Minorités francophones en Cour suprême : Ottawa veut « réviser » sa démarche

La Cour suprême du Canada.
La Cour suprême du Canada. Crédit image: Stéphane Bédard

OTTAWA – Le fédéral affirme vouloir « réviser et considérer les prochaines étapes » dans son intention d’amener les minorités francophones du pays en Cour suprême. Le temps se fait compter alors qu’Ottawa a jusqu’à demain pour aller de l’avant dans une décision qui ne fait « aucun sens », selon un expert.

Questionnée à la période des questions au Parlement, la ministre des Langues officielles Ginette Petitpas Taylor a évité de se prononcer, mais le ministre de la Justice David Lametti a entrouvert la porte à un changement de cap.

« Nous avons pris connaissance de la décision de la Cour d’appel fédérale vendredi passé et nous allons prendre le temps de réviser et considérer les prochaines étapes », a-t-il dit.

Le ministre de la Justice et procureur général du Canada, David Lametti. Crédit image : Wikimedia, Sebastiaan ter Burg

En rappel, jeudi dernier, le gouvernement fédéral a signalé son intention d’amener la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique (FFCB) devant la Cour suprême. Cet appel fait suite à une décision rendue en janvier dernier qui était favorable aux francophones du pays.

Les avocats du gouvernement ont jusqu’à demain pour officiellement porter en appel la décision. Vendredi, la Cour d’appel fédérale a rejeté la demande du gouvernement Trudeau, qui souhaitait obtenir un sursis dans le dossier. Le juge en chef de la Cour d’appel Marc Noël a qualifié de « marasme bureaucratique » le fait que le fédéral ait attendu à la dernière minute pour poser un tel geste.

La ministre Petitpas Taylor évite la question

En conférence de presse lundi matin, la ministre Petitpas Taylor a ignoré la dizaine de questions des journalistes sur le sujet, les relayant vers le ministre Lametti.

« Je vous invite à transmettre vos questions au procureur général pour ce sujet-là », a-t-elle résumé.

La ministre des Langues officielles Ginette Petitpas Taylor.
La ministre des Langues officielles Ginette Petitpas Taylor. Crédit image : Stéphane Bédard.

Pour l’opposition officielle, la démarche du gouvernement est « hypocrite » et soulève la question à savoir qui est « réellement en charge de l’agenda francophone dans le gouvernement ».

« Est-ce que c’est la (Ginette Petitpas Taylor) bonne personne au cabinet pour défendre le fait français? », se questionne le porte-parole conservateur aux Langues officielles Joël Godin.

Ce dernier pense que les événements des derniers jours « démontrent qu’elle n’a pas l’écoute et l’appui de son gouvernement ».

« Le seul portefeuille qu’elle a, ce sont les langues officielles et elle n’est pas capable de répondre sur un jugement qui concerne les langues officielles. Elle s’en lave les mains (…) Ma lecture à ce moment-ci est qu’il n’y a pas d’écoute et de volonté dans ce gouvernement-là. Elle est laissée à elle seule et ça veut dire qu’elle ne pourra pas défendre le fait français et les minorités francophones du pays dans ce cabinet-là », estime M. Godin.

Le critique aux Langues officielles chez le Parti conservateur Joël Godin. Source : Twitter

Un appel qui ne fait pas de sens

Pour l’expert en droits linguistiques François Larocque, la démarche du gouvernement fédéral ne tient pas debout sur le plan judiciaire, car le « contexte est déterminant ».

« Il y a une modernisation de la Loi qui vient avec des modifications importantes à la partie VII de la Loi, la même partie qui fonde l’appel du gouvernement en Cour suprême. Ça n’a aucun sens de demander à la Cour suprême de se prononcer sur des dispositions qui sont appelées à disparaître (… ) Les juges (de la Cour suprême) sont soucieux du contexte et devraient donc prendre acte du fait que le projet de loi a été déposé sur des dispositions appelées à disparaître », souligne-t-il.

Pour ce dernier, le ministre de la Justice David Lametti aurait dû avoir vu venir le coup.

« Le travail du ministre de la Justice est justement d’agir comme un filtre et d’exercer un jugement et dire « non, on ne peut pas aller de l’avant ici, car il y a cette autre position que nous avons prise au sein du gouvernement » et franchement, ça serait compatible avec la position du gouvernement depuis 2015. »