N-B : un tribunal revalide la nomination d’une lieutenante-gouverneure unilingue par Trudeau
La Cour d’appel du Nouveau-Brunswick a infirmé jeudi la décision d’un tribunal inférieur qui avait statué que la nomination d’une lieutenante-gouverneure unilingue anglophone au Nouveau-Brunswick par Justin Trudeau était invalide.
Il y a deux ans, la Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick avait statué que la nomination d’une gouverneure générale unilingue était inconstitutionnelle. Brenda Murphy avait été nommée en 2019 par le Bureau du Conseil privé à la suite d’une recommandation du premier ministre Justin Trudeau. Le gouvernement Trudeau avait alors porté ce jugement en appel, tout en admettant son erreur.
Jeudi, la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick a donné raison à Ottawa dans une décision rendue par le juge en chef Marc Richard avec deux autres juges.
Dans sa décision en mai 2022, la juge en chef de la Cour du Banc de la Reine Tracy Deware écrivait que le poste de lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick « doit être bilingue et capable de s’acquitter de toutes les tâches requises de son rôle en anglais et français ».
« Comment pouvons-nous considérer qu’il y a, dans un tel cas, égalité des deux communautés linguistiques? À mon avis, nous ne le pouvons pas », jugeait-elle.
Dans la décision rendue jeudi, la Cour d’appel rejette cette argumentation.
« Nous estimons que la juge a commis une erreur en centrant son analyse sur la question de savoir si l’unilinguisme de la lieutenante-gouverneure du Nouveau-Brunswick est incompatible avec l’égalité réelle », peut-on lire dans la décision.
C’est la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB) qui avait porté la cause devant les tribunaux au départ et elle a fait savoir qu’elle va faire une demande d’autorisation auprès de la Cour suprême pour que la plus haute cour au pays entende le dossier.
« L’Acadie du Nouveau-Brunswick ne peut pas accepter que le processus de nomination du poste ne respecte pas le régime linguistique de la province. C’est pourquoi nous allons utiliser tous les recours juridiques à notre disposition, pour défendre les droits de la communauté acadienne et francophone du Nouveau-Brunswick », a réagi par communiqué sa présidente Nicole Arseneau-Sluyter.
Le trio de juges écrit que le tribunal de première instance a erré dans son interprétation du droit constitutionnel des Néo-Brunswickois à communiquer avec les institutions dans les deux langues officielles.
« Il ne s’agit pas du droit de ‘s’adresser’ au chef d’État ou à l’individu qui personnifie l’institution ou de communiquer par ailleurs avec lui (…) Le paragraphe 20 (2) n’impose pas l’obligation de nommer un lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick qui maîtrise les deux langues officielles », indique le jugement.
De plus, le verdict rendu jeudi conclut que le droit constitutionnel de la population d’utiliser les deux langues officielles au gouvernement et dans ses institutions ne peut s’appliquer à Brenda Murphy et à son rôle.
« L’emploi des deux langues officielles ‘dans’ l’institution afférente au lieutenant-gouverneur ne dépend pas des compétences linguistiques personnelles de celui-ci. La nomination d’une lieutenante-gouverneure unilingue au Nouveau-Brunswick n’enfreint pas par le paragraphe 16 (2). »
Les trois juges écorchent toutefois la décision de Justin Trudeau de nommer une personne unilingue, affirmant qu’il serait « souhaitable » d’avoir une personne compétente dans les deux langues officielles.
« Notre analyse nous mène à conclure que la Charte (canadienne) n’impose pas, en fait, cette exigence », notent-ils.
En entrevue avec l’Acadie Nouvelle la semaine dernière, Justin Trudeau a affirmé regretter que sa décision soit « un facteur de division ».
« Les lieutenants-gouverneurs sont faits pour rassembler les gens. Malheureusement, ça n’a pas été le cas ici. Oui, il y a des leçons à apprendre, et certainement le bilinguisme va être au cœur de tous les choix que je ferai pour le Nouveau-Brunswick à l’avenir », a-t-il affirmé au quotidien acadien.
Dans une déclaration écrite, le Bloc Québécois a déploré que la décision en 2019 de Justin Trudeau en était une « méprisante pour les Acadiennes et Acadiens ».
« Que la Cour invalide ou pas cette nomination, cette décision se révèle être le parfait reflet du peu de cas qu’ont les libéraux pour le respect de la langue française, au Canada comme au Québec », dénonce son porte-parole en Langues officielles, Mario Beaulieu.
Le ministre de la Justice du Canada, Arif Virani, n’a pas voulu commenter, son bureau nous référant vers le Bureau du Conseil privé pour une réaction.