La modernisation de la Loi sur les langues officielles envoyée au Sénat
OTTAWA – Le projet de Loi C-13 visant à moderniser la Loi sur les langues officielles a majoritairement été appuyé à la Chambre des communes lundi, avec une seule voix libérale contre. C’est donc direction le Sénat pour ce projet de loi, déposé en mars 2022.
Le projet de Loi C-13 vient statuer que le gouvernement doit en faire plus pour protéger le français au pays, donner plus de pouvoirs au commissaire aux langues officielles, obliger le fédéral à se doter d’une politique en immigration francophone et à atteindre sa cible de nouveaux arrivants francophones.
« C’est une journée historique. Je suis très contente de voir que le projet de loi a été adopté et qu’il sera maintenant étudié par le Sénat dans les plus brefs délais », a réagi la ministre des Langues officielles Ginette Petitpas Taylor quelques instants après le vote.
Cette dernière n’aura toutefois pas eu l’appui unanime de son parti. Le député de Mont-Royal Anthony Housefather s’est opposé alors que sa collègue de Longueuil-Charles-LeMoyne Sherry Romanado s’est abstenue.
La ministre affirme qu’elle n’est pas rancunière envers M. Housefather, qui lui a ainsi privé de l’unanimité.
« Mon collègue avait la chance de partager les inquiétudes de certains de ses commettants et aujourd’hui, il a pris sa décision finale et c’est correct », a commenté la représentante acadienne.
Le Quebec Community Groups Network, groupe porte-parole des Anglo-Québécois, estime que le projet de loi C-13 « marquerait donc un net recul par rapport à 50 ans de politique en matière de langues officielles », a-t-il commenté lundi après-midi par communiqué. QCGN a d’ailleurs souligné que Anthony Housefather « a fait passer les principes avant la politique ». Des sources nous ont indiqué que le député avait aussi rendu visite à des députés conservateurs dans le but de les convaincre de voter contre son gouvernement.
Selon les règles des libéraux, les députés ne peuvent voter contre la ligne du parti, surtout lorsqu’il s’agit d’une promesse électorale comme la modernisation de la Loi sur les langues officielles. La politologue Stéphanie Chouinard estime que le député anglo-québécois fera assurément face à des conséquences, mais qu’elles n’iront peut-être pas jusqu’à l’expulsion.
« C’est une dissension qui est notable du fait qu’elle est unique, mais elle n’est pas surprenante. On savait qu’il voyait de gros problèmes avec le projet de loi tel qu’amendé… Il s’est peut-être fait donner un passe-droit. Si c’est non, il a voté en connaissance de cause qu’il y aurait des répercussions pour lui à cette dissension-là », pense la professeure au Collège militaire royal du Canada.
Tous les députés du Bloc Québécois, du Parti conservateur et du NPD ont appuyé la mouture. Au total, c’est 300 députés qui ont voté en faveur.
« Je pense que ça envoie un message qu’au-delà des lignes partisanes, les langues officielles sont un enjeu important pour tous les partis et un enjeu d’unité nationale et qu’on doit donc traiter ça avec tout le doigté nécessaire », analyse la politologue.
Le député conservateur Joël Godin se dit « pas content » du contenu du projet de loi, mais sa formation politique ne voulait pas faire ralentir son adoption, demandée par les communautés francophones en milieu minoritaire, souligne-t-il.
« Le projet de loi ne fait pas reculer les langues officielles au Canada, mais il ne franchit pas un pas de géant. C’est minime comme améliorations, mais il y a des améliorations. »
Le Nouveau Parti démocratique (NPD) s’est dit « fier du travail que nous avons accompli pour obtenir des changements historiques qui donneront à notre pays les outils nécessaires pour protéger le français face à son déclin », a déclaré la députée Niki Ashton.
Au tour du Sénat
La modernisation de la Loi se retrouve désormais entre les mains des sénateurs.
La ministre Petitpas Taylor « reconnaît que le Sénat a du travail à faire », mais elle souhaite pouvoir obtenir la sanction royale d’ici le début des vacances d’été. Les sénateurs ont effectué dans la dernière année, une pré-étude du projet de loi, ce qui signifie que la mouture passera moins de temps à la chambre haute du Parlement. Après une première lecture en chambre, les sénateurs n’auront alors qu’à étudier les nouveaux amendements apportés en comité parlementaire et non l’ensemble du libellé.
Des sénateurs ont confié à ONFR+ qu’ils ne s’attendent pas à ce que ce projet de loi connaisse des difficultés au Sénat comme l’a connu une autre modernisation : celle sur la Loi sur la radiodiffusion. Les sénateurs l’avaient modifié, ce qui avait nécessité son renvoi à la Chambre des communes, retardant son adoption de plusieurs mois.