Nombreuses plaintes sur les services en français pendant les élections fédérales
OTTAWA – Le directeur général des élections, Stéphane Perrault, a remis, ce mardi matin, son rapport sur la 43e élection générale de l’automne dernier. On y apprend que plusieurs plaintes en matière de langues officielles ont été déposées lors du dernier scrutin. Le Commissariat aux langues officielles du Canada en a, quant à lui, enregistré cinq fois plus qu’en 2015.
À l’issue du scrutin du 21 octobre dernier, le commissaire aux langues officielles du Canada, Raymond Théberge, notait déjà une hausse marquante du nombre de plaintes reçues par son bureau pour un manque de services – majoritairement en français – lors des élections fédérales.
Quelques mois plus tard, ce total a encore augmenté. Ce sont désormais 123 plaintes qui ont été enregistrées par le Commissariat, au 29 janvier 2020. En comparaison, le Commissariat n’en avait reçu que 24, en 2015. Sur ces 123 plaintes recevables, 118 concernaient les services en français.
« Nous avons constaté, lors des élections, une augmentation importante des plaintes relatives à la qualité des services dans la langue officielle du choix des électeurs », explique le commissaire Théberge à ONFR+. « Les Canadiens sont de plus en plus conscients de leurs droits et s’affirment de plus en plus. Élections Canada le réalise également. »
« Ce nombre de plaintes est un indicateur intéressant de l’engagement des communautés par rapport à leurs droits » – Raymond Théberge, commissaire aux langues officielles
Car ce nombre ne reflète pas toute la réalité. Plusieurs plaintes ont aussi été formulées directement auprès d’Élections Canada. Dans le rapport présenté mardi matin, l’institution fédérale indique avoir reçu près de 5 000 plaintes concernant l’expérience des électeurs ou les services qui leur étaient offerts, que ce soit aux bureaux de scrutin, en ligne ou à tout autre guichet de service. Et parmi ces plaintes, plusieurs concernent les langues officielles*.
« Élections Canada a entrepris une analyse approfondie du dossier des langues officielles. Ses conclusions et ses recommandations seront présentées dans le rapport rétrospectif », dit-on dans le rapport.
L’impact de la crise en Ontario
Ce rapport est attendu pour septembre 2020 et devrait permettre notamment de savoir combien de plaintes exactement ont été formulées*, mais Élections Canada suggère que les événements en Ontario français à l’automne 2018 ne sont pas étrangers à une hausse de celles-ci.
« Il y a eu une grande prise de conscience, dans la dernière année, par rapport aux services dans les deux langues officielles que les institutions doivent offrir. On en était conscient. C’est un élément de réponse à la question, mais nous allons faire une analyse plus approfondie dans l’analyse rétrospective », explique un représentant d’Élections Canada.
Le bureau de la ministre du Développement économique et des Langues officielles, Mélanie Joly, a réagi au rapport d’Élections Canada, par la voix du directeur des communications de Mme Joly, Jeremy Ghio.
« Tous les Canadiens s’attendent à pouvoir exercer l’un des droits les plus fondamentaux de notre démocratie dans la langue officielle de leur choix. Il est complètement inacceptable d’imaginer le contraire. On s’attend à ce qu’Élections Canada rencontre l’ensemble de leurs obligations linguistiques », a commenté M. Ghio.
Ce matin, Élections Canada assure s’engager à fournir à tous les Canadiens un service bilingue.
« On s’assure d’avoir les services accessibles partout où il y a une présence d’au moins 5 % des communautés de langues officielles en situation minoritaire, mais si possible, on essaie de rendre les services accessibles dans les deux langues officielles partout. Nous sommes d’accord avec ce principe. »
Services bilingues partout?
Le Commissariat aux langues officielles indique que des rencontres ont déjà eu lieu avec Élections Canada et que d’autres sont prévues pour corriger les problèmes.
« On va analyser les plaintes, voir où sont les lacunes… On sait que cela est souvent relié au personnel, ce qui sous-entend qu’il faut un plan pour mieux recruter », dit M. Théberge, qui assure qu’Élections Canada démontre une volonté de collaboration.
Le recrutement de personnel bilingue ne serait pas toujours évident, selon les régions. Ce problème dépasse même le cadre du bilinguisme, puisqu’Élections Canada indique avoir eu de la difficulté à recruter le nombre de préposés au scrutin requis pour le modèle existant de répartition des ressources dans les lieux de vote.
« Ce problème a été accentué par des taux de désistement supérieurs à la moyenne le jour de l’élection », explique l’organisme.
Pour améliorer la situation, Élections Canada dispose déjà d’un programme d’agents de relations communautaires que les directeurs de scrutin peuvent recruter afin de les aider à faire connaître les produits de communication bilingues d’Élections Canada, établir des relations avec les organismes de langue officielle minoritaire sur place et encourager le recrutement de personnel dans les deux langues officielles.
En 2019, 218 de ces agents ont été recrutés pour les communautés ethnoculturelles, c’est-à-dire dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire et dans les communautés juives, contre 132 en 2015.
Moderniser la Loi
Le Commissariat devrait lui fournir d’autres suggestions, notamment par l’analyse des résultats de son questionnaire, mis en place pendant les dernières élections, auquel près de 1 000 personnes ont participé.
« Le rapport est à venir et nous continuons d’enquêter individuellement sur les plaintes que nous avons reçues, même si certaines ont pu être réglées le jour même, lors des élections anticipées », note M. Théberge.
Pour lui, la solution réside avant tout dans la modernisation de la Loi sur les langues officielles.
« Nous avons besoin d’outils pour nous assurer du respect des obligations de la Loi sur les langues officielles. On doit aller au-delà des recommandations et avoir des mécanismes de conformité, comme des sanctions ou des ententes exécutoires. »
La 43e élection générale a coûté 504 millions de dollars et employé quelque 231 599 travailleurs électoraux rémunérés à travers les 338 circonscriptions.
Cet article a été mis à jour le mardi 18 février, à 17h47.
*ERRATUM – Dans une première version de cet article, ONFR+ indiquait qu’Élections Canada avait reçu 252 plaintes pour des manquements en matière de services dans les deux langues officielles. Ce chiffre, fourni par Élections Canada lors du dépôt du rapport, est toutefois très préliminaire, a précisé, un peu plus tard aujourd’hui, l’institution. Élections Canada devrait fournir des chiffres détaillés, vérifiés et précis lors du dépôt de son rapport rétrospectif à l’automne 2020. Nous adressons nos sincères excuses à nos lecteurs.