Soutenue par des députés franco-ontariens, Lambropoulos quitte le comité des langues officielles

La députée libérale Emmanuelle Lambropoulos avec le premier ministre, Justin Trudeau. Crédit image: Parti libéral du Canada

OTTAWA – Les propos de la députée québécoise de Saint-Laurent, Emmanuella Lambropoulos, agitaient la Chambre des communes depuis près d’une semaine. Alors que l’opposition demandait son expulsion du comité des langues officielles, des députés libéraux franco-ontariens plaidaient l’« erreur de jugement ». Mais finalement, la députée a annoncé, en fin de journée, sa volonté de quitter ses fonctions au sein du comité.

« C’est sûr que ça m’a déçu, mais je pense que c’est une erreur de jugement et je ne vais pas juger la trajectoire de ma collègue, qui a toujours appuyé les francophones et les anglophones en contexte minoritaire, juste sur ces propos. Elle a reconnu son erreur et s’est excusée », estime le député libéral franco-ontarien de Glengarry-Prescott-Russell, Francis Drouin, en entrevue avec ONFR+.

Depuis vendredi dernier, Mme Lambropoulos est au cœur de la controverse après avoir remis en doute le déclin du français au Québec, lors d’une réunion du comité permanent des langues officielles. La députée avait ensuite formulé des excuses.

Des excuses qui ont convaincu M. Drouin, mais aussi la députée libérale d’Orléans, Marie-France Lalonde.

« Je sais qu’elle a le fait français à cœur. Je suis avec elle sur ce comité. Je la connais depuis un an et je sais qu’elle se porte garante des minorités et qu’elle est bien à jour sur le dossier de la francophonie. Elle nous a aidés sur les enjeux francophones. Moi, j’accepte ses excuses et je crois qu’il faut se concentrer sur les vraies choses, comme l’immigration francophone et le Campus Saint-Jean. »

Le député fédéral de Glengarry-Prescott-Russell, Francis Drouin. Archives ONFR+

Leur avis tranche avec les propos de l’ex-conseillère aux enjeux au cabinet du premier ministre Justin Trudeau et ancienne attachée de presse des ministres du Revenu et des Finances, Chloé Luciani-Girouard, qui dans une lettre d’opinion publiée par La Presse, doutait des excuses de la députée, parlant d’une « erreur de mauvaise foi ».

Depuis, la ministre des Langues officielles Mélanie Joly a elle aussi réagi, se disant « abasourdie, stupéfaite et déçue » par les propos de sa collègue libérale.

Des munitions pour l’opposition

La sortie de Mme Lambropoulos a donné des munitions à l’opposition qui, depuis le début de la semaine, tire à boulets rouges sur le gouvernement, accusé de ne pas assez protéger le français.

« De dire que les propos de Mme Lambropoulos sont en réalité la position du PLC, c’est tomber dans la théorie du complot. Et je trouve ça d’autant plus ironique venant de la part du Parti conservateur du Canada qui n’a jamais dénoncé la situation du Campus Saint-Jean, un dossier extrêmement important pour les Franco-Albertains, pour ne pas viser leur meilleur ami Jason Kenney. Il faut être consistant! », enrage M. Drouin.

La directrice du Parti libéral du Canada (PLC) pour le Québec, Chelsea Craig, a remis une bûche dans le feu de la polémique après des propos déterrés de son fil Twitter et publiés en septembre où elle dénonçait la Loi 101, la jugeant « oppressive » et ayant « gâché », selon elle, l’éducation en langue anglaise au Québec.

« Comme Franco-Ontarien, je comprends l’importance de la Loi 101 dans le contexte nord-américain. On est en minorité, nos taux d’assimilation sont très forts et je m’inquiète pour la francophonie », explique pour sa part M. Drouin.

Le français au sein du caucus libéral

Le député de Glengarry-Prescott-Russell assure que cette vulnérabilité du français est bien comprise au sein du caucus libéral, notamment grâce au travail de sensibilisation mené par le caucus libéral des communautés de langue officielle en situation minoritaire dont il fait partie.

« Que ce soit pour le plan d’action pour les langues officielles ou le meilleur dénombrement des ayants droit, il n’y a jamais eu d’opposition sur ces questions-là. Le premier ministre et mes collègues comprennent l’importance de se battre pour les minorités. »

La députée libérale d’Orléans, Marie-France Lalonde. Archives ONFR+

Même son de cloche du côté de Mme Lalonde.

« Le gouvernement Trudeau a fait beaucoup en francophonie, notamment avec le recensement, le discours du Trône… Il a sauvé l’Université de l’Ontario français! L’UOF, c’est grâce au gouvernement Trudeau et je remercie toujours Justin Trudeau à ce sujet quand je le peux. Le gouvernement réalise très bien l’importance du français dans un contexte minoritaire à l’extérieur du Québec et sa baisse au Québec aussi. »

Lambropoulos quitte le comité des langues officielles

Ce jeudi, le Bloc québécois a ajouté sa voix à celle du Parti conservateur du Canada qui demandait, hier, l’exclusion de Mme Lambropoulos du comité permanent des langues officielles.

Du côté du Nouveau Parti démocratique (NPD), la porte-parole aux langues officielles Niki Ashton se montre plus réservée.

« Je comprends les préoccupations suscitées par ces propos. C’est un manque de respect et de compréhension de ce que nous disent les experts sur la réalité du français au pays. Elle n’est peut-être pas un bon fit pour ce comité, mais je ne pense pas que ce n’est pas le plus important. Je veux surtout voir le gouvernement agir au lieu de lancer de belles paroles. Ce sont eux qui sont au pouvoir! C’est à eux de poser des gestes pour contrer le déclin du français! »

Opposés à la demande d’exclure leur collègue du comité, Mme Lalonde et M. Drouin fulminent.

« Si on commence ça, il y a plusieurs conservateurs qu’on devrait exclure concernant le dossier du Campus Saint-Jean », lance la députée d’Orléans.

Finalement, la polémique a convaincu Mme Lambropoulos de jeter l’éponge.

« J’ai réalisé à quel point la façon que j’ai posé la question était insensible et maladroite. (…) La réalité, c’est que j’adore la langue française. Quand je rentre dans des commerces dans mon comté ou ailleurs, je commence toujours la conversation en français. J’étais enseignante avant de rentrer en politique et j’ai enseigné en français. Je pense que c’est inacceptable que les francophones québécois ne puissent recevoir du service dans leur langue dans la province du Québec », a-t-elle déclaré.

Après deux ans à siéger sur le comité, elle a fait part de sa volonté de quitter ses fonctions, s’engageant toutefois à continuer de travailler à la protection du français « non seulement au Québec, mais aussi partout au Canada ».

Pour des questions de procédure, elle devra toutefois formuler sa demande au whip de son parti qui décide de qui siège sur les comités.

Article écrit avec la collaboration d’Étienne Fortin-Gauthier

Cet article a été mis à jour le 19 novembre 2020, à 16h57