Lieutenante-gouverneure unilingue : Ottawa conteste la décision, mais admet son erreur
Le gouvernement Trudeau porte en appel la décision des tribunaux du Nouveau-Brunswick qui jugeait invalide la nomination de la lieutenante-gouverneure de la province Brenda Murphy. Ottawa prend toutefois l’engagement à ne plus nommer une personne unilingue à ce poste.
Le mois dernier, la juge en chef Tracey Deware de la Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick avait statué que la nomination de Justin Trudeau d’une unilingue anglophone à ce poste était inconstitutionnelle. Elle avait été nommée par le Bureau du Conseil privé à la suite d’une recommandation du premier ministre Justin Trudeau. Les libéraux admettent toutefois leur erreur dans ce dossier.
« À l’avenir, notre gouvernement s’engage à nommer des lieutenants-gouverneurs bilingues au Nouveau-Brunswick, et ce, dès le prochain processus de nomination », indique la ministre des Langues officielles et députée du Nouveau-Brunswick, Ginette Petitpas Taylor, dans une déclaration.
La Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB) est celle qui poursuit le fédéral dans ce dossier. La SANB a réagi samedi en journée via son président Alexandre Cedric Doucet.
« On est extrêmement déçu… La décision de la juge Deware était excellente et reconnaissait un tort historique envers la communauté francophone et acadienne. Il y a plusieurs experts en droit constitutionnel qui mentionne, que ça ne prend pas un changement constitutionnel, pour statuer sur la question de nominations des lieutenants-gouverneurs au Nouveau-Brunswick. Beaucoup de gens on mentionné que ça pourrait être fait via le projet de loi C-13 », soutient-il en entrevue.
Les arguments
Les avocats du gouvernement soutiennent dans un document déposé à la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick que la juge Deware a erré dans son jugement. Ils écrivent que cette nomination ne contient pas une exigence de bilinguisme à la base. Ils ajoutent que les recommandations du premier ministre ne sont pas assujetties au cadre judiciaire.
Cet appel a pour but de protéger la Charte canadienne des droits et libertés, explique le fédéral qui estime que cette décision nécessiterait une modification constitutionnelle. Cette action exigerait alors le consentement unanime des provinces et du fédéral.
« En tant que ministre des Langues officielles et fière Acadienne, ma priorité est de protéger et de promouvoir nos deux langues officielles. La décision du gouvernement du Canada d’aller en appel de la décision de la Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick n’affecte en rien notre engagement à protéger et promouvoir notre dualité linguistique », souligne la ministre Petitpas Taylor.
Le gouvernement ferme toutefois la porte à légiférer sa promesse, ce que dénonce la SANB comme une incohérence.
« Les droits linguistiques ce n’est pas un spin de communications que les gouvernements peuvent utiliser. Si on prend juste la parole des gouvernements « pour du cash », on n’en sortira pas gagnant (…) On pensait que le fait qu’on avait des alliés au cabinet ferait en sorte qu’on n’irait pas en appel, mais bon », soupire Alexandre Cédric Doucet en faisant allusion à la ministre Petitpas Taylor et son collègue Dominic Leblanc.
Le Bloc Québécois a dénoncé ce geste de retourner devant les tribunaux.
« Justin Trudeau et les libéraux s’entêtent à vouloir nommer des personnalités qui ne parlent pas français aux postes de lieutenant-gouverneur et gouverneur général malgré l’avis de la Cour. Les Québécois, comme les communautés francophones et acadiennes, doivent prendre acte de cette décision, emblématique de l’action libérale vis-à-vis la langue française », a affirmé le porte-parole en Langues officielles Mario Beaulieu.
Des experts estimait pourtant que le gouvernement n’avait aucun avantage à contester cette décision.