L’Université Laurentienne n’existe déjà plus dans le vocabulaire de l’AFO
OTTAWA – Le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), Carol Jolin, ne parle désormais plus que de la Laurentian University, dont il a rayé l’appellation française de son vocabulaire.
M. Jolin comparaissait ce jeudi après-midi devant le Comité permanent des langues officielles qui poursuit son étude sur les mesures du gouvernement du Canada pour protéger et promouvoir le français au Québec et au Canada.
L’intervention de M. Jolin portait sur « les transferts fédéraux en matière d’enseignement du français au niveau postsecondaire », tel qu’il l’a précisé aux membres du comité.
Pour lui, la crise que vit le monde universitaire francophone du Nord de l’Ontario révèle au grand jour un profond problème d’imputabilité.
« Est-ce que l’argent investi par les gouvernements du Canada et de l’Ontario est réellement utilisé dans la programmation et les services de langue française? Ou, comme il semble être le cas, avec une partie de l’argent destiné à la recherche, ou celui provenant des donateurs, est-il allé au paiement de la dette, ou dans des activités courantes? Ces réponses, je ne les ai pas », a-t-il déploré.
Selon lui, personne n’a les réponses à ces questions, pas même au sein des gouvernements fédéral et provincial.
12 millions de dollars : « Où va cet argent? »
« Laurentian University, comme les autres universités en milieu minoritaire, n’est pas obligée de rendre des comptes sur ses fonds en langues officielles », souligne-t-il.
Il a parlé des sommes importantes que reçoit annuellement l’Université Laurentienne.
« Les gouvernements du Canada et de l’Ontario ainsi que le Consortium national de formation en santé investissent annuellement plus de 12 millions de dollars dans la Laurentian University, afin de l’appuyer pour offrir une programmation et des services de langue française de qualité. Où va cet argent? On ne la sait pas », a-t-il poursuivi.
Or dans ce dossier, le gouvernement fédéral a un pouvoir d’intervention limité. C’est ce que nous a expliqué la secrétaire parlementaire de la ministre du Développement économique et des Langues officielles, Marie-France Lalonde.
« Ce sont des ententes qui sont créées, qui sont faites, entre la province et le fédéral. Nous versons ce financement selon la Constitution et les compétences provinciales », a-t-elle précisé.
Mme Lalonde a insisté sur le fait que les ententes fédérales-provinciales sur l’éducation postsecondaire en milieu minoritaire se faisaient dans le respect intégral des pouvoirs de la province en matière d’éducation.
Reddition des comptes et transfert à l’Université de Sudbury réclamés
Ainsi Carol Jolin a formulé le souhait que le travail actuellement en cours pour moderniser la Loi sur les langues officielles soit l’occasion d’encadrer la gouvernance des établissements postsecondaires francophones.
« À l’aube de la modernisation de la Loi sur les langues officielles, il nous apparaît essentiel d’y ajouter des mécanismes de reddition de comptes, afin d’assurer une transparence complète sur les fonds gouvernementaux transmis dans ce type d’enveloppe budgétaire », a-t-il affirmé.
M. Jolin a aussi déploré que les francophones aient été écartés du processus décisionnel ayant conduit au démantèlement de 45 % des programmes en français à l’Université Laurentienne.
« Il nous apparaît également essentiel que toute somme fédérale et provinciale destinée à l’enseignement et aux services en langue française – je prendrai par exemple le programme d’appui aux langues officielles en éducation – soit redirigée dans les plus brefs délais, de la Laurentian University vers l’Université de Sudbury. »
« Le postsecondaire de langue française est l’atout numéro pour combler ces pénuries de main-d’œuvre » – Carol Jolin, président de l’AFO
« Ces fonds sont essentiels pour notre communauté. Comme vous le savez, nous sommes en pénurie de professionnels francophones et bilingues dans plusieurs secteurs, particulièrement en éducation et en santé », a-t-il souligné.
« L’enseignement postsecondaire de langue française est l’atout numéro un qui permettrait à l’Ontario, et à l’ensemble du pays, de combler ces pénuries de main-d’œuvre. L’éducation, c’est l’oxygène de nos communautés », a insisté Carol Jolin.
Le député du Bloc québécois qui siège au Comité permanent des langues officielles, Mario Beaulieu, s’est dit ouvert à l’idée que des organismes de défense des droits de la minorité francophone aient un droit de regard sur la façon dont sont dépensées les sommes destinées à leurs institutions d’enseignement postsecondaire.
M. Beaulieu a profité de l’occasion pour dénoncer ce qu’il considère comme le surfinancement des institutions anglophones au Québec, alors que des universités francophones ailleurs au pays ont du mal à survivre.