Malgré l’âge, le combat quasi parfait d’Elliot Lake contre la COVID-19
ELLIOT LAKE – Alors que Doug Ford parle de la COVID-19 comme « un virus qui se propage comme un feu de forêt », la région d’Elliot Lake, dans le Nord de l’Ontario, s’en tire à bon compte. Cette ville de retraités qui compte près de 2 000 francophones n’affiche aucun cas dans les 14 derniers jours et moins de cinq depuis le mois de mars.
Des chiffres qui ne surprennent pas la médecin-hygiéniste en chef de la région, Dr Marlene Spruyt.
« Je ne suis pas surprise. Elliot Lake et la communauté ont fait du bon travail pour suivre les consignes de la Santé publique. Très tôt, ils ont implanté un service de livraison à domicile de l’épicerie et ils ont respecté les règles durant tout l’été », lance la responsable du bureau de Santé d’Algoma qui abrite entre autres les villes d’Elliot Lake, Sault-Sainte-Marie et Blind River.
Alors que les personnes les plus touchées par la COVID-19 ont surtout été les personnes âgées, les chiffres à Elliot Lake sont une exception pour cette population dont près de 40 % est âgée de 65 ans et plus. Comment expliquer les bons résultats?
« On est petit, on n’est pas nombreux, on est isolé dans la nature et on n’a personne des grandes villes qui nous amène la COVID-19 », énumère la présidente du regroupement des associations francophones de l’Ontario (RAFO) Rive-Nord, Ghislaine Desjardins.
D’autres saluent le bon travail des autorités en place.
« On a mis beaucoup de protocoles en place. Je pense au maire. Et on a un docteur dans la communauté qui a donné beaucoup d’instructions aux gens. La communauté a mis des mesures en place pour nous protéger », avance Julie Caissey, une résidente de l’endroit.
« La géographie de notre région nous aide un peu. On sait que la COVID-19 se propage dans des endroits peuplés et clos où les gens sont rapprochés. Dans le Nord, on est très éparpillés. » – Docteure Marelene Spruyt
Elliot Lake n’est pas une exception, alors que le Bureau de santé publique d’Algoma ne compte aucun décès pour trois cas actifs, et affiche 60 cas depuis le début de la pandémie, des chiffres parmi les plus bas en Ontario.
« La géographie de notre région nous aide un peu. On sait que la COVID-19 se propage dans des endroits peuplés et clos où les gens sont rapprochés. Dans le Nord, on est très éparpillés. On avait avisé les gens d’éviter d’aller vers le Sud de l’Ontario et la grande majorité est restée ici pour profiter des attraits locaux, pas beaucoup de gens voulaient aller à Toronto en juillet », affirme la médecin en chef.
En bonne posture pour l’hiver
Alors que l’hiver arrive à grands pas, l’arrivée de l’influenza combinée à la présence du COVID-19 pourrait être fatale pour la santé des personnes plus âgées. La docteure Spruyt se dit « inquiète » pour tous, mais pense que le district est en bonne posture.
« Les mêmes choses qu’on fait pour se protéger contre la COVID-19 fonctionnent pour réduire la propagation de l’influenza, comme se laver les mains, porter un masque, rester chez nous. Mais comme les gens sont très bons à respecter les mesures de santé publique, on devrait en principe être protégés contre la grippe aussi. »
Le fait que la COVID-19 semble entraîner des complications beaucoup plus sévères chez les personnes plus âgées que chez les jeunes change aussi la donne.
« Si quelque chose arrive ici à Elliot Lake, nous ne sommes pas équipés. Nos soins intensifs à l’hôpital ne pourraient pas tenir si une bonne partie de la population d’Elliot Lake était affectée par la COVID-19. Il faut faire attention », pense Julie Caissey.
Cette dernière remarque que le niveau d’âge de la population est en quelque sorte un avantage dans le respect des consignes sanitaires.
« Les gens suivent vraiment les consignes et les recommandations. On est chanceux, on entend des histoires d’horreur dans les autres communautés où les gens refusent de suivre les règles, alors qu’ici, tout va bien… Je ne sais pas si les gens ont peut-être un peu peur, c’est dur à dire. »
Isolement ou pas?
Alors que plusieurs reprochent au gouvernement les scénarios de confinement, jugeant qu’ils vont isoler encore plus les aînés, les citoyens de la ville de plus de 11 000 résidents assurent que l’isolement n’est pas autant le sujet de l’heure pour eux.
« Ce n’est pas tellement difficile. Oui, il y a des personnes âgées, mais la majorité de nos aînés sont des boomers qui sont actifs et qui font beaucoup d’activités et qui ont encore beaucoup d’entregent. Ils sont moins isolés qu’on peut le penser. Ils communiquent entre eux par téléphone. Je trouve que c’est moins difficile que l’on avait imaginé. »
Le fait d’avoir une ville peuplée par une grande population âgée amène toutefois son lot de complications.
« C’est un peu plus difficile d’aller faire l’épicerie. Premièrement, c’est difficile de la faire faire par d’autres personnes. Quand on y va, il faut souvent faire la ligne dehors, alors on s’arrange tous pour y aller en auto ensemble. Dans l’épicerie, tout le monde s’enfarge et on ne respecte pas les lignes. C’est quelque chose qui peut devenir difficile pour les personnes âgées », pense Mme Desjardins.
Le coronavirus aura aussi mis sur la glace certains projets du RAFO d’améliorer l’accès aux soins de santé en français au bureau de santé d’Algoma.
« Il y a quand même une volonté de nous servir en français, mais il y a aussi une compréhension en disant, patientons, car la COVID-19 nous à mis en arrêt. On avait un programme pour donner des cours en français le 11 mars et la COVID-19 est arrivée deux jours plus tard, alors on est raisonnable. On va laisser passer le coronavirus et on reprendra les dossiers après. »