Lynne Dupuis, l’entrepreneure qui a toujours une solution… et une tasse de café
[LA RENCONTRE D’ONFR]
SUDBURY – Après avoir remporté le Prix entrepreneur de l’année au Gala Améthyste en 2023, c’est celui de la Soirée Saphir de la Fondation franco-ontarienne (FFO) que Lynne Dupuis a ramené chez elle samedi dernier. La Sudburoise d’origine et propriétaire de l’entreprise LMDSolutions, a mis son expertise des gouvernances et politiques au service de très nombreux organismes francophones du Nord depuis près de 25 ans.
« Vous avez été la seule personne du Nord à recevoir un prix samedi dernier à la Soirée Saphir, que représente ce prix pour vous?
Tout d’abord, être en nomination avec des gens de l’Est, c’est très gratifiant. À un niveau provincial aussi, faire reconnaître ses capacités, ses compétences, son entreprise, c’est valorisant tout comme le fait d’être reconnu parmi ses pairs. Et pour moi, être la seule lauréate du nord de l’Ontario, ça en dit grand sur le besoin d’avoir plus de représentation, non seulement des entrepreneurs, mais entrepreneures. Il en va de même pour la reconnaissance du Gala Améthyste.
Qu’est-ce qui vous a poussée à devenir entrepreneure justement?
J’ai commencé mon entreprise en 2012 parce que je sentais que faire du 9 à 5 n’était pas pour moi. Et donc j’avais des compétences et des capacités que je voulais mettre à profit pour plusieurs organismes et pas seulement pour un seul poste. Je voulais aussi faire plus de travail communautaire sur des conseils d’administration. Je voulais me donner ce temps-là pour faire du développement communautaire et aussi être là pour ma famille et nos projets. En développant ma propre compagnie, je pouvais ainsi faire des sélections de contrats.
Y a-t-il un message que vous aimeriez faire passer aux femmes entrepreneures du Nord?
Je pense qu’on ne doit pas avoir peur de se lancer et que plus on sera représentées, plus ça facilitera la création de réseaux, le partage des connaissances et le fait de se retrouver avec des gens qui nous ressemblent. Donc pour moi, c’est important de saisir toutes les occasions et les opportunités qui se présentent pour, non seulement, faire valoir mon entreprise et qui je suis, mais vraiment pour faire valoir le fait qu’on peut être tout ça à la fois, entrepreneures, femmes, francophones.
Il y a beaucoup d’enjeux avec chacune de ces identités, mais on doit prendre notre place. Je me suis donné la mission de faire valoriser plus de femmes dans les prochaines années, et ça comprend le fait d’encourager la soumission de nominations.
Quels sont, selon vous, les plus grands défis quand on est entrepreneur dans le Nord?
Les défis dans le Nord, je dirais que c’est le manque de reconnaissance du talent de ses consultants, ce qui a pour conséquence qu’on se tourne vers le Sud ou l’Est pour trouver ces ressources. Parce qu’il y a selon moi un plus grand bassin et plus d’expérience, des portfolios potentiellement plus étoffés.
Mais nous, on a des compétences et des connaissances du nord de l’Ontario, de nos localités et on devrait être capable de les mettre à profit pour le bien-être des projets locaux, de nos communautés nordiques. On me dit souvent que c’est un critère qui est déterminant dans la sélection de mon entreprise et je suis fière de travailler dans le nord de l’Ontario.
Vous avez une entreprise qui offre du conseil en gouvernance et on sait que les organismes communautaires francophones sont en difficulté. Quels constats tirez-vous à ce sujet?
C’est vrai que les organismes à but lucratif et non lucratif francophones vivent de grands défis à cause d’un manque de ressources humaines. Les bénévoles sont difficiles à recruter. C’est vraiment important qu’il y ait plus de clarté autour de la gouvernance, des opérations, des capacités organisationnelles, des planifications stratégiques et des outils de ces organismes. C’est important pour s’assurer que les ressources, les bénévoles et même les bailleurs de fonds soient en mesure de s’engager auprès de ces organismes.
On a besoin de démontrer des résultats pour aller chercher plus d’argent et des gens qui auront confiance en l’organisme. Je reçois beaucoup d’appels de personnes en crise qui n’ont pas de plan stratégique et/ou avec un manque substantiel de ressources humaines. Et quand on commence à faire le diagnostic, on se rend compte que ces défis-là peuvent être réglés avec des structures plus solides et des politiques fortes.
Concernant votre rôle au Comité de gouvernance et Comité d’audit d’Horizon Santé Nord, que retenez-vous de cette expérience au sein du plus important centre hospitalier du Nord?
J’ai à peu près 25 ans d’expérience en conseil d’administration, ayant siégé au sein de plusieurs, mais celui de l’hôpital Horizon Santé Nord, c’était vraiment un point culminant pour moi. Être à l’hôpital avec des leaders régionaux comme ça c’était vraiment un niveau au-dessus.
Trouvez-vous qu’il y a eu des améliorations au niveau des services en français?
Quand j’étais sur le comité de gouvernance, on a mis en place des procédures pour impliquer les francophones. Depuis septembre, je fais partie du comité des services en français et je vois une amélioration. C’est le fruit d’un travail de dix ans de travail envers la désignation, les services, les politiques et procédures qui se manifeste aujourd’hui à travers un comité qui est actif et donne des résultats concrets. Je pense que HSN est dans la bonne direction pour faire les changements nécessaires pour mieux desservir les francophones.
Vous avez été directrice des opérations à la Fédération des aînés et retraités francophones de l’Ontario (FARFO). Qu’est-ce que cela vous a appris sur les enjeux de vieillissement pour les francophones en milieu minoritaire?
Il y a beaucoup d’enjeux, beaucoup de conscientisation à faire et de mécanismes contre l’âgisme à développer. J’étais sur un comité national pour combattre l’âgisme et avec lequel on essayait d’aller appuyer les groupes minoritaires et qui sont moins desservis, comme les LGBTQ+ et les immigrants. Ça m’a vraiment ouvert les yeux au fait qu’il y a de grands besoins et qu’il y a des gens actifs sur le terrain qui veulent bien vivre leur dernière étape de vie. Pendant trois ans, j’ai pu observer tout le côté gouvernemental, mais aussi être sur le terrain avec des personnes âgées et avec des gens qui font une différence.
Vous avez été membre et présidente du conseil d’administration du Centre de santé communautaire du Grand Sudbury pendant six ans. Avez-vous un accomplissement dont vous êtes fière?
On fait beaucoup pour la communauté francophone au Centre de santé communautaire. Je pense qu’on a travaillé des dossiers importants comme l’immigration, l’alphabétisation, les sans-abris. Pendant mon temps au centre, on a eu des leaders importants autour de la table au niveau de la diversité. C’est à ce moment-là qu’a été incorporé tout le côté diversité et équité au sein de nos pratiques de gouvernance. C’est donc un excellent accomplissement que j’en retiens.
Quels sont vos objectifs professionnels après tous ces engagements?
Je suis contente de dire que je suis à la recherche d’un CA sur lequel je veux siéger. Je veux me lancer plutôt sur des CA économiques, ou axés sur l’entrepreneuriat. Il y a des organismes que je suis en train d’évaluer en ce moment pour savoir où m’orienter. Mais sinon, je veux continuer à développer mon entreprise qui compte maintenant cinq employés. L’objectif est vraiment de stabiliser LMDSolutions et être en mesure d’offrir de meilleurs services pour les clients. Nous développons aussi notre nouveau modèle qui sert de cadre pour aider à diagnostiquer et à trouver des solutions pour le réengagement envers les organismes.
Votre mari est le musicien Édouard Landry et vos fils sont eux aussi dans le milieu artistique. Quel est votre lien aux arts?
Je fais du théâtre communautaire. J’ai participé à quatre pièces du Théâtre du Nouvel Ontario. C’est un défi, mais aussi un grand plaisir et je trouve que c’est aussi très utile, par exemple en animation de groupe et en animation de groupe de planification stratégique, d’avoir un aspect théâtral et oral. J’aime beaucoup ça.
Pouvez-vous nous confier une chose que les gens ne savent pas sur Lynne Dupuis?
J’ai développé un café qui est vendu à la brûlerie Old Rock Coffee. Pour l’anecdote, en 2017 j’ai lancé un défi sur les réseaux sociaux. J’ai demandé aux gens d’arrêter de faire des gros défis de santé physique et de prendre un petit moment dans la journée pour se reposer autour d’un bon café. J’ai commencé à poster une photo avec ma tasse de café un samedi avec un petit message motivant et les gens ont tout de suite embarqué et suivi la tendance, à ma grande surprise. Depuis, je le fais tous les jours sans exception.
Puis, il y a six ans, j’ai fait un rebranding de ma compagnie, et je me suis dit que, puisque les gens me connaissent comme la fille à tasse de café, je pourrais jouer avec ça. J’ai créé une tasse sur laquelle est écrit ‘’La Solution c’est le café’’, ce qui est un clin d’œil au nom de mon entreprise. Par la suite, j’ai décidé de contacter le Old Rock Coffee en leur disant que j’aimerais beaucoup créer un café avec eux et ils étaient tout de suite partants. Ils m’ont envoyé des échantillons que j’ai testés à l’aveugle et avec lesquels j’ai goûté et fait goûter le café à mon entourage. Le café que j’ai composé s’appelle le Wake up call. C’est un café corsé de torréfaction française. Depuis, le café est très apprécié et vendu à travers leur site et aussi le mien. »
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LES DATES-CLÉS DE LYNNE DUPUIS :
1978 : Naissance à Sudbury, Ontario.
2012 : Création de son entreprise LMDSolutions.
2019 : Elle devient vice-présidente du Comité de gouvernance et membre du Comité de vérification de Horizon Santé Nord (HSN).
2023 : Elle remporte le Prix coup de cœur de l’année et le Prix femme entrepreneure à l’occasion du Gala Améthyste de la Société économique de l’Ontario (SÉO).
2024 : Le Prix entrepreneure de l’année de la Fondation franco-ontarienne lui est attribué pendant la Soirée Saphir.
Chaque fin de semaine, ONFR rencontre un acteur des enjeux francophones ou politiques en Ontario et au Canada.