orienterait les actions du gouvernement fédéral, notamment dans ses ententes avec les provinces et territoires. »
Consensus
Plusieurs des propositions faites par les sénateurs rejoignent celles formulées par la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada et par le Commissariat aux langues officielles du Canada.
« Le rapport reflète les témoignages que nous avons entendus. On a perçu un certain consensus pendant deux ans sur certains enjeux majeurs », explique le sénateur Cormier.
Réviser la Loi tous les dix ans « afin d’assurer qu’un prochain exercice ne dépende pas de la volonté politique » et prévoir l’obligation de bilinguisme pour les juges à la Cour suprême du Canada dès leur entrée en fonction font partie de ce consensus.
En revanche, les sénateurs se rangent derrière la proposition de la FCFA de créer un tribunal des langues officielles dissocié du Commissariat afin de sanctionner les institutions qui ne respectent pas la Loi.
Le commissaire aux langues officielles se verrait, quant à lui, ajouter certains pouvoirs, comme de conclure des accords de conformité avec les institutions. Son processus de nomination serait confié à un comité indépendant, une manière de limiter l’ingérence politique.
« On se lit dans ce document » – Jean Johnson, président de la FCFA
Le président de la FCFA, Jean Johnson, ne cache pas sa satisfaction à la lecture du rapport.
« Tous les éléments clés qu’on avait fait ressortir se retrouvent là-dedans et ça donne une légitimité à nos propos sur la colline parlementaire. Notre travail, désormais, c’est de s’assurer que, dès les élections passées, le gouvernement modernise la Loi dans la première année de son mandat. On ne baisse pas nos attentes. Ça fait 50 ans qu’on est raisonnable, il faut passer à l’action! »
« Le comité s’est doté d’un processus très rigoureux et d’un fil conducteur qui rendent ses recommandations très précises. C’est peut-être une vision moins ambitieuse que celle de la FCFA, mais c’est collé au débat politique, tout en regroupant les principales aspirations de la communauté. Les sénateurs ont su dégager un consensus et trancher sur certaines questions, comme pour le tribunal administratif. »
Il note toutefois un grand absent, le bilinguisme d’Ottawa, la capitale nationale, évoqué dans un mémoire pendant les consultations.
Au gouvernement d’agir
La sénatrice franco-ontarienne Lucie Moncion espère que ce travail fera une différence sur le terrain.
« Le fait qu’on reconnaisse les besoins des francophones à tous les niveaux, en justice, en éducation… Ça va aider! Dans notre révision de la Loi, il y a de tout pour tout le monde, y compris pour les Anglo-Québécois. J’ai été surprise de réaliser que beaucoup de leurs défis sont les mêmes que ceux que nous avons comme Franco-Ontariens. »
Avec ce rapport, les sénateurs établissent un étalon de mesure pour la modernisation.
« Les partis politiques ne reprendront pas le rapport tel quel, mais ils peuvent facilement s’en approprier certaines parties pour leurs programmes électoraux. Avec la somme d’information qui a été collectée et sachant que les acteurs sont satisfaits des recommandations, ça peut être utilisé pour demander des comptes au gouvernement qui fera la modernisation. »
La balle est dans le camp du gouvernement fédéral, estime le sénateur Cormier.
« Ce rapport contient tout ce qu’il faut pour moderniser la Loi sur les langues officielles. On espère donc que le dialogue va se poursuivre dans le contexte électoral pour faire avancer cette question de modernisation et l’idée de promouvoir la Loi sur les langues officielles. »
Car il reste du travail à faire, reconnaissent les sénateurs Cormier et Moncion, constatant qu’un seul média est venu couvrir la conférence de presse de ce jeudi.
« Je pense que cela vient réaffirmer la recommandation que le gouvernement fédéral doit prendre un leadership en matière de promotion des langues officielles, auprès de l’ensemble de la population canadienne », glisse M. Cormier.
Cet article a été mis à jour le jeudi 13 juin, à 14h04.