Lutte au VIH/SIDA : le financement se fait attendre
TORONTO – La pression est plus forte que jamais sur l’organisme de lutte et de prévention au VIH/SIDA, Action Positive. À la demande des autorités de la santé, l’organisme a dévoilé sa stratégie d’action, mais espère maintenant que les fonds suivront pour lui permettre de mettre en œuvre son ambitieux plan.
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
efgauthier@tfo.org | @etiennefg
« Après sept ans d’existence et une augmentation du nombre de personnes qui bénéficient de nos services, nous concluons que nous faisons quelque chose de bien. Mais comment se fait-il qu’on n’ajuste pas notre budget afin qu’on progresse? Il y a matière à s’asseoir et à négocier pour s’assurer qu’Action Positive survive. Sinon on ne pourra pas faire tout ce qu’on a promis de faire », lance Eric Cader, directeur de l’organisme.
Au cours des derniers jours, Action Positive a obtenu sa désignation en vertu de la Loi sur les services en français de l’Ontario. Quatre ans de travail ont été nécessaires. Pour obtenir sa désignation, l’organisme a dû préciser ses priorités et prendre des engagements auprès des autorités de la santé.
L’organisme propose ainsi de servir de manière plus efficace la clientèle francophone de Toronto, mais aussi mener de la prévention dans les écoles en matière de VIH/SIDA et participer à des projets de recherche sur la maladie.
« Avec le nouveau plan de travail, cela mettra de la pression sur nos finances et le budget opérationnel », admet M. Cader. Financièrement, l’organisme a pourtant déjà la corde au cou. Avec ses trois employés et ses frais de fonctionnement, Action Positive boucle de peine et de misère son budget annuel de 147000$, dit le directeur de l’organisme. « Le conseil d’administration va devoir restructurer pour qu’on puisse répondre aux nouvelles demandes du bureau de lutte contre le sida et du ministère », ajoute-t-il.
Combler le retard
En matière de lutte contre le VIH/SIDA, les acteurs francophones ont un retard significatif sur leurs partenaires anglophones en matière d’informations, dénonce Eric Cader.
« Dans la pratique, plusieurs documents de formation ne sont pas traduits […] Si ça prend plusieurs mois pour traduire ces documents pour nos employés, cela veut dire que nous sommes en retard sur les anglophones », explique-t-il. Comment alors transmettre des informations à jour et offrir des conseils avisés à la clientèle précaire qu’il dessert, se demande-t-il.
Il explique que les citoyens payent le prix de cette information manquante ou incomplète. Pour pallier à la situation, Action Positive a pris le taureau par les cornes avec plusieurs partenaires et a lancé un nouveau site internet dédié à prévenir le VIH chez les francophones et à accompagner ceux qui sont atteints par la maladie.
Eric Cader souhaite aussi que son organisme collabore davantage avec les intervenants anglophones. Mais encore là, il faut du temps et des ressources, dit-il. « Il faut être à la table où les décisions sont prises, sinon on sera exclu et en retard. […] Bien souvent, on n’a pas le temps d’aller siéger à des comités ou de développer les contacts. Mais il faut le faire davantage pour qu’on comprenne nos besoins », insiste-t-il.
Les démarches menées au cours des derniers mois par Action Positive pourraient ne pas être vaines sur le plan du financement, selon le coordonnateur des services en français du Réseau local d’intégration des services de santé (RLISS) du Centre-Toronto.
Désignation
« Action Positive a été désignée en vertu de la Loi sur les services en français comme une agence qui a la capacité d’offrir des services 24 heures sur 24, 365 jours par an, en français! », a précisé Tharcisse Ntakibirora lors d’un entretien avec #ONfr. Si rien n’est garanti et qu’aucune enveloppe supplémentaire n’a été accordée à Action Positive pour l’instant, son nouveau statut pourrait lui permettre de se qualifier plus facilement à du financement, selon lui.
« Ce que ça change? Ça ouvre des portes pour du financement. L’organisme a la capacité et, nous, nous avons le pouvoir de l’épauler pour offrir les meilleurs services possible », dit M. Ntakibirora. « Il y a pas de financement automatique pour un organisme désigné. Il faut avoir des initiatives pour pouvoir entrer dans le carnet », ajoute-t-il du même souffle.
Le coordonnateur des services en français du RLISS du Centre-Toronto affirme que les organismes francophones auraient tout avantage à travailler davantage ensemble. « On suggère qu’ils fassent des partenariats. S’ils pouvaient s’amalgamer, ce serait encore mieux, car ils renforceraient leur capacité et couvriraient un plus grand espace », a-t-il laissé tomber.
La thèse des fusions forcée est même évoquée par cet acteur important de l’univers de la santé francophone. « On espère que d’autres organismes vont se mettre ensemble pour partager les ressources et offrir les services à moindre coût, avant que nous soyons obligés de faire des amalgames dirigés », dit-il.