Mois de l’histoire des Noirs : des raisons d’y croire pour les francophones

La mairesse de Cornwall, Bernadette Clément. Archives #ONfr

[ANALYSE]

Si le Mois de l’histoire des noirs n’existait plus, cela signifierait que des avancées majeures auraient été accomplies pour les minorités visibles. La petite phrase de l’activiste d’origine africaine, Jean-Marie Vianney, en entrevue pour #ONfr la semaine passée est assez éloquente. Et démontre qu’en 2019, la participation des résidents à la fois francophones et issus des minorités visibles à la vie politique reste tout un enjeu.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Mais on aurait tort de voir le verre à moitié vide. Longtemps, Firmin Monestime fut considéré comme une exception. Cet immigrant d’origine haïtienne, élu maire de Mattawa en 1963, est considéré comme le premier noir au Canada à occuper un tel poste. Décédé en 1977, ce Franco-Ontarien d’adoption n’est aujourd’hui plus un cas unique.

Lors des dernières élections municipales en octobre, l’élection de Bernadette Clément à la tête de Cornwall, et d’Arielle Kayabaga à titre de conseillère municipale à London, démontrent que les mentalités changent. Dans le cas de Mme Kayabaga, la performance de cette immigrante burundaise, qui a rejoint le Canada durant son enfance, est même à souligner.

Les organismes suivent cette tendance. Pas assez, diront certains, mais force est d’admettre qu’il y a un « mieux » pour les minorités visibles depuis plusieurs années. En témoignent les mandats de Lydia Philippe à la tête de la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO) ou encore, de Kelia Wane comme co-présidente du Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO).

Un nouveau visage pour l’Ontario

Comment en est-on arrivé là? Il y a d’abord le visage de l’Ontario français qui a changé. Cette « francophonie plurielle » est le fruit des vagues d’immigration successives dans la province sur les quatre dernières décennies. Chaque année, ils sont des centaines provenant de la République démocratique du Congo, de Haïti, du Burundi ou encore, du Cameroun à obtenir leur résidence permanente en Ontario.

Dans beaucoup de cas, la deuxième ou la troisième génération suivra les pas de ses aînés dans cette approche francophone et racialisée.

Ensuite, il ne faut pas négliger la force des institutions, avec les écoles élémentaires et secondaires. En janvier 1998, l’officialisation des 12 conseils scolaires francophones avait consacré leur indépendance. Conséquence : la masse critique produite a gagné en poids, englobant beaucoup d’élèves issus des minorités visibles.

Assurer une représentation et motiver les nouveaux arrivants

Malgré ce tableau plus favorable, des défis persistent tout de même. À commencer par la représentation de ces minorités. À bout de souffle, l’Union Provinciale des Minorités Raciales Ethnoculturelles Francophones de l’Ontario (UP/MREF) a rendu l’âme, l’année dernière. Conflits internes, manque de clarté du mandat, l’organisme n’a jamais pu offrir une voix crédible pour les francophones provenant des minorités visibles.

Reste à savoir maintenant ce que donnera la Coalition des noirs francophones de l’Ontario qui, dans quelques semaines, devrait remplacer l’UP/MREF.

Autre défi : la capacité des nouveaux arrivants francophones à rejoindre directement les organismes ou même, à s’engager dans la vie politique de leur nouveau pays. Bien souvent, les immigrants ont des priorités plus matérielles lors de leur arrivée à Toronto, Ottawa ou même Sudbury. Les possibilités de demander des services en français, d’aller au théâtre francophone, ne sont pas toujours connues.

Là encore, il doit y avoir un travail incessant et continu des francophones, via les médias sociaux, et avec la participation des gouvernements, pour promouvoir ces points de repère. Autant d’outils qui assureront à long terme la véritable reconnaissance des minorités visibles.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 11 février.