Manifestation en faveur de l’avortement à Toronto
TORONTO – En réponse au renversement de l’arrêt Roe v. Wade, plus de 200 Torontoises et Torontois ont mené une marche ce mercredi afin de manifester leur indignation devant le parlement ontarien puis le Consulat général des États-Unis à Toronto.
Si la pluie paraissait hésitante ce jour-là, plus de 200 personnes étaient loin de l’être. En effet, pour crier haut et fort leur désaccord et surtout leur colère à l’encontre de la volte-face historique de la Cour suprême américaine qui a renversé l’arrêt Roe v. Wade qui octroyait un droit fédéral à l’avortement, plusieurs personnes se sont données rendez-vous à Queen’s Park, et ce via les réseaux sociaux.
Une manifestation qui avait tout de spontané et dont l’itinéraire de la marche est demeuré secret jusqu’à la dernière minute afin de ne pas attirer les foudres des anti-avortement.
Le parcours de la marche qui a suivi a débuté devant l’Assemblée législative de l’Ontario pour finir devant un lieu hautement symbolique : le consulat général des États-Unis à Toronto. 1,5 km durant lequel les contestataires n’ont pas cessé de donner de la voix.
« Je suis là pour que les députés dans le bâtiment derrière moi (Queen’s Park) ne pensent jamais à revenir sur des droits acquis comme l’avortement. La preuve que c’est possible est que je suis là à manifester avec ma fille alors que j’étais là avec ma mère à manifester pour la même cause il y a plus de 30 ans, c’est inacceptable », nous livre Renée S., l’une des personnes en tête du cortège.
Les hommes aussi ont répondu présents
Les hommes n’étaient pas en reste. Beaucoup étaient de la partie, pancartes bricolées et/ou haut-parleurs à la main pour soutenir les femmes dans ce combat.
« Je suis venu avec mon amie pour supporter le droit des femmes à l’avortement. Ce qui s’est passé aux États-Unis ces derniers jours est tout simplement incroyablement tragique. Je ne veux surtout pas voir la même chose arriver au Canada, surtout lorsque l’on sait qu’il y a beaucoup de députés ici qui sont en faveur de l’abolition du droit à l’avortement, c’est pour ça qu’on prend les devants, aujourd’hui », explique Jake Barton, venu en couple pour protester.
L’arrêt datant de 1973 constituait une protection fédérale au droit à l’avortement aux États-Unis. Mais la plus haute juridiction américaine l’a annulé, laissant les États américains libres d’interdire l’interruption volontaire de grossesse. L’onde de choc a atteint le Canada. Des manifestations ont eu lieu dans plusieurs villes du pays, notamment à Ottawa et Montréal, avant celle de Toronto ce mercredi.
Difficulté d’accès à l’avortement au Canada
Si beaucoup de manifestants s’accordent à dire que la probabilité de voir le droit fédéral à l’avortement au Canada annulé est minime, mais pas nulle, il n’en demeure pas moins que le problème d’accès à l’avortement était également sur toutes les lèvres.
« Beaucoup d’entre nous regardent ce qui se passe aux États-Unis et se disent qu’il n’est pas improbable que cela arrive aussi au Canada. Il est vrai que le droit à l’avortement est là aujourd’hui, mais d’un autre côté, on éprouve toujours de la difficulté à accéder à l’avortement surtout pour les femmes qui habitent dans l’est du Canada », alerte Renée S.
Par l’Est du pays, cette maman fait certainement référence à la province du Nouveau-Brunswick où des organismes militants comme l’Association canadienne des libertés civiles n’ont eu de cesse de dénoncer le fait que la Loi sur l’avortement n’y est pas respectée. Pour rappel, l’accès à l’avortement n’est possible que dans trois hôpitaux au Nouveau-Brunswick dont deux se situent à Moncton.
Par ailleurs, il est à noter qu’aucun organisme francophone ou ses représentants, y compris ceux défendant les droits des femmes n’était présent à cette manifestation.
L’avortement en Ontario : ce qu’il faut savoir
Depuis la décision historique de la Cour suprême en 1988, l’avortement au Canada n’est plus considéré comme un crime aux yeux de la loi. En théorie, les femmes peuvent y avoir recours à leur demande, à la charge de l’État et à tout moment.
Cependant, il existe dans chaque province une limite de temps à ne pas dépasser. En Ontario, elle est de 23 semaines, ce qui fait de la province l’une des plus souples en la matière. Au delà de ce délai, ironie du sort, c’est bien chez l’Oncle Sam que les Ontariennes se rendaient pour subir un avortement.
Quant à l’accès à l’avortement en français, c’est une autre paire de manches, ne serait-ce que parce que l’unique établissement de santé universitaire francophone de l’Ontario, à savoir l’hôpital Montfort d’Ottawa, n’est pas en mesure de pratiquer des interruptions volontaires de grossesse par acte chirurgical. Cela limite considérablement son seuil d’acceptation qui ne dépasse guère neuf semaines.